Le Soir Retraite : LE GOUVERNEMENT PREND LE RISQUE DE D�MANTELER LA S�CURIT� SOCIALE
Tr�s fortes hausses de la facture du remboursement des m�dicaments


Le gouvernement Ouyahia prend le risque d'acc�l�rer le d�mant�lement de la S�curit� sociale. Il ne mesure pas le danger � court et moyen termes que fait courir pareille d�marche au syst�me de protection sociale dans son ensemble et aux droits �l�mentaires des assur�s sociaux en particulier. Il ne se rend pas compte que les retomb�es de ce d�mant�lement en r�gle vont mettre en p�ril le secteur public des soins, d�j� bien mal en point.
Ouyahia et tous ceux qui, au sein du pouvoir, partagent et soutiennent cette politique de l'ins�curit� sociale semblent avoir le vent de l'ultralib�ralisme en poupe : le monde du travail est comme t�tanis� et les rares �lots de contre-pouvoir sont vites r�prim�s. Aucune opposition ou contestation de taille en vue, qu'importe si les lois sont pi�tin�es et la r�glementation viol�e par ce gouvernement qui les a lui-m�me �labor�es : � ses yeux atteints de c�cit� politique, il est temps de porter l'estocade � une S�curit� sociale � genoux et encore trop g�n�reuse. La t�che est d'autant plus facile que l'UGTA — au statut de partenaire syndical unique et privil�gi� du gouvernement — a baiss� les bras depuis longtemps, elle-m�me embarqu�e exclusivement depuis quelques mois dans des luttes intestines de leadership en vue du congr�s de f�vrier 2006. Triste 50e anniversaire de la cr�ation de l'UGTA en perspective, le gouvernement et ses ex�cutants minist�riels et autres d�membrements locor�gionaux, �tant charg�s de casser du syndicat autonome. L� aussi terrible erreur des gouvernants : cette politique du tout r�pressif — dop�e par les prix du baril de p�trole — est contre-productive � moyen terme. L'exemple de la d�termination des enseignants du secondaire autour de leurs syndicats autonomes — Cnapest et CLA notamment —, � ne pas se laisser intimider et � poursuivre leur combat autour de leurs revendications socioprofessionnelles, est �loquent � plus d'un titre. L'ann�e 2005 — dans la foul�e des ann�es pr�c�dentes, mais dans une proportion plus importante — sera un tr�s mauvais mill�sime pour la S�curit� sociale et l'�quilibre financier des principaux organismes (Cnas et CNR plus particuli�rement), �quilibre beaucoup plus fragile que l'on ne le pense. La facture du remboursement des m�dicaments par la S�curit� sociale va exploser dans des proportions in�gal�es, jusqu'� atteindre pr�s de 40% de l'ensemble des d�penses : taux parmi les plus �lev�s au monde ! Les causes sont connues et �chappent en grande partie � la marge de manoeuvre des organismes “rembourseurs”.
Absence d'une politique nationale pharmaceutique
Les pouvoirs publics sont les uniques responsables de cette gabegie � grande �chelle. Non seulement ils ne font rien pour y faire face, ils ne laissent m�me pas faire : plus grave encore, ils entretiennent les causes de cette explosion. Quelques chiffres : la facture de l'importation du m�dicament a plus que doubl� en l'espace de quelques ann�es, statistiques des douanes � l'appui, passant de 450 millions de dollars en 2001 � 1 milliard de dollars en 2004. Vous avez bien lu : 1 milliard de dollars, 1 000 millions de dollars ! Et gare aux mensonges r�p�t�s de quelques mandarins dop�s par leurs bailleurs sonnants et tr�buchants, qui crient � un taux tr�s faible de d�penses pharmaceutiques par habitant en Alg�rie. Ou ceux qui depuis des ann�es et � intervalles r�guliers hurlent aux risques de p�nurie, hurlements qui traduisent plut�t des menaces de cr�ation de p�nuries, rappelant ainsi qu'ils sont les seuls ma�tres du march�, redonnant d'une main aux multinationales du m�dicament ce que les gouvernements de ces derni�res ont perdu de l'autre main, suite aux fortes hausses des prix du p�trole. La raison principale de ces fortes explosions de la facture � l'importation — et par ricochet celle due aux remboursements par la S�curit� sociale — est li�e � l'absence de politique nationale pharmaceutique, telle que la pr�conise depuis de tr�s longues ann�es l'Organisation mondiale de la sant� (OMS), avec beaucoup de succ�s dans de nombreux pays, politique � laquelle tous les gouvernements alg�riens depuis plus de 20 ans opposent une surdit� chronique ! Une politique nationale pharmaceutique repose sur un triptyque tr�s simple : qualit� indiscutable, prix mesur�s et ma�trisables, m�dicaments essentiels pour tous. En Alg�rie, aucun de ces trois �l�ments n’existe. Oui, m�me la qualit� des m�dicaments est en cause, et la responsabilit� du Laboratoire national de contr�le (et de ceux qui ferment les yeux sur ses pratiques ou profitent de passe-droits criminels) est enti�re : si un audit de ce laboratoire �tait men� par un organisme ind�pendant, que de tr�s mauvaises surprises nous aurions au final. Concernant les d�rives et les dysfonctionnements qui caract�risent les prix des m�dicaments, tout a �t� dit, �crit et d�nonc�. Seuls deux aspects ne sont peut-�tre pas suffisamment connus : les prix ne sont jamais n�goci�s, ils sont simplement d�pos�s par les op�rateurs concern�s, et surtout pas n�goci�s � l'importation ! L'Alg�rie est un des tr�s rares pays au monde — �pouvantable record — � ne pas n�gocier ces prix, ce qui explique notamment les �normes �carts de prix pour un m�me m�dicament vendu par deux importateurs diff�rents, et tr�s souvent c'est le plus cher qui obtient en premier toutes les facilit�s de commercialisation ! Et m�me l'insignifiante tentative d'instaurer un semblant de tarifs dits de r�f�rence pour le remboursement de m�dicaments par la S�curit� sociale a �t� battue en br�che par la mafia du m�dicament et ses relais � tous les niveaux. Le pr�c�dent ministre en charge de la S�curit� sociale qui avait essay� seul de mettre en place ce dispositif a probablement perdu son poste � cause de cette tentative. Cette politique tarifaire avait pourtant �t� d�cid�e par le gouvernement : d�cret ex�cutif et arr�t�s interminist�riels � l'appui, le tout sans conviction mais avec nombre d'obstacles � la cl� et une lev�e de boucliers g�n�ralis�e, allant du petit pharmacien de quartier au gros importateur jouant dans la cour de ceux “que l'on nomme les grands”. Le gouvernement a pr�f�r� “d�missionner” et brader sa souverainet�, au lieu de r�primer les contrevenants et d'exercer l'autorit� de sa puissance publique sans concession.
Le subterfuge des vignettes de toutes les couleurs

Et ce n'est pas le subterfuge des vignettes de toutes les couleurs (des couleurs diff�rentes selon que le m�dicament soit remboursable ou pas) que veut mettre en place l'actuel minist�re de la S�curit� sociale qui y changera quoi que ce soit : les vignetteuses des importateurs continueront � fonctionner de concert en noir et blanc, l'impunit� (et les protections mafieuses de toutes sortes) �tant la r�gle pour ceux qui ont fait main basse sur 1 milliard de dollars. M�me pour la mis�rable politique du d�remboursement des m�dicaments actuellement en vigueur — tr�s limit�e et constamment remise en cause — la liste devenant �lastique � souhait, les pouvoirs publics auront mis dix ans � la mettre en application et de la plus mauvaise mani�re qui soit. Quant � la notion de m�dicaments essentiels pour tous — 3e et dernier �l�ment du triptyque d�finissant une politique nationale pharmaceutique — l� aussi, si elle est inscrite depuis des ann�es dans les discours de tous les ministres de la sant�, ce n'est que supercherie puisque que sur le terrain, les autorit�s sanitaires pratiquent le contraire, avec � la cl� le co�t d�sastreux que l'on sait et les tr�s graves in�galit�s sociales que cela engendre et dont sont victimes des millions d'Alg�riens pour qui les m�dicaments de premi�re n�cessit� (lorsqu'ils sont sur le march�) sont de plus en plus inaccessibles. Le concept de m�dicaments g�n�riques a �t� compl�tement d�natur� et largement battu en br�che par les nombreux partisans des produits de marque, non essentiels et au prix le plus �lev� : cette arm�e de mercenaires est bien en place � tous les niveaux de la gestion du m�dicament et impose sa loi sans difficult�. Comment peut-il en �tre autrement quand on sait la d�pendance voulue et entretenue du march� alg�rien du m�dicament de ses fournisseurs fran�ais � pr�s de 80% (!), qui plus est, la France �tant le dernier pays d'Europe dans le taux de commercialisation de m�dicaments g�n�riques ? La seule politique du m�dicament dont se pr�vaut le gouvernement est justement de ne pas avoir du tout de politique et de laisser faire ceux qui se sont partag�s le milliard de dollars en 2004, et certainement beaucoup plus en 2005, se servant all�grement dans la cagnotte du p�trole, tant que les prix de ce dernier demeureront �lev�s. La cerise sur le g�teau de ce “tsunami” qui frappe la S�curit� sociale et qui hypoth�que s�rieusement son avenir : le monopole de fait — et voulu par le gouvernement — du minist�re de la Sant� sur l'ensemble des op�rations du m�dicament. Ce minist�re cumule les pr�rogatives de plusieurs autres d�partements : Commerce, S�curit� sociale, Finances (dont l'administration des douanes entre autres), Industrie, Solidarit� (dont l'action sociale), cumul aggrav� par l'absence totale de coll�gialit� dans la prise de d�cision et l'indigence de la r�glementation en vigueur, le tout alimentant un pouvoir discr�tionnaire d�mesur� et reposant sur la d�marche d�vastatrice soulign�e plus haut, le tout agr�ment� par un favoritisme sans limite. La maigre consolation pour les tenants d'une politique nationale pharmaceutique : une hypoth�tique exfuture agence du m�dicament, ind�pendante de l'autorit� sanitaire, projet r�guli�rement �voqu� par tous les ministres de la Sant� ces derni�res ann�es, un minuscule os � ronger, tromperie suppl�mentaire autoris�e, histoire de gagner du temps et de laisser la mafia faire fructifier ses affaires. Sans se faire d'illusions sur les capacit�s actuelles de la soci�t� � faire changer les choses positivement, dans le sens de la p�rennit� de la S�curit� sociale, encore moins le gouvernement � faire son mea-culpa, le combat pour une politique nationale pharmaceutique de progr�s est profond�ment in�gal dans le contexte actuel. Malheureusement, autre ineptie de taille, les caisses de S�curit� sociale n'ont aucune pr�rogative pour emp�cher cette h�morragie � grande �chelle, faute d'une l�gislation et d'une r�glementation dont sont pourtant dot�es pareilles institutions du monde entier : la boucle est boucl�e, la mafia du m�dicament va continuer � jouer sur du velours tant que les pouvoirs publics laisseront faire et que les contrepouvoirs du monde du travail et des usagers de la sant� seront marginalis�s.
Djilali Hadjadj

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