Panorama : PARLONS-EN
Une parade providentielle
Par Malika BOUSSOUF
malikaboussouf@yahoo.fr


Il y avait d�j� eu ce patron d�entreprise priv�e qui avait renonc� � inaugurer son usine par respect pour Abdelaziz Bouteflika, absent du pays pour cause de maladie. Fait in�dit, on s��tait, alors, ironiquement demand� ce que ce m�me manager ferait si le pire venait � se produire. Irait-il, par exemple, jusqu�� br�ler son outil de production ? Bien s�r que non ! On venait juste d�assister l� � un acte autant d�magogique que sans int�r�t.
L�annonce a pourtant fait des �mules puisque le patron de la Centrale syndicale � appendice consacr� du pouvoir �, trouvant l�id�e �g�niale�, l�a mise � profit et exploit�e � son avantage, histoire de calmer les esprits qui s��chauffent � l�approche d�un 11e congr�s qui s�annonce des plus incertains pour lui. La sant� d�faillante du pr�sident de la R�publique a bon dos. Maintenant que Sidi-Sa�d a os� le faire, bien des choses pourront, � leur tour, pourquoi pas, �tre mises sur le compte du patient. Appeler � une tr�ve sociale par compassion pour le chef de l�Etat et ne pas h�siter � faire de sa sant� fragile un fonds de commerce qui ne dit pas son nom, avait, � vrai dire, de quoi en faire �gerber� plus d�un. Il fallait, en effet, la trouver celle l� et Sidi-Sa�d n�a pas mis longtemps pour le faire, prenant tout le monde � contre-pied, mais ignorant surtout qu�il jouait ainsi et bien malgr� lui � l�oiseau de mauvais augure. Faut-il faire remarquer au patron du syndicat en question que le chef de l�Etat serait tout juste convalescent et donc loin d��tre � l�article de la mort comme nous le confirment certaines sources autoris�es � en parler ? A moins que Sidi-Sa�d ne soit dans le secret des dieux et, donc, en possession d�informations capitales � ce qui serait fort �tonnant � cette maladresse, feinte ou pas, �tait non seulement inopportune mais surtout de fort mauvais go�t. Le chef du plus grand syndicat du pays, �fatigu� mais pas pr�t � rendre son tablier, est donc r�duit � souhaiter une tr�ve sociale pour desserrer le n�ud coulant qui lui prend la gorge et pr�venir une explosion sociale latente. Et c�est l� que la parade appr�t�e manque quelque peu de cr�dibilit� et de panache. Car ne pas faire �cho � un appel lanc� avec autant d�outrecuidance pourrait-il d�cemment �tre interpr�t� comme un crime de l�se-majest� ? C��tait, en tout cas, trop mal tent� m�me dans un syst�me o� les susceptibilit�s engendrent de terribles retours de b�ton. Le patron de la Centrale syndicale fait dans un chantage qu�il croit subtil. Les menaces � peine voil�es du style �soit vous arr�tez de vous agiter, soit vous serez tax�s d�ennemis de la nation et d�insensibilit� � l��gard du pr�sident de la R�publique� ne manqueront pourtant pas d�aboutir aux r�sultats escompt�s, c'est-�-dire au gel de l�action syndicale sous le fallacieux pr�texte pr�c�demment �voqu�. Il ne manquait plus � Sidi-Sa�d que cette excuse providentielle pour se tirer d�embarras. Evoluant � l�ombre du pouvoir, notamment depuis la tragique disparition de Abdelhak Benhamouda, certains hauts responsables syndicaux tirent n�anmoins la langue, conscients, aujourd�hui, que ce m�me pouvoir qui les a instrumentalis�s � son avantage pourrait bien les brader un jour, pr�occup� qu�il serait par d�autres alliances � contracter. Pendant ce temps, l�UGTA qui avait pos� comme condition � la signature du pacte social, pr�vu pour l�ann�e prochaine, l�augmentation des salaires, se fait fort de ne plus avoir, du moins pour un temps, � en parler, tr�ve sociale � sens unique oblige. En attendant le r�tablissement du pr�sident, les travailleurs, dont la patience commence � s��mousser, n�auront plus qu�� supporter leurs probl�mes, le ventre creux mais dans la dignit�, convaincus qu�en r�gle g�n�rale, on ne d�fend pas leurs int�r�ts. Heureusement que, face aux tentatives d��touffer la parole au c�ur m�me du monde du travail, une coordination qui compte parmi ses animateurs des syndicalistes affili�s � l�UGTA est n�e pour, dit-elle, r�activer l�esprit de solidarit�, d�fendre les libert�s et les pr�munir de toute volont� d�embrigadement. On a toujours racont� � propos de certains hauts responsables syndicaux qu�ils trempaient dans des affaires pas tr�s en harmonie avec leurs charges. Quoi de plus �pr�cieux� que l�UGTA, accus�e d�accompagner aveugl�ment les r�formes, confondant all�grement entre ce qui conviendrait le mieux aux travailleurs et ce qui contrarierait le moins le pouvoir ? Car des revendications temp�r�es � chaque fois par la Centrale syndicale pourraient bien mettre le pouvoir dos au mur si elles n��taient plus contenues. On comprend pourquoi une coordination n�arrange personne. Diviser et r�gner � la fois est, en effet, plus facile � mettre en pratique quand le mouvement est atomis�. La coordination est, d�s sa naissance, per�ue comme un dangereux emp�cheur de tourner en rond. Elle n�est pas loin de ressembler � un regroupement de syndicats autonomes qui s�imposerait de plus en plus � la Centrale syndicale comme un concurrent de taille qui, de surcro�t, s�attire la sympathie d�adh�rents m�contents, lass�s par l�inertie, l�absence de r�sultats et les compromissions de leurs pr�c�dents repr�sentants. Ce qui, pour l�heure, milite en faveur de la coordination, c�est sa volont� affich�e de d�poussi�rer les lieux en secouant le cocotier de la rente et des privil�ges. Pr�cis�ment parce qu�elle reste au sein de l�UGTA dont elle met en danger l�inamovibilit� de sa hi�rarchie tout en y limitant les d�g�ts caus�s par une s�v�re h�morragie dans ses rangs. Une coordination qui ne d�rangerait pas vraiment les pouvoirs publics qui pourraient en temps opportun y voir la possibilit� de l�instrumenter � son tour pour se d�barrasser d�une centrale susceptible de devenir encombrante au regard de toutes les casseroles qu�elle est r�put�e tra�ner. C�est cela plus qu�autre chose que craindraient Sidi-Sa�d et ses hommes enlis�s dans des connivences contre nature. Trop tard pour penser � montrer patte blanche, pour faire peau neuve ou pour reprendre ce r�le � qu�ils n�auraient jamais d� abandonner � de d�fenseurs des int�r�ts des travailleurs, ce qui n�est, h�las, plus le cas depuis bon nombre d�ann�es d�j�. De son c�t�, le pouvoir, qui veille au grain, ne perd pas son temps. Il r�active la fonction de redresseur devenue monnaie courante. D�s que quelqu�un tente de s��manciper ou d��chapper � son emprise, on lui brandit de bruyants opposants pour le faire taire. C�est la raison pour laquelle il y a le syndicat officiel qui est l�, non pas pour veiller et d�fendre les droits des travailleurs mais pour que ses partenaires au sein du pouvoir ne soient pas trop contrari�s par des travailleurs grognards. Et il y a ceux qui ont fini par comprendre que les premiers ne travaillaient pas pour faire appliquer le droit de revendiquer une vie plus d�cente mais pour s�assurer une place au soleil. C�est ainsi qu�ils se sont organis�s pour d�tourner � leur profit les col�res cycliques de la base. Ce que la centrale appelle �anarchie�, c�est, en fait, tout ce qui lui fait de l�ombre. Elle voudrait demeurer l�incontournable interlocuteur des pouvoirs publics, un partenaire avec lequel elle se d�fend pourtant d�avoir tiss� des liens suspects � plus d�un titre m�me si elle se couche toujours non sans avoir tent� de jouer la menace tout en donnant l�impression de s��tre battue pour arracher le maximum permis par la �conjoncture� qu�elle d�crira, par ailleurs, comme extr�mement sensible.
M. B.

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