Corruptions : FACE A LA MULTIPLICATION DES SCANDALES BANCAIRES ET A LA DILAPIDATION DES DENIERS PUBLICS
Seule une bonne gestion financi�re peut limiter les d�g�ts


L�argent coule � flots, la corruption avec. La m�diatisation des scandales financiers et bancaires est quasi quotidienne et pourtant, ces scandales ne repr�sentent qu�une partie de la gangr�ne mafieuse qui ronge les banques alg�riennes et les institutions financi�res. Les pouvoirs publics ne semblent pas s��mouvoir par l�ampleur de cette d�linquance �conomique et financi�re : l�argent du p�trole est l� pour combler les �normes d�ficits. Les promesses de r�forme financi�re et bancaire se multiplient depuis vingt ans, mais les contribuables ne voient toujours rien venir. Et pourtant, les r�gles d�une bonne gestion financi�re sont universelles.
L�id�e qu�une bonne gestion financi�re accompagne n�cessairement la lutte contre la corruption est corollaire du constat qu�une mauvaise gestion financi�re et une comptabilit� inappropri�e sont deux facteurs qui favorisent la corruption. A cela, on oppose parfois, � raison, que la mise en �uvre des seuls moyens techniques de la gestion financi�re ne saurait permettre de neutraliser les effets de rapports sociaux qui se tissent pour et par la corruption � rapports au sein de la hi�rarchie administrative et rapports privil�gi�s entre celle-ci et certains groupes d�int�r�ts, d�une part, et le public d�autre part. Ainsi en est-il d�une administration corrompue, au sens large d�un syst�me qui fonctionne suivant des r�gles qui favorisent une minorit� : individu, famille, tribu, ethnie, voire r�gion, etc. Les rapports qu�entretiennent de telles administrations publiques avec les usagers et les r�gles auxquelles elles ob�issent d�terminent des relations de pr�dation sur leur environnement au profit de minorit�s et au d�triment du plus large public. On peut alors parler de �kleptocratie�. Des rapports de ce type sont des obstacles � la mise en place d�une gestion financi�re saine, quand bien m�me existerait � � un niveau ou � un autre des instances des pouvoirs publics � le projet pour une telle entreprise. Il peut parfois arriver qu�une apparence de �bonne gestion financi�re� serve � couvrir des pratiques totalement corrompues � en particulier lorsque est rompu le lien d�authenticit� entre ce qui est enregistr� et la r�alit� �des flux et des stocks�, que les enregistrements financiers sont cens�s refl�ter. N�anmoins, une bonne gestion financi�re r�elle est un instrument indispensable pour une administration transparente et responsable des affaires publiques. Autrement dit, le succ�s de la mise en �uvre d�une bonne gestion financi�re d�pend de son int�gration � une strat�gie globale de lutte contre la corruption r�sultant d�une r�elle volont� politique de changement. Plus pr�cis�ment, elle est l�auxiliaire n�cessaire d�une r�forme administrative qui constitue un des axes fondamentaux d�une telle strat�gie. Les outils et les techniques de la gestion financi�re �tant parfaitement connus des sp�cialistes, l�objectif vis� ici n�est pas d�en faire un expos� exhaustif mais de communiquer aux acteurs, d�cideurs et op�rateurs, les principes g�n�raux qui la rendent possible comme un des instruments accompagnant la lutte contre la corruption.
Les secteurs public et priv� dans la m�me gal�re
La bonne gestion financi�re a d�abord �t� mise au point dans le secteur priv�, notamment pour la soci�t� anonyme, de mani�re � permettre aux actionnaires, quel que soit le poids de leurs parts sociales, de contr�ler la conformit� de la gestion des administrateurs aux objectifs de la soci�t�. Si, d�une part, elle fournit, ex ante, des informations utiles aux gestionnaires afin qu�ils puissent prendre des d�cisions pertinentes et prudentes dans tous les domaines, elle permet, d�autre part, aux actionnaires de suivre, ex post, la bonne application des d�cisions prises et leurs cons�quences. L�int�r�t de la bonne gestion financi�re dans le secteur priv� est de pr�venir l�abus de bien social, qui est l��quivalent de l�abus de position publique dans la gestion du bien public par les fonctionnaires de l�administration. On entend par abus de bien social dans une soci�t� anonyme les dirigeants qui, de mauvaise foi, ont fait des biens ou du cr�dit de la soci�t� un usage qu�ils savaient contraire � l�int�r�t de celle-ci � des fins personnelles ou pour favoriser une soci�t� ou une entreprise dans laquelle ils �taient int�ress�s directement ou indirectement. L�id�e qu�une bonne gestion financi�re en mati�re de deniers publics devrait permettre de d�tecter des actes de corruption r�sulte de l�analogie entre abus de bien social et abus de bien public. De m�me que la gestion des soci�t�s anonymes ou des soci�t�s � responsabilit� limit�e peut donner lieu � des abus de bien sociaux et � une utilisation des ressources contraire aux int�r�ts des actionnaires et des objectifs de l�entreprise, la gestion des affaires publiques peut donner lieu � des abus de pouvoir qui se traduisent par une utilisation des ressources publiques � des fins priv�es. C�est m�me l� une des d�finitions courantes de la corruption. Une bonne gestion financi�re est dans ce cas � la fois un instrument de mise en �uvre des d�cisions en mati�re de d�penses publiques et un moyen de contr�le de l�utilisation conforme des ressources publiques. Elle se consacre ainsi au respect de la l�galit� et � la r�alisation d�un objectif d�efficience, voire d�opportunit�, des d�penses. Elle fournit des informations aux d�cideurs impliqu�s dans la gestion du secteur public � tous les niveaux, en particulier au l�gislateur, afin de l�inciter � prendre des d�cisions plus pertinentes. Dans la mesure o� l�acc�s � l�information est l�galement assur�, � ce qui est encore tr�s loin d��tre le cas en Alg�rie �, une gestion financi�re dont toutes les informations sont accessibles au public permet � ce dernier de peser sur la d�cision, par les moyens que la d�mocratie procure : interpellations des pouvoirs publics, choix des �lus, etc. Mais il est illusoire de croire qu�une bonne gestion financi�re puisse �tre mise en place sans une strat�gie coh�rente de lutte contre la corruption qui traduirait une volont� politique ferme de la part des pouvoirs publics.
Djilali Hadjadj

Identifier les responsabilit�s

 La bonne gestion financi�re d�termine des lignes claires de responsabilit� et d�autorit�, fournit une distinction entre les fonctions incompatibles (par exemple, ordonnateur et ex�cutant) et �tablit des voies d�audit bien d�limit�es. Une analogie peut �tre faite entre la d�l�gation sociale au sein de la soci�t� anonyme dans le secteur priv�, et la d�l�gation dans l�administration publique ou les instances �lues. Dans le premier cas, le pouvoir est d�l�gu� aux gestionnaires par les actionnaires dans le second, la d�l�gation est celle de pouvoirs publics faite � des fonctionnaires ou � des �lus. La bonne gestion financi�re est cens�e �tre un instrument de contr�le et de suivi qui accompagne la d�l�gation de pouvoirs. Une bonne gestion financi�re peut �tre d�finie comme une mobilisation et une utilisation efficientes des ressources financi�res selon des objectifs fix�s. Elle devrait permettre de r�v�ler et d�identifier les responsabilit�s en cas de corruption. Elle constitue de ce fait un moyen de pr�vention et de dissuasion. Des pressions hi�rarchiques ou financi�res peuvent �tre exerc�es par des dirigeants sur le personnel financier pour l�inciter � d�roger � la l�galit� financi�re et � fermer les yeux sur les irr�gularit�s qu�ils auraient pu constater. En rendant transparentes ces irr�gularit�s, la bonne gestion financi�re donne � ces personnels une protection qui leur restitue la dignit� de leur travail et l��volution r�guli�re de leur carri�re. La peur d��tre d�couvert et d��tre puni est un facteur fondamental pour d�courager les pratiques de corruption. Faire savoir que des contr�les internes de gestion sont faits r�guli�rement, prenant une importance toujours plus grande, constamment am�lior�s et sujets � des audits internes, est un moyen de dissuasion tr�s fort sur celui qui est potentiellement corrompu. Les fonctions de la bonne gestion financi�re se rapportent essentiellement au financement, � la tutelle, � l�analyse et au bilan.
Elles consistent � :
� analyser et mesurer les cons�quences financi�res d�une d�cision de gestion avant et apr�s sa mise en �uvre ;
� s�assurer que la tr�sorerie est suffisante pour financer les activit�s et op�rations pr�vues ;
� sauvegarder les ressources par des contr�les financiers ad�quats ;
� fournir un cadre financier pour la planification de futures activit�s et op�rations ;
� g�rer les syst�mes de transactions qui fournissent des donn�es permettant de mieux contr�ler et planifier toute action et op�ration ;
� rendre compte et faire le bilan en interpr�tant les r�sultats des activit�s et op�rations en termes financiers.
D. H.

 

Les syst�mes de contr�le doivent �tre ind�pendants

La transmission de l�information financi�re n�est pas directe entre les op�rateurs qui agissent dans la sph�re proprement financi�re et les sources de d�cision. Ainsi, une bonne gestion financi�re doit se combiner avec des instances qui lui sont ext�rieures et qui ont la capacit� d�exercer des contr�les afin de valider l�information et de l�analyser. Les institutions externes de contr�le et d�audit, la Cour des comptes et les commissions parlementaires � lorsque le Parlement est �lu d�mocratiquement et est r�ellement ind�pendant du pouvoir ex�cutif � sont autant d�intervenants indispensables pour exercer des contr�les externes et valider une bonne gestion financi�re. Le principe g�n�ral d�ind�pendance de ces instances est une garantie de la cr�dibilit� de leurs contr�les. La large publicit� des r�sultats des audits et contr�les effectu�s est un facteur puissant de transparence � en ce qu�il permet l�acc�s du public � l�information � et joue un r�le p�dagogique certain. Lorsque des audits externes sont commandit�s � des organismes sp�cialis�s priv�s, un soin particulier doit �tre apport� � leur choix, de mani�re � �viter les audits de complaisance. Cela n�cessite l��tablissement de crit�res, transparents et v�rifiables, de s�lection des intervenants. Un compl�ment indispensable des contr�les de bonne gestion financi�re r�side dans la sanction � punition ou r�compense � des responsables. L�impunit� est, en effet, le plus s�r encouragement aux pratiques de mauvaise gestion, donc � l�inefficacit� de toutes les mesures qui viseraient � mettre en place une bonne gestion financi�re et finalement un encouragement � la corruption. Il est de plus indispensable de garantir la protection des agents qui refusent la pression des corrompus et qui sont susceptibles d�apporter des t�moignages s�rieux et document�s sur des faits de corruption av�r�s.
D. H.

 

DE L�INCONTOURNABLE R�FORME DU SYSTEME BANCAIRE
Toujours rien � l'horizon

On ne saurait aborder le sujet de la bonne gestion financi�re sans dire un mot du syst�me bancaire � qu�il s�agisse des banques priv�es ou publiques � du fait de son r�le dans le financement de l��conomie. En effet, le syst�me bancaire exerce, par d�l�gation de la Banque centrale dont il d�pend, un pouvoir public du fait de son r�le r�galien de cr�ateur de monnaie (syst�me de cr�dit). La r�glementation bancaire prot�ge non seulement les int�r�ts des d�posants, mais aussi le plus large public, des cons�quences catastrophiques de l�abus du pouvoir public qui est d�l�gu� aux banques dans l��mission de cr�dits. Dans cette optique, l�attribution de cr�dits de complaisance � des acteurs priv�s est une des manifestations les plus dangereuses de la corruption. Elle provoque une dilapidation des ressources qui est finalement support�e par le plus large public, soit directement, du fait de l�obligation d�intervention du pouvoir politique pour soutenir, par des fonds publics, les d�ficiences en cas de faillites bancaires, soit indirectement, par l�aggravation de la pauvret� � travers l�inflation. Le syst�me bancaire alg�rien baigne toujours dans l�opacit�, paralys� par une bureaucratie tentaculaire, il reste profond�ment amarr� au pouvoir ex�cutif et est gangren� par des scandales financiers � n�en plus finir. Nettoyer les �curies d�Augias est une mission impossible dans un contexte politique liberticide, policier et autoritaire.
D. H.

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