Panorama : A FONDS PERDUS
L'Alg�rie � Milan
Par Ammar Belhimer
ammarbelhimer@hotmail.com


Question au dinar symbolique comme l'est la cession des actifs publics qui n'ont pas encore trouv� preneur local ou �tranger : quel est le pays d'accueil o� un investisseur �tranger accomplit ses formalit�s administratives en 48 heures et entame son activit� trois mois plus tard ? Les �les Ca�mans ou un autre territoire offshore ? Nos voisins arabes ou maghr�bins qui n'ont jamais ferm� leur espace �conomique aux �trangers ? Non.
Vous avez perdu. Ce pays est le n�tre si l'on croit le discours que vend aux �trangers le ministre des Participations et de la Promotion des investissements, M. Abdelhamid Temmar. Nous l'avons accompagn� lundi et mardi derniers � Milan o� se tenait, dans le si�ge historique de la Bourse italienne, le palais �Palazzo Mezzanotte�, la quatri�me �dition de la conf�rence annuelle du "Laboratoire euro-m�diterran�en", organis�e par la Chambre de commerce locale, en collaboration avec le minist�re des Affaires �trang�res et avec le concours du minist�re du Commerce international. Initiative italienne, promue par le secteur priv�, la conf�rence vise � favoriser le dialogue entre l'Italie et les pays du sud de l'Europe, sur des th�mes politiques, �conomiques, financiers, sociaux et culturels. Cette ann�e, elle a accueilli des personnalit�s institutionnelles, de l'�conomie et des finances, d'Italie et du Bassin m�diterran�en sur le th�me �Soutenir le d�veloppement, former la connaissance, diffuser les diff�rences : le d�fi m�diterran�en et le r�le de l'Italie�. Nos r�serves de changes �tant ce qu'elles sont, tout le petit monde des affaires r�uni � l'occasion �tait naturellement aux petits soins avec le ministre alg�rien. Une analyse de contenu s'impose ici pour mesurer la pertinence du discours. L'Alg�rie est aujourd'hui �un pays parfaitement stabilis� � qui a r�ussi la prouesse d'organiser plusieurs consultations �lectorales successives �dans les meilleures conditions de fairness et de transparence�. Cette stabilit� politique et sociale s'accompagne de la mise en �uvre d'un �projet �conomique audacieux et d'envergure�. Il rassure les investisseurs en �num�rant une s�rie de r�formes sans pr�ciser si elles sont d�j� effectives ou � venir : la mise sur le march� des banques publiques et le d�veloppement remarquable des banques priv�es, la disponibilit� de terres pour l'implantation de projets d'investissement, le d�sengagement progressif, transparent et rationnel de l'Etat des activit�s commerciales avec la cession de 330 entreprises des secteurs de l'industrie et des services, etc. Sachant que l'air ne fait pas la chanson et qu'� trop vouloir �treindre on �touffe, le ministre d�plore que �la politique �conomique du gouvernement qui a pr�valu jusqu'alors a �t� une politique de prudence et de veille� d'autant plus inacceptable que la croissance �conomique �honorable et soutenue� (5% en moyenne au cours des trois derni�res ann�es), la balance des paiements est positive depuis six ans, le budget de l'Etat exc�dentaire, l'inflation faible, le taux de change stable. Deux autres raisons majeures poussent le gouvernement � revoir ses objectifs : primo, les prix du p�trole et du gaz sont en hausse et il y a peu de chances que cette tendance ne se poursuive pas ; secundo, d'ici cinq ans 75% des marchandises entreront �hors douane� en Alg�rie. Il annonce �une grande discussion publique pour une strat�gie industrielle� qui r�habilite la p�che et le tourisme d'ici fin juillet, et promet une �simplification du syst�me afin de balancer dans un r�gime d�claratif� qui maintienne le contr�le de l'ANDI. On peut disserter � volont� sur la question de savoir quel discours tenir aux investisseurs potentiels tant les d�bats d'�cole, les strat�gies et les sources sont l�gion. Aussi, avons-nous pr�f�r� m�diter une source � laquelle nous sommes g�n�ralement r�tifs, voire hostiles : la source militaire. Les �tats-majors militaires* font de la communication un acte de commandement et lui attribuent une v�ritable fonction op�rationnelle. Dans la gestion des crises, ils �tablissent comme indispensables les facteurs de :
- coh�rence,
- anticipation,
- et transparence. Le besoin de coh�rence est d'autant plus primordial que les pouvoirs publics alg�riens sont pass�s, en une seule g�n�ration, de choix de soci�t�s diam�tralement oppos�s cons�cutifs aux alternances plus ou moins pacifiques au pouvoir. Les changements de politiques internes affectent la coh�rence en favorisant parfois l'�mergence d'autres protagonistes ext�rieurs, notamment arabes, nord-am�ricains et asiatiques. Le besoin d'anticipation permet de projeter les r�actions pr�visibles des partenaires et de les rassurer. Il tient principalement � la s�curit� de l'investissement par des clauses de stabilisation et d'intangibilit� de la r�gle juridique. Dans le premier cas, on proc�de g�n�ralement par l'insertion de dispositions de lois assurant les investisseurs qu'une modification l�gislative dans les domaines couverts par la loi ne leur sera pas opposable (clause d'inopposabilit�) ou qu'elle n'aggravera pas leurs conditions (clause de non-aggravation). Le tout couronn� par l'ind�pendance du juge, en cas de diff�rend, et l'ex�cution du jugement rendu. Le manque de transparence, les int�r�ts priv�s occultes et d'autres consid�rations, principalement le recours au gr� � gr� ou � l'attribution discr�tionnaire d'avantages divers, alimentent doute, m�fiance et soup�ons. Force est de reconna�tre : qu'il s'agisse de coh�sion, d'anticipation ou de transparence, nous sommes loin de servir de mod�le. Loin de l�. Mieux : nous sommes l'exemple � ne pas suivre et les �trangers nous le rendent bien : ils rechignent � s'installer, pr�f�rant vendre ou acheter, sans avoir � subir nos pesanteurs bureaucratiques, culturelles ou psychologiques. La seule exception vient de la d�r�glementation de la sph�re des services, une br�che dans laquelle se sont engouffr�s les op�rateurs �gyptiens et �miratis avec un risque et une pers�v�rance g�n�reusement r�mun�r�s. Il suffit de mesurer la part des transferts au titre des services dans la balance des paiements pour s'en rendre compte. Personne ne leur en voudra ; leur r�ussite t�moignant essentiellement de notre ent�tement � faire du neuf avec du vieux, de notre gabegie, de notre incapacit� � nous mettre � niveau en termes de capacit�s d'organisation, de gestion et de productivit� des entreprises. Pour l'instant, comme le souligne la Banque d'Alg�rie, au total, l'exc�dent de la balance globale des paiements ext�rieurs est estim� � 7,6 milliards de dollars pour l'ann�e 2003, dont 3 milliards de dollars au titre du second semestre, soit pr�s du double de l'exc�dent global de l'ann�e 2002 qui avait atteint 3,6 milliards de dollars. Cependant, cette performance appr�ciable en mati�re d'exc�dent global r�alis�e au cours de l'ann�e 2003 est ancr�e sur les recettes consid�rables d'exportations des hydrocarbures en situation de bonne conjoncture p�troli�re. Elle a �t� fortement "�rod�e" par l'augmentation du d�ficit au titre du poste services de la balance des paiements. Les donn�es disponibles indiquent que le d�ficit sur la balance des services ira en s'aggravant pour atteindre un solde n�gatif de plus de six milliards de dollars en 2010.
A. B.
* Source : EMA, Etat- Major des Arm�es, "Communiquer, la gestion m�diatique des crises", Arm�es d'aujourd'hui, septembre 2000, pp. 57-58.

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