Actualit�s : CONTREBANDE, TRAFIC DE DROGUE, IMMIGRATION CLANDESTINE
Guerre cach�e aux fronti�res
De notre envoy� sp�cial � Maghnia, Tarek Hafid


Le corps des Gendarmes gardes-fronti�res (GGF), premi�re �ceinture de s�curit� dans la protection du territoire national, est en pleine phase de r�organisation. Le red�ploiement de ces troupes sur le terrain est un des grands chantiers de cette restructuration. La r�gion de Maghnia, haut lieu de la contrebande et du trafic de stup�fiants, fait l�objet d�une attention particuli�re.

�Les fronti�res reviennent de loin.� Le commandant Rachid Bourguiba, qui est � la t�te du 1er groupement de Gendarmes gardes-fronti�res de Maghnia, regarde scintiller dans la nuit les lumi�res des faubourgs d�Oujda. L�officier n�en dit pas plus. Mais sa phrase en dit long sur le double combat men� par ses hommes durant les quinze derni�res ann�es. Ils �taient sur le front de la lutte antiterroriste et prot�geaient en m�me temps l�immense bande frontali�re qui s�pare l�Alg�rie de ses voisins. Notamment celui de l�Ouest. En ce d�but du mois d�ao�t, les GGF du poste avanc� Akid Lotfi n�ont pas droit aux vacances. Ils ont les yeux riv�s vers le �Moghrib� et ses makhaznias, les membres de cette force auxiliaire qui d�pend du minist�re de l�Int�rieur marocain. Ils ont pour r�putation d�encourager les trafics transfrontaliers et de r�guler la contrebande. 22h 30, un groupe de gendarmes est sur le terrain depuis un long moment pour une op�ration de refoulement d�immigrants clandestins, 34 Africains et 3 Marocains. �C�est une op�ration de routine que nos �l�ments font r�guli�rement. L�administration marocaine refoule ces immigrants vers l�Alg�rie et notre travail consiste � emp�cher ces derniers de rentrer dans notre territoire�. Une sinistre partie de ping-pong en quelque sorte.

�Je veux rester en Alg�rie�
Quelques minutes plus tard, un groupe de gendarmes fait son entr�e dans l�enceinte du poste en compagnie de trois Africains, des Guin�ens fuyant la mis�re et la dictature. Le plus jeune d�entre eux, 18 ans � peine, a la paupi�re droite en lambeaux. �Les militaires marocains m�ont tabass� �, dit-il en �touffant un r�le de douleur. Il raconte sa m�saventure. �J�ai ralli� le Maroc par avion avec l�objectif de partir en Europe. Mais je n�ai pas r�ussi. Par la suite, j�ai �t� embarqu� par les policiers marocains avec d�autres Africains. Ils nous ont conduits jusqu�� la fronti�re pour nous refouler vers l�Alg�rie. Aujourd�hui, le cauchemar a commenc� � 17 h et depuis nous sommes ballott�s d�un c�t� puis d�un autre. Je suis fatigu�. Si vous me le permettez, je voudrais rester en Alg�rie. Je ne veux pas retourner au Maroc, ils sont mauvais et en plus ils ne parlent pas le fran�ais�, l�che-t-il. Les trois amis quittent le poste pour rejoindre leurs compagnons d�infortune. Ils auront droit � de l�eau, du pain et des bo�tes de sardines en conserve. Un bien maigre lot de consolation. Les GGF tentent de lutter contre le ph�nom�ne de l�immigration clandestine. �Nous avons install� des postes de contr�le sur l�ensemble des points des oueds et des pistes agricoles, qui constituent des ponts de passage des immigrants. Ces postes de contr�le sont constitu�s d�une dizaine d��l�ments. Suite � ce nouveau d�ploiement sur le terrain, nous avons obtenu des r�sultats positifs�, explique le commandant Rachid Bourguiba. Selon lui, l��limination des tristement c�l�bres camps d�immigrants qui �taient install�s sur le lit de l�oued Maghnia a permis de mieux g�rer la situation. Mais le ph�nom�ne est encore tr�s pr�sent puisque pour les six premiers mois de l�ann�e en cours, 1881 immigrants clandestins ont �t� appr�hend�s par les forces de s�curit� au niveau de la fronti�re avec le Maroc.

Roubane, hallabas city
Mais la b�te noire des GGF est de nationalit� alg�rienne. C�est le hallab, contrebandier sp�cialis� dans le trafic de carburant. Et des hallabas � Maghnia il y en a � profusion. Ils sont partout. A bord de leurs v�hicules (des Mercedes 220 D, des R21, R25 et autres Peugeot 505), ils �cument les nombreuses pompes � essence de la r�gion. Certains optent pour la grosse artillerie en utilisant des tracteurs de semiremorques capables de transporter 400 litres de gasoil en une seule fois. Apr�s avoir fait le plein, les hallabas acheminent le pr�cieux liquide vers des habitations situ�es � quelques encablures de la fronti�re. Le carburant est transvas� dans des jerricans de 30 litres puis �export� � dos d��ne vers le Maroc. Une aubaine pour ce pays frapp� de plein fouet par l�augmentation des prix du p�trole brut. �Le trafic de carburant rapporte �norm�ment d�argent. Les prix changent d�une saison � une autre. Actuellement, avec la saison estivale et la venue des �migr�s marocains, il y a une tr�s forte demande sur le gasoil�, explique un GGF du poste avanc� de Roubane, petite localit� frontali�re situ�e � 35 kilom�tres au sud de Maghnia. Lorsqu�on conna�t la marge b�n�ficiaire des hallabas on comprend pourquoi tant de citoyens patientent des heures durant dans les stations- service et n�h�sitent pas � risquer leur vie. En effet, le jerrican revient � 450 DA et est revendu 1100 DA derri�re la fronti�re. Ce trafic rapporte des fortunes colossales. A Roubane, on est hallab de p�re en fils. En fait, dans cette localit�, ce sont les habitations qui sont en �poste avanc�, les GGF sont plut�t en repli. Ici, il suffit de traverser son jardin pour se retrouver au Maroc. �C�est une zone tr�s difficile � contr�ler. On ne peut pas emp�cher les gens de se rendre dans leurs lopins de terre�, indique un officier de gendarmerie en montrant du doigt un jeune Marocain sur une mobylette. �Il est en train d�attendre la prochaine livraison.� Les signes de richesse s�affichent ostensiblement dans cette petite mechta qui d�pend administrativement de la commune de Zou�a. Les maisons sont certes d�un go�t douteux mais elles sont hautes et spacieuses. Idem � Zou�a qui, des ann�es durant, �tait la capitale du trafic de blue-jean. Les trafiquants de ce village ont quelque peu d�laiss� le 501 pour se sp�cialiser dans la chaussure made in spain. En fait, dans cette partie de l�Alg�rie, les trabendistes sont toujours � l�aff�t d�une bonne affaire. Il suffit que l�oignon augmente de quelques dinars pour voir des tonnes de ce l�gume transiter par la fronti�re et inonder les march�s des villes de l�Ouest alg�rien. Mais la r�gion de Maghnia est �galement la zone par o� transite le kif, autre grande sp�cialit� agricole du roi Mohammed VI. Sur le front de la lutte contre le trafic de stup�fiants, la situation est plus que pr�occupante. Le dernier des Maghnaouis vous dira que ce trafic est entre les mains de barons, des notables connus de tous. Pour y faire face, l�Etat ne semble avoir engag� que des moyens tr�s minimes. A titre d�exemple, pour les six premiers mois de l�ann�e 2006, le 1er groupement de GGF de Maghnia n�a saisi que 5 kilos de cannabis. Un r�sultat insignifiant pour cette r�gion consid�r�e comme �tant la plaque tournante du trafic de zetla. Selon certains gendarmes, la lutte contre le commerce de la drogue est avant tout une affaire de renseignement. Il semble donc que les moyens qui sont actuellement � leur disposition ne permettent pas aux services de s�curit� de faire face aux narcotrafiquants. Mais la donne pourrait bien changer � l�avenir puisque le Commandement de la Gendarmerie nationale a lanc� une vaste r�forme du corps des Gendarmes gardesfronti�res. Sur le plan op�rationnel, les GGF vont b�n�ficier d�un renforcement de leur effectif avec la cr�ation de nouveaux postes avanc�s sur l�ensemble des fronti�res. Dans quelques mois, ils vont �tre dot�s de nouveaux v�hicules tout-terrains, les anciens, acquis lors de la lutte contre le terrorisme, ayant fait leur temps. Les GGF vont �galement gagner en efficacit� avec l�installation d�un syst�me de radars de d�tection. Le projet est actuellement en phase d��tude au niveau du Commandement de la GN qui s�int�resse particuli�rement � l�exp�rience des gendarmes turcs et � celle des gardesfronti�res am�ricains. Reste que ce red�ploiement strat�gique, qui vise � prot�ger plus efficacement les fronti�res, ne saurait r�ussir sans une prise en charge r�elle des populations vivant dans ces r�gions. Les politiques se doivent de leur offrir d�autres alternatives sinon ces efforts seront vains.
T. H.

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