Culture : CIN�MA
Abderrahmane Bouguermouh : "Le cin�ma alg�rien n'est pas g�r� par des professionnels"


Le film La colline oubli�e a �t� pr�sent� jeudi dernier � Bouzegu�ne dans une salle comble, en pr�sence du r�alisateur Abderrahmane Bouguermouh et du com�dien Abderrahmane Debiane, � l’occasion de la c�l�bration du 25e anniversaire du Printemps berb�re et sur invitation du cercle culturel Igelfan. Bien que malade, le r�alisateur a aimablement accept� de se confier aux lecteurs de notre journal sur la situation du cin�ma amazigh et alg�rien � travers un entretien empreint d’une grande franchise et dans lequel se m�lent coups de cœur et coups de gueule qui traduisent en fait l’amour d’un homme profond�ment attach� � son pays.

Le Soir d’Alg�rie : Quelle appr�ciation faites-vous de la situation actuelle du film amazigh auquel vous avez donn� naissance ?
Abderrahmane Bouguermouh :
Je ne sais pas si j’ai donn� naissance au cin�ma amazigh parce qu’auparavant, d’autres avant moi ont fait des tentatives dans le plus grand secret. Moi j’ai la chance de pers�v�rer et d’attendre pour travailler de fa�on professionnelle dans l’int�r�t de ce cin�ma. Tout comme Macahu et La montagne de Baya. Le reste est l’œuvre de jeunes cin�astes qui ont voulu forcer le destin et suivre notre chemin.
Y r�ussissent-ils ?
On ne peut pas faire de comparaison entre un cin�ma qui a les moyens et celui qui n’en a pas. Un film est une usine qu’il faut trimballer constamment et pour cela il faut des moyens colossaux. Ce qui a suivi apr�s ne peut �tre comptabilis� dans la filmath�que amazighe qui se r�sume � ces trois films. Ces jeunes qui arrivent ne manquent pas d’ambition. Mais ce n’est pas suffisant. D�j� pour nous qui ne sommes pas n�s de la derni�re pluie, il nous est tr�s difficile de trouver des moyens. S’ils les d�gotent ce sera merveilleux pour le cin�ma amazigh.
Mais ils arrivent quand m�me � r�aliser quelque chose.

Ce que vous voyez ce sont des films faits par des r�alisateurs de f�tes qui ont l’habitude de filmer avec des cam�ras perfectionn�es con�ues pour les mariages. Ils se leurrent, car ce ne sont pas eux qui filment mais la cam�ra. Il faut une grande technicit�, une direction d’acteurs, donner une �me au film. Il y a tant de chemin � parcourir pour arriver au cin�ma professionnel. J’aspire � ce que les cin�astes qui arrivent sachent cela et ne d�consid�rent pas le cin�ma, surtout quand il s’agit de cin�ma amazigh. C’est dans leur int�r�t. Mais pourvu qu’il y ait des jeunes qui continuent � y croire. Cela �tant, il y a des projets et des r�alisateurs qui n’attendent que les moyens financiers de l’Etat pour entamer leur travail.
Donc au probl�me de moyens s’ajoute celui de formation...

Il n’existe pas dans notre pays de formation de com�diens. L’�cole de formation de techniciens se r�duit � la photo et � la r�alisation mais c’est fait par des non-professionnels qui feront sortir des non professionnels. Pour la cam�ra, ce n’est pas un probl�me, l’exp�rience permettra d’acqu�rir la technicit�. Il faut refuser de travailler sur des projets ambitieux si on n’a pas les moyens. On m’a appel� pour r�aliser Fadhma n’Soumeur, El Mokrani et bien d’autres films mais la premi�re condition que j’ai pos�e �tait qu’ils mettent sur la table dix milliards rien que pour la pr�paration. Des hommes de cette dimension historique m�ritent des moyens � la mesure de leur h�ro�sme et de ce qu’ils symbolisent.
Mais il y a eu quand m�me un feuilleton sur Fadhma n’Soumeur et un film sur Si Mohand u Mhand...
Le feuilleton sur Fadhma N’soumeur �tait un �chec programm�. Le combat de cette femme qui a tenu t�te � l’arm�e napol�onienne avant de mourir en prison, tout comme El Mokrani qui est mort au combat, a �t� folkloris� � dessein � la mani�re des feuilletons �gyptiens pour qu’on n’en parle plus. C’est un combat qui ne les arrange pas, car il complexe leurs symboles � eux. Quant au film sur Si Mohand u Mhand, je n’ai pas voulu le voir. On a donn� le film � une �quipe qui n’a rien � voir avec le personnage. Je n’apporte pas de critique n’ayant pas vu le film mais on ne le confie pas � deux personnages ne parlant pas la langue. Symbole de la culture, Si Mohand �tait le t�moin d’une �poque cruciale de la colonisation et ses po�mes traduisent sa douleur d’assister au renversement des valeurs. J’ai appris qu’ils en ont fait une historiette d’un “hcha�chi”.
Que pensez-vous de l’actuelle composante du CNCA et de l’absence de critiques cin�matographiques ?
Ramener des professionnels qui exigeront des moyens professionnels n’arrange pas les d�cideurs en charge du secteur. On ne veut pas d’un Bedjaoui ou d’un Laskri, car il d�fendront les vrais r�alisateurs. C’est un recul, car un pro n’acceptera jamais de revenir � un cin�ma mis�reux. Quant aux critiques, ils critiqueront quoi ? Depuis quelque temps on ne produit rien, on ne s’occupe que du cin�ma international.
Apr�s Kahla ou be�da, d�di� � l’Entente de S�tif, accepteriez-vous de r�aliser un film sur la JSK ?
Le film sur l’Entente a �t� r�alis� dans des circonstances exceptionnelles. Renvoy� par Ahmed Taleb El-Ibrahimi, des amis s�tifiens � l’humour d�capant m’ont propos� de le faire et j’ai accept�. En quatre jours, j’ai �crit le sc�nario que j’ai pr�sent� � Bedjaoui qui m’a appel� � 3 h du matin pour me dire qu’il le trouvait fabuleux. Un mois apr�s, on a commenc� � tourner. Ils m’ont promis 57 millions pour redescendre finalement � six millions au point o� Bedjaoui avait failli d�missionner de la direction de la production. J’ai continu� gr�ce aux S�tifiens. Quant au film sur la JSK, il ne se refuse pas. C’est une identit� qui descend sur l’ar�ne. Mais tout comme la JSMB, au lieu de m’appeler ils ont appel� quelqu’un d’autre, sinon tout est fin pr�t. Pour la JSK, c’est comme pour La Colline oubli�e pour lequel j’ai d�bours� 250 millions de ma poche. Mais je suis un pro et les films co�tent cher. Ce sera un plaisir de le faire avec un bon sc�nario �largi � quelque chose qu’on n’a pas l’habitude de voir.
Que pensez-vous de la nouvelle cha�ne berb�re qui �mettra incessamment ?
Quand ils ont cr�� le HCA, trois personnes ont refus� d’y �tre : Tassadit Yacine, Salem Chaker et moi-m�me, car nous savions qu’ils voulaient en faire une structure de contr�le de tamazight sous pr�texte de s’en occuper. Ce sera le sort de cette cha�ne pour laquelle un directeur qui n’a pas cess� de saquer la Kabylie a �t� nomm�.
Si vous �tiez responsable du secteur du cin�ma, quels seraient vos chantiers prioritaires ?
Je ne saurais dire sinon que je ne serai jamais responsable. D’ailleurs je n’y pense jamais. Ce qui est beau est notre r�ve � tous. Inutile de l’exhumer. Il y a tellement � dire sur notre cin�ma que ce n’est pas la peine de d�courager les jeunes qui y croient encore. Continuons � croire avec eux � ce militantisme absolu.
Entretien r�alis� par Salem Hammoum

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