Culture : RENCONTRE AVEC LA CHANTEUSE SIHAM STITI
"Je suis la premi�re Alg�rienne � chanter l'amour en duo avec son p�re"


Siham Stiti a une voix en or, un achewwiq qui fait couler des larmes aux plus insensibles (dixit le chanteur Oujrih). Elle ne distingue rien autour d�elle, n�a jamais rien vu de sa vie. Mais elle ressent plus intens�ment les choses et per�oit les moindres soubresauts de la vie peut-�tre mieux que quiconque. A la place des yeux elle a un sourire ang�lique, une douce candeur et surtout un grand c�ur avec lequel elle voit la chaleur familiale, les amis et tout ce qui fait les valeurs humaines. Le destin implacable ne l�a pas �pargn�e en ajoutant � son drame de handicap�e une autre trag�die : la perte cruelle de son p�re et de son fr�re il y a une ann�e � un tournant d�cisif d�une prometteuse carri�re. Dans le path�tique entretien qu�elle nous a aimablement accord�, elle revient sur ces drames, ce qu�a �t� sa vie et ses projets.
Le Soir d�Alg�rie : Qui est Siham Stiti, comment est-elle venue � la chanson ?
Siham Stiti :
Originaire de Makouda, je suis n�e le 13 juin 1980 � Tizi-Ouzou o� je vis au quartier M�douha. C�est mon d�funt p�re qui m�a donn� mon pr�nom inspir� par une chanteuse �gyptienne qu�il a crois�e dans un studio. J�ai commenc� � chanter enfant, mais je n�ai v�ritablement entam� ma carri�re artistique qu�en 1995 � l��ge de 15 ans gr�ce aux miens, notamment � mon p�re qui repr�sentait tout pour moi. J�ai fait ma premi�re apparition � la t�l�vision en 1996 et ma premi�re sc�ne en 1994 dans un duo avec mon p�re lors d�un gala de charit�. Quinze jours apr�s, j�ai fait pleurer tout le monde en interpr�tant lors des fian�ailles d�un parent �avava nek dhyelik�. Ce fut le d�clic. Mon p�re m�a alors dit que si j��tais s�r de moi, il serait pr�t � me composer un album. Mon r�pertoire se compose de six albums, quatre de mon p�re et deux de Mohamed Dehak. Je ne compte pas m�arr�ter l�, car la musique est ma th�rapie et ma raison de vivre. Mon p�re a compos� mon premier album tefthiyi afous (tenez-moi la main) en 1997.
Ton p�re a jou� un r�le tr�s important dans ta carri�re. Il �tait ton compositeur, ton manager et aussi tes yeux. Comment se pr�sente d�sormais ton avenir artistique sans lui ?

C�est en effet, gr�ce � mon d�funt p�re que je suis ce que je suis. Sa mort a �t� un terrible choc. Une partie de moi est partie avec lui. Il avait tout fait pour moi et � travers ma personne, pour la chanson kabyle f�minine en cassant bien des tabous dont celui qui m�a permis d��tre la premi�re chanteuse alg�rienne � chanter une chanson d�amour avec son p�re. Ma famille ainsi que mes nombreux amis sont l� pour m�accompagner dans mon exaltante aventure artistique.
Mais le c�ur n�y est plus comme avant apr�s sa disparition ainsi que celle de ton fr�re ?

Que de fois j�ai �t� au bord de la rupture. Paradoxalement, c�est gr�ce � mon p�re que j�ai tenu le coup. Je per�ois ses encouragements � travers un r�ve chaque fois que je dois prendre une importante d�cision. Je me sens le devoir de ne pas abdiquer et continuer � faire ce qu�il avait toujours envie que je fasse. Dans un r�cent r�ve, il m�a recommand� de faire attention � mes papiers. Il m�a remis des cl�s et demand�, de ne pas me rendre � pied au concert une fois � Paris. Je dois continuer ne serait-ce que pour honorer sa m�moire. Ma vie, surtout au d�part, a �t� marqu�e par une souffrance int�rieure que je n�osais jamais ext�rioriser. Je laisse �a pour moi. On est kabyle et les souffrances �a nous conna�t.
Il y a eu aussi ce faux espoir de gu�rison puis cette d�licate op�ration chirurgicale pour cause d�angine et le fait de n�avoir pas pu aller � l��cole ?
Effectivement, c�est une d�licate op�ration au niveau de la gorge. C�est Ghanou, mon musicien qui a sign�. Mon p�re n�a pu le faire. L��cole, c�est une autre frustration de ma vie, moi qui suis si perfectionniste. Il faut donner une bonne image de l�artiste, affronter les m�dias comme ce fut derni�rement le cas � la t�l�vision� heureusement que j�ai �t� forg�e par l��cole de la vie. Le d�chirement de ma m�re qui ne d�sesp�rait pas de me faire retrouver la vue et le miracle qui ne s�est pas produit en 2001 quand on m�a miroit� le r�ve fou d�une gu�rison, sont des choses qui vous marquent. J�en souffre cependant moins que ma famille. Et c�est ce qui me chagrine le plus.
Plus concr�tement, comment comptes-tu continuer ta carri�re ?

J�ai connu jusque-l� un tr�s beau parcours artistique, bien entour�e que je fus par ma famille. Cette dynamique artistique n�est plus ce qu�elle �tait avec la mort de mon p�re qui �tait mes yeux et mon oxyg�ne. Je suis encore boulevers�e par sa mort. C�est le destin, mais vu ma situation, il �tait toute ma vie. Je suis courageuse, mais je d�teste �tre seule. Il m�a trac� un chemin que je dois imp�rativement suivre. Je compte sur mes deux musiciens Nadir La�chour et Ghanou Boulayya pour continuer. C�est � eux que mon d�funt p�re m�a confi�e. Il m�a laiss� un moral et des mots que je ne suis pas pr�s d�oublier. Je me console toutefois en me disant que j�ai certes perdu mon p�re mais qu�il me reste vous tous.
Un concert avec Yasmina t�attend le 11 f�vrier � Paris. Une premi�re pour toi. Comment y as-tu �t� convi�e ?

C�est un virage tr�s important pour ma carri�re. Me produire en France devant mon public est une chose extraordinaire. C�est aussi le r�ve de mon p�re qui se r�alise. Je remercie Idir, Kamal Hammadi et le producteur Omar Meza�t qui a mont� le gala. En plein gala, Idir a annonc� mon concert. J�en suis tr�s �mue. J�invite tout le monde. Dommage que ceux d�ici ne peuvent pas s�y rendre. Je remercie �galement tous les sponsors.
En quoi consistent tes projets ?
Mon premier projet c�est d�abord de me produire en France. J�ai deux albums dont un en pr�paration ainsi que deux clips-vid�os alahvav et thaksiouth. Je r�serve � mes fans une surprise. C�est un legs de mon p�re. Mon r�ve, c�est de toujours faire honneur aux gens.
Quels rapports as-tu avec tes chansons ? T�impliques-tu dans leurs compositions ?
 Il est �vident que j�aime tout ce que je chante. Ce n�est pas les id�es qui manquent, mais je me suis jusque-l� content�e de contr�ler ma voix laissant aux sp�cialistes les choix cruciaux. Cela �tant, c�est toujours mes id�es qui sont mises en chantier. A l�avenir, je songerai � m�impliquer davantage. Je regorge d�id�es.
La voix f�minine fait cruellement d�faut � la chanson kabyle et les rares chanteuses se battent seules contre un environnement pas encore favorables � l��closion de talents f�minins. Ton commentaire ?

Je veux qu�on oublie les sarcasmes distill�s contre la femme kabyle � laquelle on dit �sousem� (silence) et bannir ce mot du lexique berb�re. On veut la libert�, mais sa conqu�te ne doit pas �tre synonyme de n�gation des traditions et des valeurs. La confiance doit r�gner partout et toute �volution dans quelques domaines que ce soit doit se construire autour de thajadith. Cela suffit � convaincre les parents de laisser leurs filles exprimer leur talent en toute libert� et faire la part des choses dans le rapport traditions-modernit�s.
Quels avis donnes-tu sur la nouvelle g�n�ration de chanteurs qui s�expriment � travers la chanson rythm�e qui ne manque pas de susciter diverses r�actions ?

Personnellement j�aime les �couter. Leurs chansons parlent de sujets r�els et r�currents. Ils ont de tr�s belles m�lodies et certains textes sont d�une grande beaut�. Leur style r�pond � une mode. Ils chantent leur �poque comme d�autres ont chant� la leur. Les jeunes veulent de l�ambiance, ils aiment se d�fouler. Il ne faut pas les en priver. De plus, il ne faut pas juger mais comprendre les artistes.
Pour finir ?

Je souhaite que la chanson alg�rienne en g�n�ral et kabyle en particulier aient une r�sonance internationale. Pour cela, la confiance doit r�gner entre tous les artistes et les producteurs d�id�es. Sans oublier la relation avec le public � qui on doit notre existence.
Entretien r�alis� par Salem Hammoum

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