Panorama : ICI MIEUX QUE L�-BAS
Fatiha Benchicou, femme-courage
Par Arezki Metref
arezkimetref@yahoo.fr


Le 26 octobre 2005, en compagnie de journalistes de diverses nationalit�s, Fatiha Benchicou a lanc� des ballons devant l�ambassade d�Alg�rie � Paris. Cette c�r�monie �tait organis�e pour rappeler que le jour m�me Mohamed Benchicou, directeur du quotidien Le Matin, �tait en train de purger son 500e jour de d�tention.
Ce jour-l�, �a faisait aussi 500 jours que Fatiha Benchicou remuait ciel et terre pour convaincre toutes sortes d�interlocuteurs, journalistes et politiques, militants d�organisations non gouvernementales et juristes, alg�riens et �trangers, diplomates et permanents de partis, de ce que le directeur du Matin, son �poux, n�avait pas �t� incarc�r� pour un d�lit de droit commun mais bel et bien pour ses �crits dans le journal et dans une biographie pamphl�taire consacr�e � Abdelaziz Bouteflika. D�s le 14 juin 2004, jour de l�interpellation de Mohamed Benchicou au tribunal d�El Harrach, elle est contact�e par des journalistes alg�riens et fran�ais, des amis de l�Alg�rie combattante dont ceux qu�on appelle �les porteurs de valises�, des militants d�mocrates des pays du Maghreb pour envisager avec elle comment protester contre l�atteinte � la libert� de la presse et le m�pris du droit � l�information signifi�s par cette arrestation. D�s les premi�res r�unions du Collectif pour la libert� de la presse en Alg�rie, issu de ces discussions, Fatiha Benchicou va s�av�rer une personnalit� pugnace qui n�aura de cesse de d�construire l�argumentaire fallacieux � l�origine du maquillage du musellement de la presse en r�pression d�un d�lit de droit commun. Quand on lui sort l�histoire des �bons de caisse�, elle brandit une lettre des douanes alg�riennes qui ne consid�rent pas leur port comme un d�lit. Le reste � l�avenant : le pot aux roses se d�couvre de lui-m�me. Mohamed Benchicou est arr�t� en sa qualit� de journaliste. L�arrestation de Mohamed Benchicou va agir sur Fatiha comme un �lectrochoc qui �veille sur la gravit� des p�rils encourus par l�Alg�rie. Au-del� des effets personnels engendr�s par l�emprisonnement de son �poux, Fatiha Benchicou, qui est journaliste elle-m�me, et s�ur de journaliste, r�alise � quel point la situation est devenue dangereuse pour la presse ind�pendante. Elle se souvient encore des bagarres syndicales � l�APS et au sein du Mouvement des journalistes alg�riens (MJA), un peu avant et juste apr�s le 5 octobre 1988. Elle se souvient qu�au retour de reportages, on leur jetait, � elle et � ses coll�gues, les t�moignages des jeunes d�Octobre � la poubelle pour faire passer des communiqu�s officiels. Elle se souvient surtout que l��mergence de la presse ind�pendante, elle l�a vue comme la r�alisation d�un r�ve, celui de l�exercice libre de la profession. Fatiha Benchicou est tomb�e dedans toute petite. La presse, c�est son univers familial. Un de ses parents travaillant � El Moudjahid, elle n�est pas seulement devenue une lectrice pr�matur�e. Elle s�int�ressait aussi bien aux articles qu�� leurs auteurs. Pas mieux pour humaniser la perception de la profession qui va devenir plus tard la sienne. De cette �poque de l�adolescence o� elle d�couvrait le monde en m�me temps que ceux qui en sont les chroniqueurs quotidiens, elle a gard� un go�t pour la lecture des journaux et une passion pour l�exercice du journalisme. �J�ai toujours lu dans les journaux la moindre br�ve concernant les atteintes � la libert� de la presse o� que ce soit dans le monde�, dit-elle. Mais voil� : du fait de son exposition et de celle de son �poux, elle a d�, apr�s avoir essuy� toutes sortes de menaces, assurer sa sauvegarde physique en d�jouant les plans des tueurs. �L�exil m�a cass�e. Ma d�ception de devoir quitter le pays pour rester en vie a �t� paralysante. Il fallait ajouter � cette d�ception, une autre, sans doute plus grande, celle de voir ce qu�on faisait de l�Alg�rie.� Cette double d�ception va la clo�trer dans une solitude voulue et accept�e, occasion d�une sorte d��introspection collective � qui a conduit � la lucidit� dont elle fera preuve lorsque l�incarc�ration de son mari la projettera au-devant d�une sc�ne qu�elle a toujours refus� d�occuper. �J�ai toujours accept� le mauvais c�t� de la m�daille. J�ai toujours assum� les sacrifices n�cessaires�, confie-t-elle, le sourire aux l�vres. Qu�a-t-elle pens� le jour de l�arrestation de Mohamed Benchicou avec qui elle vit et milite depuis 30 ans ? �C��tait un coup grave mais, pour ne rien cacher, j�avais toutes les raisons de m�attendre � pire. Je crois savoir de quoi sont capables les autres.� Le sentiment d�injustice a cependant �t� autant suscit� par l�arbitraire qui frappe Mohamed Benchicou et qui, � travers lui, r�v�le la vuln�rabilit� de la libert� devant l�autoritarisme, que par le d�ni de solidarit� qui lui est oppos� au pr�texte qu�il est un justiciable de droit commun comme un autre. C�est contre cette falsification de la nature de la r�pression dont il a �t� victime qu�elle tient � s��lever. C�est pour d�maquiller tout cela qu�elle a pris un b�ton de p�lerin et qu�elle s�est rendue partout o� on lui demande de t�moigner. Elle est all�e parler la voix du c�ur et de la raison devant les parlementaires europ�ens � Strasbourg, devant des publics divers � Marseille, Lille, Saint- Etienne, au S�nat � Paris. Elle donne des conf�rences de presse, �crit des dizaines de courriers par jour pour informer toutes et tous ceux qui le souhaitent du sort de Mohamed Benchicou et des victimes du harc�lement judiciaire en Alg�rie. Cette femme, chez qui douceur et d�termination forment un trait de caract�re harmonieux, est de cette race de militantes � principes, esp�ce en voie de disparition dans notre pays. Elle n�inscrit pas son militantisme dans une vis�e strat�gique. Elle ne vise rien, n�attend rien. Elle se bat pour un principe : qu�on reconnaisse que le journaliste Benchicou a �t� �crou� en tant que tel ! On a eu r�cemment un exemple de cette d�termination lorsque, r�pondant � un t�moignage du journaliste Sa�d Loun�s affirmant avoir trouv� Mohamed Benchicou dans un �tat de sant� pr�occupant, le procureur d�El Harrach tra�ait un tableau presque idyllique du suivi m�dical accord� aux prisonniers. Fatiha Benchicou publie une mise au point sans ambages. Timide, elle devient intarissable lorsqu�elle parle de ses espoirs pour la presse alg�rienne.
A. M.

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