Sports : FOOTBALL
TOUT A COMMENCE UN SOIR DE F�VRIER 1999
La naissance des �l�phants�


Selon la fa�on dont on voit les choses, la d�cision prise il y a six ans de cela de confier l'avenir de la s�lection ivoirienne � une bande de gamins est soit l'un des plus grands coups de g�nie de l'histoire du football soit un acte d�sesp�r�. Quoi qu'il en soit, la r�cente qualification des �l�phants pour la phase finale de la Coupe du Monde 2006 doit sans doute beaucoup � ce choix.

A Abidjan, par une chaude journ�e de f�vrier 1999, le 7 pour �tre exact, quelques adolescents issus d'un des clubs les plus prestigieux du pays allaient se charger d'�crire l'histoire. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux sont devenus des titulaires indiscutables en s�lection. Ce jour-l�, l'ASEC Abidjan remporte la finale de la Super Coupe d'Afrique 3-1 apr�s prolongation aux d�pens des Tunisiens de l'Esp�rance. Cette �quipe n'a pourtant rien � voir avec l'ASEC que tout le monde conna�t en C�te d'Ivoire. Il s'agit plut�t d'un groupe de jeunes, pour la plupart �g�s de 17 ou 18 ans, qui se sont vu propuls�s en �quipe premi�re dans des circonstances exceptionnelles. En 1993, Roger Ouegnin, le charismatique pr�sident du club, d�cide de fonder un centre de formation qui drainera les meilleurs talents du pays. Les plus prometteurs sont log�s, nourris, blanchis et confi�s aux bons soins des meilleurs �ducateurs. A terme, le but est bien �videmment de permettre � l'ASEC de puiser dans ce vivier sans avoir � d�bourser un sou. L'id�e n'est pas nouvelle mais, en Afrique, personne n'a encore mis au point de telles structures. Lorsque l'ASEC acc�de � son r�ve de toujours en remportant la Ligue des Champions d'Afrique en 1998, beaucoup de ses cadres manifestent l'envie d'aller voir ailleurs. Le capitaine Tchiressoa Guel, par exemple, signe � Marseille, tandis que ses co�quipiers vont tenter leur chance en Europe, au Maghreb ou au Moyen-Orient. A cette �poque, le club nage dans l'euphorie et personne ne se soucie vraiment de savoir dans quelles conditions d'ASEC va pouvoir disputer cette Super Coupe d'Afrique quelques mois plus tard. Pour Ouegnin, cette situation constitue une excellente opportunit� de tester ses th�ories sur le terrain. L'occasion est belle de mesurer les progr�s des pensionnaires du centre de formation face � une �quipe de l'Esp�rance qui vient tout juste de remporter la Coupe d'Afrique des vainqueurs de coupe.

Des enfants en finale

Mais l'id�e ne s�duit pas vraiment les supporters ivoiriens. Quant � Francis, le propre fr�re d'Ouegnin, il est tellement convaincu que le club court � la catastrophe qu'il d�missionne de son poste de vice-pr�sident. De son c�t�, l'Esp�rance ne cache pas son agacement. Certes, la d�cision de l'ASEC d'envoyer une �quipe junior lui donne pratiquement match gagn�, mais les Tunisiens sont furieux de voir ce match de prestige, disput� devant le Comit� ex�cutif de la Conf�d�ration africaine de football, raval� au rang de farce. Slim Chiboub, le pr�sident de l'Esp�rance, ne m�che pas ses mots : �C'est un scandale de faire jouer des enfants !� Pourtant, Ouegnin assure que ses prot�g�s ont parfaitement le niveau pour cette rencontre. Bien s�r, personne ne le croit. Les supporters d�cident de boycotter la rencontre et le stade F�lix Houphou�t-Boigny n'enregistre qu'une maigre affluence de 10 000 spectateurs. Alors que les jeunes joueurs de l'ASEC assistent aux formalit�s d'avant-match, un t�moin les d�crit comme �"un troupeau de moutons qu'on m�ne � l'abattoir�. En quelques minutes, les jeunes pousses ivoiriennes, men�es par l'ancien international fran�ais Jean-Marc Guillou, d�montrent qu'elles n'ont rien de victimes expiatoires. L'ASEC d�montre une qualit� technique, une vivacit� et une confiance impressionnantes. A tel point que ce sont les locaux qui ouvrent le score en fin de premi�re p�riode par l'interm�diaire de Venence Zeze. En fait, il faut attendre les derni�res minutes de la rencontre pour voir l'Esp�rance revenir au score sur penalty. Lorsque le gardien de but et capitaine Chokri El Oauer remet les deux �quipes � �galit�, on se dit que la belle histoire de l'ASEC va prendre fin et que l'exp�rience des Tunisiens suffira � faire la diff�rence en prolongation. Une fois de plus, on se trompe lourdement. Les Ivoiriens se ruent � l'attaque et reprennent l'avantage sur un but du rempla�ant Aruna Dindane � la 96�me minute, avant que Zeze ne mette son �quipe d�finitivement � l'abri. Ce r�sultat fait sensation � travers toute l'Afrique. L'audace des dirigeants de l'ASEC fait couler beaucoup d'encre, d'autant que le r�sultat leur donne raison. Confort� dans ses opinions, Ouegnin se d�barrasse des derniers titulaires encore au club et confie les cl�s du club � ses nouveaux h�ros. C'est � partir de cette date que le grand club ivoirien va devenir une �tape oblig�e pour tous les recruteurs europ�ens en visite en Afrique. Mais que sont devenus ces joueurs pas comme les autres ? Pour le savoir, il suffit de consulter la liste des joueurs ivoiriens retenus pour les derni�res journ�es de la comp�tition pr�liminaire pour la Coupe du Monde : Kolo Tour�, Boubacar Barry, Didier Zokora, Abdoulaye Djire, Gilles Yapi Yapo, Siaka Tiene et le fameux Dindane, rempla�ant de luxe. Aujourd'hui, tous ces jeunes sont de v�ritables stars en Afrique et tous �voluent dans de grands clubs europ�ens. Alors que la C�te d'Ivoire se pr�pare � participer � la premi�re phase finale de Coupe du Monde de son histoire, rares sont ceux qui se souviennent que tout a commenc� un soir de f�vrier 1999, par une d�cision controvers�e de Roger Ouegnin...

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