Culture : COUP DE GUEULE
"SI MOHAND U M'HAND, L'INSOUMIS" DE YAZID KHODJA
Un d�licat ratage


Le projet de r�alisation du film sur l'une des figures de proue de la po�sie alg�rienne, Si Mohand U M'hand, a enfin vu le jour. Le projet, il est n�cessaire de le rappeler, a surv�cu � plusieurs turbulences et discordes d�clar�es entre les parties devant participer � la r�alisation de l’œuvre.
Une production retra�ant la vie de celui qui demeure la l�gende �ternelle d'une Kabylie rebelle et insoumise. Il a �t� projet� en avant-premi�re, mardi dernier, � la salle Ibn- Zeydoun. Co-r�alis� par Yazid Khodja et Rachid Benallal, le film refait le parcours mi-�pique, mi-tragique du forgeron du verbe, du ciseleur du mot : Si Mohand U M'hand. Une destin�e hors pair qui a pris naissance pr�cocement. Son talent de po�te s'est manifest� apr�s l'invasion coloniale, l'ex�cution de son p�re et la dispersion de sa famille. C'est en se retrouvant � lutter seul face aux vicissitudes de la vie, que la nymphe des eaux, la muse de la po�sie lui est parue. “Je versifie par ta langue; ou tu rime par la mienne”, lui sugg�re-t-elle. La r�ponse de notre po�te ne s'est pas faite attendre : “Je rime et tu parles.” Et sa destin�e fut ! Devenant po�te errant ne laissant ni monts ni vaux, Si Mohand U M'hand a goutt� � tous les plats : de la mis�re � l'aisance, de la luxure � la d�bauche passant par toutes les sortes de folie et de sagesse. En somme, sa vie n'est pas diff�rente de celle de Rimbaud, Verlaine et autre Apollinaire. Cependant, la r�alisation d'une œuvre de la dimension de ce po�te s'est av�r�e d�licate. La preuve, les multiples failles d'ordre historique et socioculturel constat�es dans le film. Ainsi, en tentant de d�limiter le contexte historique, le r�alisateur a donn� l'impression d'avoir mis le personnage principal sur le banc des oubliettes. Le film prend une autre tournure, il d�vie de son sujet pour emprunter les voies d'un film documentaire racontant, par l'image, l'histoire de l'Alg�rie du XIXe si�cle. En faisant allusion � la r�sistance populaire ainsi qu'aux batailles de Bouamama, Cheikh Ahaddad… Si Mohand U M'hand n'a occup� dans cette �tape du film qu'une partie infime, voire il �tait le grand absent. Une autre d�viation qui a fait que Rachid Benallal mette de c�t� l'h�ros, le c�t� social. Le sujet est consid�rablement �loign� de son environnement social. D'une fa�on plus explicite, on remarque l'absence de synchronisation et d'harmonie entre le c�t� socioculturel, voire sociologique du film, (les us et les traditions de la Kabylie, l'organisation sociale) et le personnage luim�me. Un autre ratage qu'on d�c�le dans Si Mohand U M'hand: les costumes. Ces derniers ne sont pas compatibles avec le XIXe si�cle. La costumi�re, Fatiha Soufi, aurait pu faire preuve de plus de cr�ativit� et actionner un peu plus son imaginaire et accentuer le tout par une recherche approfondie quant � l'habillement de la population kabyle, ses particularit�s et ses sp�cificit�s r�gionales. D'autant plus que les costumes confectionn�s sont dot�s d'un coloris outre mesure, ce qui donne l'impression que l'environnement social du po�te est bien ais�. Aussi les concepteurs du film auraient d� prendre en consid�ration l'�poque et la conjoncture historique mais aussi la situation sociale, le mode et les conditions de vie des Kabyles, en particulier, et des Alg�riens, en g�n�ral. En effet, le colonialisme qui envahissait implacablement et progressivement, la pauvret� qui rongeait la soci�t�, la famine qui frappait de plein fouet… ces �l�ments, d'une importance inestimable, ont �t� dans la plupart des cas marginalis�s. Par ailleurs, le film donne au spectateur l'id�e que la soci�t� kabyle jouit largement d'une autonomie linguistique, sinon comment explique-t-on le langage kabyle pur utilis� par les acteurs ? L� encore, on a tendance � oublier ou � omettre une r�alit� � la fois historique, linguistique et religieuse de la r�gion. En fait, le maraboutisme a �t� largement r�pandu en Kabylie. Les zaou�as ont �t� construites un peu partout, les mausol�es aussi. Il est vrai que le r�alisateur a insinu�, dans certaines s�quences, � cette �vidence, mais d'une fa�on laconique et uniquement dans les pratiques quotidiennes et sans que cela ne soit remarqu� dans les dialogues. Ainsi, cette r�alit� religieuse a beaucoup influenc� sur le dialecte kabyle. Et ce n'est pas fortuit si la langue arabe a fortement pes� sur le parler en question, et ceci se manifeste nettement � travers les innombrables emprunts relev�s. Bref, le film manque de profondeur multidimensionnelle. A force de vouloir r�aliser une fresque cin�matographique, Rachid Benallal et Yazid Khodja ont fini par faire pousser un l�gume inodore, incolore et, de surcro�t, ne jouissant d'aucun go�t de fiction. H. C.

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