Actualit�s : FAROUK KSENTINI AU "SOIR D'ALG�RIE"
“Benchicou doit �tre lib�r� au plus vite”
Entretien r�alis� par Kamel Amarni


Farouk Ksentini est le pr�sident de la commission nationale consultative de d�fense et de promotion des droits de l’Homme (CNCDPDH), organisme rattach� � la pr�sidence de la R�publique et qui succ�de depuis 2001 au d�funt observatoire de Rezzag Bara. Ce proche de Abdelaziz Bouteflika �pouse, naturellement, la vision officielle s’agissant de la perception de la presse nationale. Cependant qu’il nuance quelque peu sa vision des choses, estimant notamment injuste l’incarc�ration du directeur du Matin , Mohamed Benchicou. Il est d’autant plus int�ressant � �couter que notre interlocuteur est juriste de formation…

Le Soir d’Alg�rie : Le d�partement d’�tat am�ricain vient d’interpeller le pouvoir alg�rien � propos de la situation des droits de l’homme. Le rapport du d�partement insiste particuli�rement sur la d�gradation que subit des acquis comme la libert� d’expression, notamment la libert� de la presse
Farouk Kessentini :
Le rapport du d�partement d’�tat am�ricain se distingue par une totale objectivit�, il faut bien le reconna�tre. Ceci dit, il reste, � mon avis, que ledit rapport comporte quelques erreurs d’appr�ciation. Notamment concernant la presse. Moi, personnellement, je consid�re qu’il y a, au contraire, une nette am�lioration dans ce domaine.
Comment cela ?
Il a �t� mis fin � un certain nombre d’exc�s dans la presse. La qualit� des articles est bien meilleure. Voil� par exemple ce qui m’�loigne de l’appr�ciation qu’en fait le d�partement d’�tat dans son rapport.
Vous parlez donc du contenu et non pas des conditions difficiles de la presse d’aujourd’hui ?

Oui, il faut dire que pendant la campagne �lectorale, il y a eu des �crits franchement diffamatoires. La presse s’est donc nettement am�lior�e, depuis.
Vous faites allusion � l’avant et l’apr�s-8 avril. Mais l’incarc�ration de journalistes, la suspension d’un journal et les incessants autres harc�lements de journaux et journalistes ont cours depuis le 8 avril. Le pouvoir est en passe d’instaurer un v�ritable climat de terreur incompatible avec la libert� d’expression. Il favorise grandement le r�flexe de l’autocensure, pour le moins…
L’autocensure ? Moi je ne sais pas si des journalistes s’autocencurent ou pas. Je constate seulement que la presse s’est am�lior�e. Quant aux affaires en justice, n’oubliez pas qu’il s’agit de dossiers qui sont ant�rieurs au 8 avril 2004. Et ce n’est que maintenant qu’ils sortent. Ceci dit, si vous faites allusion � l’affaire BENCHICOU, moi je vous r�pondrais qu’il n’est pas en prison pour ses �crits mais pour une affaire de transferts de fonds, selon son dossier en justice. Je tiens cependant � pr�ciser que, me concernant, je d�nonce le fait qu’il soit mis en d�tention. Car le mandat de d�p�t est une mesure injustifi�e. C’est pour cela que je souhaite qu’il (Mohamed Benchicou) retrouve sa libert� le plus vite possible.
Les avocats de Benchicou ont, justement, d�pos� r�cemment une demande de mise en libert� provisoire. Allez-vous les soutenir alors ?
Je souhaite ardemment que cette mesure aboutisse. Avec votre concours ? Comme je vous l’ai d�j� dit et d�clar� par ailleurs par le pass�, je suis contre la d�tention pr�ventive. Sur un tout autre chapitre, le rapport du d�partement d’Etat am�ricain d�plore un net recul des libert�s politiques et syndicales en Alg�rie… C’est un point de vue. Mais on peut �galement consid�rer que les libert�s dans ce pays se sont �galement �largies.
Dans quel domaine ?

Dans tous les domaines, celui de la presse notamment. Les derni�res �lections pr�sidentielles, par exemple, �taient libres et transparentes. C’est de notori�t� publique et personne ne peut trouver � redire. La police nationale aussi est en train de faire beaucoup d’efforts dans le domaine du respect du droit et de l’am�lioration de ses relations avec le citoyen. La justice aussi. Le code de la famille a �t� amend�. Ce n’est certes pas une r�volution, mais c’est tout de m�me un progr�s important. Tout cela est r�confortant.
Le pr�sident Bouteflika d�clarait r�cemment ne reconna�tre que l’UGTA. Ne consid�rez-vous pas que c’en est, l�, la n�gation m�me du pluralisme, et ce, en violation de la Constitution alg�rienne ?

Ecoutez, on ne peut pas emp�cher le pr�sident d’avoir une affection particuli�re pour l’UGTA. C’est quelque chose d’affectif qui lie les Alg�riens pas uniquement le pr�sident � l’UGTA. Tout comme au FLN d’ailleurs. Et ce pour des consid�rations historiques �videntes eu �gard � leurs r�les respectifs durant la R�volution. Ceci �tant, je suis pour le multipartisme et le pluralisme syndical m�me si ma pr�f�rence va vers l’UGTA � laquelle nous restons tenus par des liens affectifs.
L. S : N’emp�che, lorsque c’est un pr�sident de la R�publique qui le dit, cela �quivaut d�cision officielle de retour � �l’unicisme�
F.K :
Je ne le pense pas. Le pr�sident a prononc� un discours (� l’occasion du double anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures et de la naissance de l’UGTA, le 24 f�vrier NDLR). C’est une allocution que le pr�sident a prononc�e et non pas une d�cision qu’il a eu � prendre.
L. S : Les ONG internationales sont de moins en moins agressives envers l’Alg�rie. Est-ce d�, selon vous, � un changement d’attitude de la part des autorit�s alg�riennes ou alors n’est-ce, l�, qu’une cons�quence tout � fait naturelle des bouleversements provoqu�s par le 11 septembre ?
F. K :
C’est un peu de tout. L’Etat alg�rien a fait des efforts incontestables. Aussi, les �v�nements du 11 septembre ont d�montr� � ces ONG qu’elles se sont tromp�es de camp. En ce sens que, s’agissant de l’Alg�rie, elles ont soutenu le terrorisme. Ce que ces ONG n’ont pas compris est le fait que depuis 1992, le v�ritable d�fenseur des droits de l’homme en Alg�rie a �t� l’Etat alg�rien. C’est l’Etat alg�rien, � travers ses institutions et ses corps de s�curit� qui a d�fendu les citoyens et a pr�serv� leurs vies et biens. Cela, ces m�mes ONG ne l’ont pas compris et elles ont soutenu les terroristes contre l’Etat
Mais l’Etat alg�rien s’affaire, en 2005, � pr�parer une loi portant amnistie g�n�rale qui b�n�ficiera � ces m�mes terroristes. Allez-vous la soutenir ?
Nous soutenons le projet d’amnistie g�n�rale parce que nous consid�rons, honn�tement, qu’elle se justifie par une raison d’Etat. L’Alg�rie a un pressant besoin de tourner la page de la d�cennie rouge pour consacrer tous ses efforts � la reconstruction et au d�veloppement.
Mais n’est-ce pas un paradoxe pour un Etat que d’amnistier des terroristes au moment m�me o� il se trouve en position de force et apr�s avoir triomph� militairement sur le terrorisme et que, politiquement, celui-ci est d�finitivement discr�dit� � l’ext�rieur ?
C’est un paradoxe en apparence seulement. En apparence, en ce sens que c’est le vainqueur qui amnistie et non pas le vaincu. L’Etat a remport� une victoire militaire et politique telle, qu’il peut se permettre d’amnistier.
Ne consid�rez-vous pas qu’amnistier des terroristes constitue en soit une violation des droits de l’Homme. Ceux des victimes et de leurs familles en l’esp�ce ? Aussi, l’Etat n’est t-il pas tenu par un devoir de justice pr�alable � toute autre mesure ?
Entendons nous bien. L’amnistie ne change en rien les droits des victimes. Les victimes du terrorisme garderont leur statut de victimes ainsi que l’ensemble de leurs droits. L’amnistie ne les affecterait en rien.
Vous dirigez un organisme d�pendant de la pr�sidence de la R�publique. Les rapports que vous faites sont destin�s au pr�sident. Quels sont les dossiers urgents que vous lui recommandez de prendre en charge, prioritairement ?
Les urgences sont incontestablement les droits sociaux. Nous avons un d�ficit �norme en la mati�re. L’Etat doit intervenir urgemment � ce niveau. En second lieu, je peux citer des secteurs comme la justice, la sant� et l’�ducation qui doivent am�liorer leurs prestations. Tout ceci apr�s le terrorisme bien s�r.
Le discours �os� qui vous distingue de l’ex-Observatoire, vous conf�re une certaine cr�dibilit�. Vous �tes donc souvent sollicit�s et non pas interpell�s, par les dirigeants du FIS notamment…
Les dirigeants du FIS sont effectivement venus me voir � plusieurs reprises. Nous sommes une institution publique. J’estime que nous n’avons fait que notre devoir. Je pense qu’en tout �tat de cause, nous avons agi dans le sens du rapprochement et de r�conciliation entre les Alg�riens.
Quels sont les dirigeants du FIS que vous avez re�us ? Quelles ont �t� leurs dol�ances ?
J’ai notamment re�u Abassi Madani, Ali Benhadj, Ali Djeddi et, pas plus tard que ce matin (jeudi dernier NDLR) le fils de Layada (le premier �mir national du GIA emprisonn� � Sarkadji depuis 1994 NDLR) �tait assis l� o� vous �tes en ce moment.
Que voulaient-ils au juste ?
Chacun avait ses propres dol�ances que moi je transmettais � chaque fois � qui de droit. Abassi Madani voulait r�gler son probl�me de passeport ; Ali Benhadj se plaignait de harc�lements de la police et il �tait venu m’en entretenir; Ali Djeddi, lui, m’a sollicit� pour qu’il puisse r�int�grer son corps professionnel d’origine qu’est l’enseignement. Quant au fils de Layada, il est venu se plaindre de ce que son p�re soit tenu � l’isolement depuis l’affaire de Sarkadji. De m�me que j’ai eu � recevoir, la semaine derni�re, la famille de Mohamed Benchicou. C’est vous dire que nous sommes tenus de traiter avec le large spectre de la soci�t� alg�rienne dans tout ce qu’elle offre comme diversit�.

K. A.

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