L'ENTRETIEN DU MOIS : ALAA EL ASWANY : � mon cabinet dentaire, c�est ma fen�tre sur la soci�t�...� ( Entretien avec Alaa El Aswany , men� par Mohaed Chafik MESBAH)
BIO EXPRESS
ALAA EL ASWANY Fils d�Abbas El Aswany, avocat et �crivain connu dans le Caire des
ann�es cinquante, Alaa El Aswany est n� le 26 mai 1957 au c�ur du Caire.
Il �volue, au cours de son enfance, dans une ambiance familiale toute
enti�re d�volue � la politique et � la litt�rature. Fortement encourag�
par son p�re, son � ma�tre de litt�rature � dira-t- il, il se passionne,
d�s son jeune �ge, pour les grandes �uvres litt�raires.
Pr�cocement,
d�ailleurs, en 1976, il se lance dans l�aventure de l��criture
parall�lement aux �tudes secondaires qu�il m�ne au lyc�e fran�ais du
Caire puis sup�rieures qu�il poursuit � Chicago dans l�Illinois de 1984
� 1987. Alaa El Aswany qui parle couramment le fran�ais, l�anglais et
l�espagnol m�ne, de front trois vies diff�rentes, tout aussi tr�pidantes
l�une que l�autre, romancier, chroniqueur de presse et dentiste� Il
reste, cependant, un authentique Egyptien, profond�ment attach� � sa
terre, la vall�e du Nil. Il milite, activement, dans le mouvement
d�opposition � Kifaya � tout en se r�clamant, ostensiblement, de
l�h�ritage du leader disparu Gamal Abdenasser. En 1990 et en 1998, il
publie deux recueils de nouvelles sous le titre � Nirane Sadiqua �. En
2002 c�est � Immeuble Yacoubian � qu�il termine et qui devient
best-seller qui sera adapt�, avec succ�s, au cin�ma (2006). Ce roman a
�t� traduit vers 14 langues. Alaa El Aswany vient de publier un nouveau
roman intitul� � Chicago � qui d�crit la soci�t� am�ricaine avec un
regard m�l� d�affection et de critique. Ce roman rencontre, lui aussi,
un immense succ�s en Egypte, sa traduction en anglais et en fran�ais est
d�j� entam�e�
Alger, vendredi 26 janvier et dimanche 18 f�vrier 2007 (entretien par
t�l�phone). Mon int�r�t pour Alaa El Aswany date d�une ann�e environ.
C�est � cette �poque l�, en effet, que mon attention avait �t� attir�e
par des critiques parues dans des revues �gyptiennes sur � Immeuble
Yacoubian �, un roman pr�sent� comme totalement novateur dans la
tradition de la litt�rature arabe. Dans un style d�pouill� et
parfaitement accessible, sans rien c�der � la rigueur de la langue
arabe, Alaa El Aswany retrace dans ce roman la chronique de la vie
quotidienne d�un immeuble du centre du Caire pour nous livrer, en fait,
l�histoire vivante de l�Egypte contemporaine. Naturellement, c�est la
filiation avec le prix Nobel �gyptien Naguib Mahfouz qui vient,
d�embl�e, � l�esprit. Apr�s mes premiers contacts, t�l�phoniques et
�pistolaires, avec Alaa El Aswany, toujours pr�sent dans son cabinet
dentaire o� il n�a jamais cess� d�exercer, je d�couvris vite, cependant,
que la filiation, pour exister bel est bien, allait bien au-del�� Alaa
El Aswany, tout en assumant la qualit� esth�tique de ses romans, refuse
de se complaire dans l�extase intellectuelle. Nous l�aurons compris, son
ambition est d��tablir un pont inexpugnable entre la litt�rature et le
combat politique. J�allais d�couvrir, d�ailleurs, une autre originalit�
de Alaa El Aswany qui r�cuse le r�alisme primaire de la litt�rature
communiste. Pour relater la r�alit� de la soci�t� �gyptienne telle qu�il
l�a d�couvre � travers son cabinet dentaire qu�il appelle,
famili�rement, � sa fen�tre sur le monde �, il utilise, sans fioritures,
les mots qu�il faut avec le g�nie qu�il se doit. Alaa El Aswany, tout en
�tant id�aliste, reste prudent. Il est conscient que ce ne sont pas ses
romans qui vont changer le cours des choses. Il leur assigne une mission
plus modeste qui consiste � �lever les facult�s de compr�hension du
lecteur pour l�amener � mieux appr�cier les enjeux des luttes qui se
d�roulent sur le terrain afin qu�il puisse, en connaissance de cause,
choisir son camp et influer, alors, sur le l�histoire. L�int�r�t des
positions de Alaa El Aswny r�side, par ailleurs, dans cette
disponibilit� qu�il manifeste, volontiers, � valider l�h�ritage de
NASSER, � sous r�serve d�inventaire �. Notre romancier ne conteste,
nullement, les qualit�s morales de Djamel Abdennasser, ni son
patriotisme exemplaire, encore moins son intelligence politique face aux
crises majeures qui ont marqu� l�histoire contemporaine de l�Egypte. Il
lui reproche, seulement, d�avoir manqu� son rendez-vous avec l�histoire
en n�ayant pas permis au peuple �gyptien d�acc�der au syst�me
d�mocratique, pour lequel il �tait, pourtant, pr�t. C�est, assur�ment,
une nouvelle g�n�ration d��crivains et de romanciers qui s�engage sur le
champ politique en Egypte avec cet �il critique, suffisamment avis�, qui
permet d�accepter ce qu�il y a de bien dans le pass�, sans jamais se
fermer � ce qu�il y a de meilleur dans le futur. Le dernier roman de
Alaa El Aswany, intitul� � Chicago � proc�de, incontestablement, de
cette veine. Marqu� par une vision critique implacable de la soci�t�
am�ricaine, Chicago plus exactement o� notre romancier a effectu� ses
�tudes, il d�gage, aussi, une vision attendrie de la soci�t�
cosmopolite, qui pour �tre discriminatoire, n�en finit pas moins par
�voluer positivement. Je dois avouer que, sans avoir eu � rencontrer
Alaa El Aswany, les contacts t�l�phoniques et les �changes �pistolaires
intervenus me donnent l�impression, d�j�, de l�avoir toujours connu. Il
d�gage, le plus naturellement du monde, une chaleur humaine qui vous
inonde aussit�t. Depuis le premier contact, il n�a cess� d��voquer
l�admiration du peuple �gyptien pour l�Alg�rie et la place symbolique
que notre pays occupe dans l�imaginaire de tous ses concitoyens.
D�habitude vigilant face aux louanges, je n�ai pas dout�, dans le cas
pr�sent, de la sinc�rit� des propos de mon interlocuteur. Je suis
convaincu qu�il vit comme il l�entend et qu�il �crit ce qu�il ressent.
Plut�t que de laisser une empreinte sur l�histoire, c�est donn� un sens
� sa vie qui le pr�occupe. C�est bien pourquoi je suis heureux que
l�Entretien du Mois, en marge de l�int�r�t professionnel, me procure
cette chance inou�e de me doter d�une nouvelle chaleureuse amiti�.
Ensemble, allons d�couvrir l�itin�raire de Alaa El Aswany, sa
production, sa conception du combat de l�intellectuel et m�me ses
visions d�avenir�
Mohamed Chafik MESBAH
[email protected]
Entretien t�l�phonique
Mohamed Chafik MESBAH : Je suis tr�s heureux de vous pr�senter
aux lecteurs alg�riens notamment apr�s le succ�s de votre roman �
Immeuble Yacoubian � que les lecteurs alg�riens ont connu de mani�re
indirecte, puisque malheureusement le livre n�est pas encore disponible
� Alger, alors que son adaptation cin�matographique d�j� commercialis�e
en DVD. Commen�ons par le d�but de votre carri�re litt�raire. Il ressort
que l�exemple fascinant de votre p�re ainsi que l�activit�
intellectuelle intense que connaissait votre foyer familial ont �t� tr�s
importants dans l��closion de votre talent litt�raire ?
Alaa El Aswany : D�abord j�aimerai vous remercier de la chance
pr�cieuse que vous m�offrez de parler aux lecteurs alg�riens. Je suis
tr�s honor� et tr�s ravi. Nous avons, en Egypte, beaucoup de respect
pour l�Alg�rie et pour les Alg�riens, nous voyons les Alg�riens comme un
grand peuple et l�Alg�rie comme un grand pays. Mon p�re �tait un
�crivain et un avocat connu en Egypte. Je suis enfant unique, tr�s g�t�
donc par mon p�re qui a eu une influence �norme sur moi. L��criture
�tait omni pr�sente, en effet, dans notre foyer familial. Lorsque je
rentrais de l��cole, ma m�re m�attendait derri�re la porte en me disant
� ton p�re �crit �.Je me souviens avec �motion de cette image ou mon
p�re �tait l� sans �tre l�. C�est un spectacle inoubliable. J�avais d�s
mon enfance nourri le r�ve d��crire. Lorsque j�ai grandi, c�est,
toutefois, mon p�re qui m�a conseill� d�avoir un autre m�tier. Lui
�tait, justement, avocat et �crivain, car comme vous le savez, dans le
monde arabe, il n�est pas facile de gagner sa vie en �crivant. C�est
pour cela que je suis devenu dentiste et cela m�a beaucoup aid� car je
suis un �crivain ind�pendant.
MCM : Justement, � propos de cette
ambiance intellectuelle singuli�re, est-ce que vous pouvez �voquer, par
del� votre foyer familial, les personnalit�s qui vous rendaient visite
et l�animation intellectuelle qui �tait celle du Caire � l��poque.
AEA : Mon p�re avait toujours cette envie de m�avoir � ses c�t�s
dans les d�bats, au cours des discussions. Je me rappelle tr�s bien
qu�il y avait des amis de mon p�re qui pour moi �taient seulement les
amis de mon p�re. Ils m�ont vu grandir et c�est en grandissant que j�ai
d�couvert leur v�ritable qualit� d��crivains ou d�artistes parmi les
plus connus d�Egypte. Ils venaient presque chaque jour chez nous,
parlaient de litt�rature, de culture, de politique et moi je participais
� leurs discussions, j��tais un jeune enfant et souvent je disais des
b�tises. Ils ne se moquaient jamais de moi et me consid�raient,
pourtant, comme un petit homme. Je me rappelle par exemple des noms
comme Abderrahmane El Charkawi, Ihssan Abdelkaddous, Salah Hafez, Sayed
Mekawi le musicien, Mahmoud Saadani, Zakarya El Higuawi, beaucoup de
personnalit�s tr�s connues en Egypte. Ils �taient v�ritablement des
�crivains, des intellectuels, des artistes. Je pense que cela m�a
construit que de c�toyer toutes ces personnalit�s. J�ai toujours aim� la
lecture et c�est mon p�re qui me conseillait mes programmes de lecture.
Je me rappelle qu�il me d�conseillait de lire la litt�rature russe tant
que je n��tais pas encore universitaire car � lire la litt�rature russe
trop t�t, il est possible de retenir une impression n�gative mais aussi
parce que cette litt�rature n�est pas facile � comprendre. Mon p�re me
conseillait, me donnait des livres � lire. Oui, c�est lui mon premier
ma�tre de litt�rature, si vous voulez.
MCM : Il vous a, en
quelque sorte, permis de grandir pr�matur�ment.
AEA : Oui, il m�a
pr�par� � �tre grand.
MCM : A propos d�emprunts aupr�s de
cultures �trang�res. Il est possible de d�celer dans vos diff�rents
�crits une empreinte tr�s particuli�re de la culture fran�aise. C�est �
titre compl�mentaire de la culture arabe ?
AEA : Oui, j�avais la
chance d�appartenir � une famille francophone. Mon p�re �tait
francophone, je suis moi-m�me francophone, ma femme l�est aussi ainsi
que mes enfants. J�aimerais dire que les francophones en Egypte,
sup�rieurement, �duqu�s constituaient une classe. Ils �taient les plus
respectables .Ils sont d�sormais les plus �duqu�s seulement. Les plus
riches ce sont les classes affili�es aux activit�s de business et li�es
plut�t aux Am�ricains. J�avais cette chance aussi d�aller au lyc�e
fran�ais. Nous avons eu l� des jeunes professeurs fran�ais tr�s lib�raux
qui avaient refus� d�effectuer le service militaire. � l��poque il y
avait, en effet, un syst�me qui permettait aux jeunes fran�ais de passer
le service militaire sous forme civile. Certains professeurs fran�ais
qui ne voulaient pas accomplir le service militaire, probablement en
raison de l�impression laiss�e par la guerre d�Alg�rie, �taient venus
enseigner le fran�ais en Egypte. Nous avons eu le droit � une vague
d�esprit lib�ral, tr�s d�mocratique�Les effets de Mai 68 n��taient pas
loin. Je me rappelle tr�s bien, � titre d�exemple, que l�un de ces
professeurs nous avait demand� de choisir librement dix textes de la
litt�rature fran�aise, l� o� d�habitude nous avions � subir un programme
rigide. Ce professeur avait organis� des �lections pour le choix des
textes, chaque �l�ve devant proposer les dix textes qui lui semblaient
les meilleurs � �tudier, puis avait proc�d�, d�mocratiquement, � la
s�lection finale des textes. Je me rappelle que nous avions toujours
aim� le cours de litt�rature fran�aise et que j�avais toujours de tr�s
bonnes notes dans cette mati�re. Dans mes �crits politiques, je signale
toujours l��pisode que je viens de citer en disant que ce fut, pour moi,
la premi�re exp�rience d�mocratique en Egypte et la derni�re aussi �
MCM : Justement, � propos de votre itin�raire, vous �voquez votre
m�tier de dentiste en disant que le m�tier d��crivain, dans le monde
arabe, ne nourrit pas son bonhomme. Comment faites-vous pour concilier
ce m�tier de dentiste avec la vocation de romancier ?
AEA : La
m�decine, compar�e aux autres m�tiers, est celui qui a donn� le plus de
romanciers. La raison en est simple, la m�decine et la litt�rature ont
le m�me sujet qui est l�homme. Je pense que les deux m�tiers sont
�troitement li�s. Je sers l��tre humain en soignant mon malade aussi
bien qu�en �crivant. Le m�tier de dentiste est pour moi tr�s utile,
parce qu�il me permet de gagner ma vie, d��tre un �crivain ind�pendant
et de ne pas subir les pressions des pouvoirs officiels.
MCM :
Mais les patients, en venant � votre cabinet, viennent rencontrer le
dentiste ou le romancier ?
AEA : Je rencontre des gens diff�rents
chaque jour, de diff�rents milieux, de diff�rentes cultures et c�est
tr�s utile pour un romancier. Je s�pare toujours dans mon cabinet le
m�tier de romancier de celui de dentiste. Un patient qui vient dans mon
cabinet cherche un dentiste, pas un romancier. J�anime un s�minaire
hebdomadaire de litt�rature et je donne du temps aux personnes qui
veulent discuter de mon activit� de romancier mais en dehors du cabinet.
Mais du fait du succ�s du roman et aussi du film, j�ai eu � rencontrer
des patients qui venus pour se soigner, proposaient, en fait, leurs
services pour le cin�ma, vous voyez� C�est pour cela que j�essaye de
s�parer les deux m�tiers. Dans mon cabinet, je suis simplement dentiste.
MCM : Pour clore la discussion sur votre itin�raire individuel,
diriez-vous qu�on devient romancier par un cheminement rationnel ou
qu�il s�agit vraiment d�une vocation inn�e ?
AEA : La fiction
c�est complexe. J�aime bien cette d�finition qui pr�sente la fiction �
comme une vie sur du papier qui ressemble � notre vie mais une vie plus
profonde et plus belle� � Je pense qu�il ne suffit pas d�avoir des id�es
pour �crire un roman. Moi lorsque j�ai des id�es j��cris un article. Un
roman est beaucoup plus compliqu�. Je travaille beaucoup sur le
personnage. Je n��cris pas mes romans sur le mode rationnel, je n��cris
pas mes romans pour exprimer des id�es�
MCM : Nous allons passer
aux rapports de l�intellectuel � la politique. Vous savez que le fameux
philosophe italien Antonio Gramsci avait d�velopp� la notion de
l�intellectuel organique, selon laquelle l�intellectuel est engag� au
service d�une cause directement rattach� au statut de sa classe sociale.
Pensez-vous que cette notion est pertinente pour parler du statut de
l�intellectuel dans le monde arabe ?
AEA : Je pense que
l�engagement de l�intellectuel est un devoir permanent. Il n�est pas
possible d��tre un intellectuel pour profiter des plaisirs de la vie en
oubliant son devoir vis-�-vis de son peuple. Je n�arrive pas �
comprendre les intellectuels qui agissent ainsi�
MCM : Justement,
il existe, dans le monde arabe, une �cole qui estime que le m�tier
d�intellectuel consiste � produire des id�es pas forc�ment � se
positionner dans les d�bats politiques. D�apr�s votre exp�rience, est-ce
que vous pensez qu�une production litt�raire peut �tre indemne de
coloration politique ?
AEA : Non, absolument non�Je pense qu�un
�crivain qui a un engagement pour son peuple disposera toujours de plus
d�impact lorsqu�il �crit la fiction. Si vous ne vous occupez pas de
votre peuple et que vous vous occupez de vos seuls plaisirs, vous allez
d�truire quelque chose d�essentiel en vous, peut �tre m�me votre talent
d��crivain. �tre inscrit � l�universit� c�est un privil�ge qu�il faut
payer. �tre intellectuel dans le monde arabe cela veut dire disposer
d�une chance dont les autres ne disposent pas. �tre intellectuel c�est
parler au nom des gens qui ne peuvent pas le faire, il faut donc �tre
impr�gn� de leurs soucis, de leurs pr�occupations vous voyez� je dois
bien mettre mon engagement au service de mon peuple, c�est une �vidence.
Mais cela ne veut pas dire d�truire l�art�
MCM : Est-ce que vous
pensez, v�ritablement, que l�homme de lettres dans le monde arabe peut
influencer la soci�t� ? Est-ce que vous partager l�avis de ceux qui
ironisent � propos des �crivains, ces id�alistes sans prise sur la
r�alit� ?
AEA : Un homme de lettres qui s�engage n�est pas dans
le combat comme homme de lettres. Moi je suis engag� dans le combat pour
la d�mocratie mais c�est en tant qu�intellectuel, pas comme romancier.
Si nous voulons changer les choses, nous ne pourrons pas le faire �
travers un roman mais par des actions politiques et par les articles
politiques. Le roman est un art humain, il ne change pas la situation
directement mais il change les lecteurs, il les rend plus humains, plus
ouverts. La litt�rature nous apprend � comprendre les autres, � �tre
plus tol�rant, plus apte � comprendre la faiblesse du c�ur humain. Le
lecteur chang� positivement par la litt�rature peut changer alors la
situation. Mais le roman ne doit pas �tre utilis� directement comme une
arme�
MCM : Comment parvenez-vous � concilier, � ce propos, entre
votre engagement politique et votre statut de romancier ?
AEA :
Je s�pare compl�tement les deux. Le roman est une �uvre appel�e � durer
m�me apr�s notre disparition, le roman aura une vie � lui, vous
comprenez�Nous devons trouver des valeurs litt�raires et artistiques
dans le roman. Je me rappelle tr�s bien de cette phrase remarquable que
j�aime beaucoup de Garcia Marques � un bon roman sera, n�cessairement,
toujours un bon sujet� mais, � contrario, un bon sujet ne suffit pas,
n�cessairement, � faire un bon roman.
MCM : Profitons du cours de
l�entretien pour aborder l��volution de la soci�t� �gyptienne � la
lumi�re de votre exp�rience de chroniqueur de presse, de romancier et de
dentiste. Cela vous permet de conna�tre de l�int�rieur la soci�t�
�gyptienne. Justement, j�ai relev�, dans vos �crits politiques, que vous
consid�riez que la vie politique r�elle se d�roule, d�sormais, au niveau
de la soci�t� �gyptienne et que les institutions �tatiques,
administratives ou politiques, constituaient un monde virtuel seulement,
une � non chose � selon la formule savoureuse que vous utilisez en
arabe. Pouvez-vous mieux d�crire cette situation singuli�re ?
AEA :
Je m�occupe, comme romancier, de la soci�t� r�elle. La soci�t�
virtuelle ne m�int�resse pas et elle ne m�int�ressera jamais. Le fait
que je sois dentiste m�aide beaucoup et me sert �norm�ment dans le
d�cryptage de cette soci�t� r�elle. Mon cabinet dentaire est une fen�tre
sur cette soci�t�, sur les gens qui la composent. C�est pour cette
raison que je n�envisage pas de quitter mon m�tier de dentiste car il me
permet d��tre au diapason avec la soci�t�.
MCM : Justement,
s�agissant de l�Egypte, cette fen�tre vous permet-elle de d�couvrir que
la soci�t� r�elle, dans la vie de tous les jours, est en avance sur la
soci�t� officielle ?
AEA : Absolument. Je vous cite un exemple
tr�s simple. Lorsque j�ai besoin, dans le cadre de l��criture d�un
roman, d�une information directe concernant la soci�t�, je m�adresse
automatiquement � mes clients qui me fournissent des r�ponses plus sages
et plus concr�tes que les r�ponses du milieu officiel.
MCM : A
propos, justement, des perspectives d��volution des soci�t�s arabes.
Vous signez et persistez qu�il n�existe pas d�alternative � la solution
d�mocratique. Selon vous, les soci�t�s arabes vont acc�der au syst�me
d�mocratique par la voie dite des r�volutions pacifiques � l�instar de
ce qui s�est pass� en Europe de l�Est ou par la voie d�insurrections
populaires � l�image de ce qui s�est d�roul� dans des pays moins
d�velopp�s ?
AEA : lorsque je cite la d�mocratie, je parle d�une
id�e bien d�termin�e, d�une tradition. Les dictatures arabes nous
parlent volontiers d�autres formes de d�mocratie. Je ne crois pas qu�il
existe une autre forme de d�mocratie. La d�mocratie ne peut pas avoir
plusieurs formes, elle est unique pour tous les peuples. Il reste que la
d�mocratie est une bataille permanente dans le monde arabe. La
d�mocratie, la v�ritable d�mocratie doit s�arracher�
MCM :
Justement, vous temp�rez votre jugement sur l�h�ritage de Djamel
Abdenasser car vous lui reprochez de ne pas avoir instaur� le syst�me
d�mocratique alors m�me que le peuple �gyptien y �tait pr�t. Donc vous
consid�rez que le peuple �gyptien, les peuples arabes, en g�n�ral, sont
pr�ts pour vivre dans un syst�me d�mocratique ?
AEA : Oui, je
consid�re qu�ils sont pr�ts parce que l�instauration du syst�me
d�mocratique n�exige pas n�cessairement un niveau �lev� d�instruction du
peuple. Le syst�me d�mocratique exige une volont� solide et un
engagement permanent .La d�mocratie a bien �t� instaur�e en Inde o� la
moyenne des gens instruits est tr�s faible. L�Egypte a bien pratiqu� la
d�mocratie, de 1923 � 1952, avant la r�volution. L�argument majeur que
les dictatures avancent pour freiner l�instauration de la d�mocratie
consiste � dire que le peuple doit avoir, au pr�alable, un certain
niveau d�instruction et d��ducation. C�est compl�tement faut, c�est
seulement une mani�re pour ces dictatures de garder le pouvoir.
MCM
: Nous allons passer, si vous le permettez, au panorama litt�raire en
Egypte � propos duquel les lecteurs alg�riens ne disposent pas
d�informations en raison de la tr�s grande coupure entre le Maghreb et
le Machrek. Comment se pr�sente ce panorama litt�raire ?
AEA : L�Egypte
a toujours accueilli une tr�s grande richesse d��crivains. Mais la
coupure que vous �voquez doit cesser. Je ne comprends pas pourquoi il y
a cette s�paration entre Machrek et Maghreb. C�est probablement la trace
de l��poque coloniale. Car nous avons l�histoire qui nous unit. L�Egypte
porte vivante l�empreinte de l�influence maghr�bine, songez aux
Fatimides�Cette s�paration, et non pas cette diff�rence, n�a pas de
sens, c�est le fruit d�un colonialisme qui a �uvr� pour que les peuples
arabes soient s�par�s �
MCM : Dans ce panorama litt�raire
egyptien, vous semblez vous rattacher plut�t au courant de la
litt�rature populaire symbolis�e, �videmment, par Naguib Mahfouz�
AEA
: Je ne pense pas qu�un �crivain est la meilleure personne pour
juger son �uvre. Je ne peux pas me classifier, par cons�quent. D�s que
j�ai commenc� l��criture, il y a quelques vingt cinq ann�es de cela,
parce que j�avais �t� trop influenc� par l�exp�rimentalisme pr�dominant
en Egypte, j�ai pens� qu�il �tait plus facile pour un �crivain d��crire
un texte que personne ne peut comprendre. Mais ce qui est difficile, ce
qui est un challenge, c�est d��crire un texte simple mais en m�me temps
profond. Simple de sorte que tout le monde puisse le lire, profond de
sorte que le lecteur d�couvre en le lisant et en le relisant des choses
nouvelles qui �taient enfouies � l�int�rieur. Tenez, par exemple, �
Chicago � mon nouveau roman dont l�histoire se d�roule en Am�rique. Ce
nouveau roman a constitu� en Egypte un succ�s retentissant. La premi�re
�dition s�est �coul�e en dix jours. J�ai essay�, l� aussi, de m�adresser
aux lecteurs � travers un texte simple mais profond�ment impr�gn� de la
r�alit�. Le message est arriv�, ind�niablement, aux lecteurs.
MCM
: Le ph�nom�ne est compr�hensible. Le message que vous d�livrez arrive
bien aux lecteurs, ces m�mes lecteurs qui trouvent un int�r�t certain �
vous lire. Cela r�v�le, en fait, la soif de connaissances du peuple
�gyptien�
AEA : Effectivement, � l��poque o� je commen�ais �
�crire, d�aucuns me disaient qu�il n�existait plus de lecteurs, plus de
gens qui s�int�ressent � la litt�rature. Je ne le croyais pas. J��tais
persuad� qu�il y avait et qu�il existerait toujours des lecteurs avides
de litt�rature. Ce sont ces m�mes lecteurs qui ont donn� la gloire � des
�crivains comme Naguib Mahfouz et � tous les aux autres grands noms de
la litt�rature arabe. Observez ce ph�nom�ne d��coulement rapide du stock
de mes deux derniers romans malgr� son prix de vente, trente livres
�gyptiennes, ce qui est relativement cher. Cela prouve que les Egyptiens
n�ont pas cess� de s�int�resser � la litt�rature. Ils ont cess� de
s�int�resser � une forme particuli�re de la litt�rature qu�ils n�ont pas
aim�e.
MCM : Sur ce plan pr�cis, pensez vous que l�activit�
culturelle est actuellement plus libre par rapport � la p�riode de votre
enfance, celle o� Nasser dirigeait le pays ?
AEA : Nul ne peut
nier qu�il existe en ce moment une activit� culturelle .Mais elle se
d�roule en marge des structures de l�Etat� Nasser, pour revenir � la
p�riode de mon enfance, favorisait l��panouissement de la culture, la
cr�ation litt�raire�.
MCM : C�est paradoxal, admettez-le, voil�
un r�gime autoritaire, politiquement autoritaire j�entends, qui favorise
une cr�ation litt�raire libre�
AEA : Pour moi, Nasser reste l�un
des grands leaders du monde arabe .Il a symbolis� notre r�ve. La seule
faute qu�il aura commise c�est de ne pas avoir instaur� la d�mocratie en
Egypte alors que le pays y �tait pr�par�. Si la d�mocratie avait �t�
instaur�e en Egypte, je pense que tout le monde arabe aurait suivi car
Nasser exer�ait une grande influence sur le monde arabe. L�Etat, sous
Nasser, favorisait la promotion de la culture car sa d�marche reposait
sur un projet national. Ce n�est plus le cas, l�Etat n�a plus de projet.
Les initiatives culturelles �chappent � l�Etat. Du temps de Nasser, il
n��tait pas permis , dans le domaine politique, de dire � non �, mais,
dans le champ culturel ,le champ �tait compl�tement ouvert. Naguib
Mahfouz �crivait comme bon lui semble. Des romans hostiles � la
R�volution, comme � Miramar � �taient publi�s par � Al Ahram � l�organe
officiel que dirigeait Hassanein Heykal lequel avait consult� Nasser qui
avait prescrit la libre expression�
MCM : Tenons-en-nous � votre
production intellectuelle. Quel lien �tablissez-vous entre � Nirane
Sadiqua �, votre premier recueil de nouvelles, � Immeuble Yacoubian �,
votre bestseller et votre dernier roman � Chicago � ? Quelle ligne
directrice relie ces trois ouvrages ?
AEA : Je travaille le roman
au d�but comme si je murissais un projet .Je garde l�id�e, l�atmosph�re,
le caract�re. J�ai toujours deux ou trois projets de romans en instance.
Lorsque je sens tr�s bien le murissement d�un projet, je m�attelle �
l��crire. Prenons le cas de � Chicago �, le sujet dormait en moi bien
avant. Comme vous le savez, j�ai �tudi� � Chicago et je connais la ville
parfaitement. J�y ai pass� plus de deux ans et j�ai soutenu mon master
d�odontologie � l�Universit� de l�Illinois. Je m��tais dit, � l��poque,
que la diversit� de cette ville pourrait en faire un jour le sujet d�un
futur roman. Vous savez, Chicago jouit d�une r�putation pas tr�s juste
concernant la criminalit� et les d�lits communs. Cette ville respire de
culture et d�art avec un brassage ethnique tel que Chicago forme une
m�tropole unique, vraiment int�ressante.
MCM : Tout � l�heure,
vous aviez expliqu� qu�entre le m�tier de dentiste et celui de romancier
il y avait l�homme comme d�nominateur commun. Entre � Immeuble Yacoubian
� et � Chicago � quel est le d�nominateur commun ?
AEA : L�homme,
tout naturellement. Je m�occupe de l�homme, Ce sont les personnages
humains qui m�int�ressent, j�essaye de les comprendre, de bien les
pr�senter aux lecteurs. J�entretiens avec eux une relation affective .Si
je ne les aime pas je suis incapable de les faire vivre dans mes romans
� Dans � Chicago � vous trouverez des immigr�s arabes, des �tudiants
arriv�s aux Etats-Unis directement de la campagne �gyptienne sans passer
par le Caire. Imaginez le choc culturel...Vous trouverez aussi, dans ce
m�me roman, des caract�res am�ricains qui alimentent une vision critique
de la soci�t� am�ricaine. D�autres situations relativisent plut�t les
aspects n�gatifs de cette soci�t� am�ricaine comme lorsqu�e celle-ci se
r�signe � la relation amoureuse entretenue par ce professeur blanc de
gauche avec une jeune fille noire.
MCM : Il existe une fronti�re
entre votre activit� de romancier et celle de chroniquer de presse?
AEA : J��cris depuis plus de dix ans, gratuitement, un article de
presse par mois. Je pense que c�est un devoir que de le faire. Cela
m�emplit de satisfaction d��crire pour la d�mocratie en expliquant au
peuple �gyptien que c�est la meilleure solution � sa situation. Mais au
niveau litt�raire, je suis aussi satisfait car c�est dangereux d��crire
un roman avec des �tincelles politiques , cela d�truit l��uvre d�art.
MCM : Vos origines sociales n�ont pas d�teint sur votre travail
romanesque ? Dans � immeuble Yacoubian � mais surtout dans le film qui
en est tir�, vous poussez � la sympathie pour cet aristocrate d�class�
admirablement incarn� par Adel Imam. Ce n�est pas une mani�re de
r�habiliter la bourgeoisie d�antan ?
AEA : Non, ce n�est pas une
�poque, pas un symbole de la bourgeoisie. Zaki Bey est juste un
personnage. Je n�aime pas cette mani�re de lire la fonction. Dans le
roman � Chicago �, la situation est plus compliqu�e. Des extraits de �
Chicago � ont �t� publi�s par le journal � Edoustour �, notamment la
sc�ne ou une femme voil�e pratiquante tombe amoureuse d�un autre
personnage, 10% des lecteurs m�contents ont commenc� m�me � me menacer�
MCM : O� se situe la fronti�re entre le romanesque et la r�alit�
dans vos deux romans � Immeuble Yacoubian � et � Chicago � ?
AEA :
Vous savez, j�utilise toujours mon exp�rience humaine pour
d�velopper les personnages de mes romans. J�ai �cris � Chicago � parce
que je connais parfaitement la ville de Chicago, je n�ai pas �cris sur
New York car je ne la connais pas. � Immeuble Yacoubian � c�est le
centre ville du Caire, le monde o� j�ai grandi. Mais ce n�est pas une
biographie. Quand je cr�e des personnages, il s�agit � la base de
personnes que j�ai connu dans la vie mais j�utilise aussi mon
imagination .Vous n�aurez jamais une copie conforme � la vraie vie, mais
un m�lange de vie r�elle et d�imagination.
MCM : Vous agissez de
m�me qu�il s�agisse de romans ou de nouvelles ?
AEA : J�aime
beaucoup cette phrase d�Isabelle Allende que je consid�re comme une
grande �crivaine : � � La nouvelle � tombe compl�te sur la t�te comme
une pomme �. Il faut travailler le roman chaque jour pour le voir se
dessiner, apr�s il faut travailler chaque jour pour l��crire...Une
nouvelle c�est une inspiration, elle tombe sur la t�te vraiment.
MCM
: Vous utilisez un vocabulaire simplifi� et un style plut�t d�pouill�.
C�est un choix d�lib�r� pour vous faire comprendre par le plus large
public ?
AEA : Oui, la langue pour moi est un moyen de
s�exprimer, un moyen de faire passer un message. J��vite de tomber
amoureux de la langue. A mon avis d�corer la langue c�est la compliquer
ce qui risque de fausser le message � transmettre.
MCM : Nous
allons aborder, maintenant, la traduction. Est-ce que vous estimez que
la traduction de vos romans leur assure une nouvelle vie ? Quelle sont
les garanties que vous prenez pour vous assurer de la fid�lit� �
l�esprit et � la lettre du texte � traduire ?
AEA : Je ne prends
pas de garanties. J�ai un agent litt�raire en Egypte, qui est tr�s
efficace, de l�Universit� Am�ricaine du Caire. Nous avons supervis�,
ensemble, la traduction pour les langues fran�aise et anglaise. �
Immeuble Yacoubian �, notez-le, a �t� traduit dans 17 langues. � Chicago
�est en cours de traduction vers l�anglais et le fran�ais. J�ai la
chance de disposer d�un excellent traducteur vers la langue fran�aise
qui est lui-m�me romancier .Il a d�j� entam� la traduction de mon
dernier roman � Chicago �.Le plus important dans les traductions c�est
de garder l�atmosph�re du roman intact.
MCM : A ce propos, votre
roman � Immeuble Yacoubian � a �t� traduit malgr� vous vers l�h�breu.
Vous avez protest� puis, r�sign�, vous avez d�cid� de faire b�n�ficier
Hamas des royalties tir�es de la vente du livre traduit. C�est la �
real-politik � qui vous inspire ?
AEA : j�ai toujours refus� de
nouer des contacts avec les Isra�liens, dans le domaine litt�raire ou
tout autre domaine tant que le peuple palestinien n�avait pas recouvert
ses droits humains et politiques, son droit � l�existence. Les
Isra�liens se sont appropri�s les doits d�auteur de mon roman �Immeuble
Yacoubian �, ils les ont vol� Cela ne m��tonne gu�re, apr�s tout ils
ont vol� tout un pays. L�Union des Ecrivains Egyptiens va, probablement,
intenter une action judiciaire � l�encontre de ceux qui ont traduit le
livre sans mon accord. C�est dans ce contexte que j�ai dit que si nous
gagnions le proc�s, l�argent sera, enti�rement, revers� au peuple
palestinien. J�ai dit le peuple palestinien, pas une organisation ou un
mouvement, mais le sens y est.
MCM : Vous pr�cisez que vous
n�avez pas �t� associ� � la r�alisation du long m�trage tir� de �
Immeuble Yacoubian � sans dissimuler pour autant votre satisfaction pour
le film .C�est la qualit� de la r�alisation, la ma�trise de la mise en
sc�ne ou le jeu des acteurs qui justifient cette satisfaction ?
AEA :
Je garde toujours une distance par rapport � l�adaptation
cin�matographique. Vous savez une des le�ons apprises aupr�s de notre
maitre Naguib Mahfouz c�est qu�un romancier est responsable de son
roman, seulement de son roman. Je serais responsable de mon roman mais
pas de ses adaptations c�est pourquoi je garde toujours cette distance.
La litt�rature ce n�est pas le cin�ma. Chaque art dispose de ses r�gles.
Le plus important c�est que moi apr�s avoir laiss� faire le r�alisateur
du film j�ai eu une agr�able surprise .Ce long m�trage a �t� fid�le au
roman c�est pour cette raison que je suis parfaitement satisfait du
travail qui a �t� fait.
MCM : M�me le jeu des acteurs a �t� tout
� fait remarquable�
AEA : Oui, je suis d�accord. Le plus
important dans les adaptations de romans au cin�ma, c�est de rester le
plus fid�le au roman �
MCM : J�ai lu dans la presse que vous
envisagez d�adapter � Immeuble Yacoubian � sous forme de feuilleton
t�l�vis�. Quel est l�objectif �ventuel de ce feuilleton t�l�vis� ?
AEA : C�est vrai que la t�l�vision est int�ress�e mais je ne suis
pas responsable de ce projet. Vous savez je suis d�un abord tr�s facile
et je laisse la libert� aux autres d�agir selon leur inspiration�
MCM
: Pour revenir � votre nouveau roman � Chicago �. Quel message
particulier voulez-vous transmettre � l�opinion publique am�ricaine ?
AEA : Non, pas de message. Comme je l�ai dit tout � l�heure je
n��cris pas des romans pour d�livrer des messages. J��cris des romans
pour pr�senter des personnages. Un �crivain ami Galal Amin commentant le
roman a fait cette remarque que � Chicago � mettait en sc�ne, enfin, les
Arabes et les Am�ricains comme des �tres humains, leurs probl�mes venant
des r�gimes qu�ils subissent � l�instar du r�gime capitaliste aux
Etats-Unis. J4ai beaucoup appr�ci� cette mani�re de lire la fiction...
MCM : Nous allons revenir, si vous le permettez, au divorce
intellectuel entre le Machrek et le Maghreb, nous avons, d�j�, �voqu�,
combien il �tait regrettable. Est-ce que vous estimez que c�est une
�preuve � d�passer ou une fatalit� � subir longtemps ?
AEA :
Cette s�paration n�est pas normale, elle n�est pas naturelle.
Personnellement, je crois en la nation arabe. Ce sont les puissances
�trang�res qui ont divis� les nations arabes selon leurs int�r�ts. Je
pense qu�il existe une litt�rature arabe, une mentalit� arabe avec des
diff�rences comme celles qui peuvent exister dans un m�me pays�
MCM
: Dans une interview que vous avez accordez � � El Khabar � quotidien
arabophone d�Alger, vous avez exprimez un peu votre hostilit� au
d�veloppement des dialectes populaires dans le monde arabe, car, selon
vous, ils repr�senteraient une menace pour l�identit� arabe .Il existe
une dimension amazigh, dimension essentielle de la civilisation
arabo-musulmane. Actuellement, en Alg�rie il y a un renouveau de cette
dimension, est-ce que vous estimez que votre jugement n�est pas trop
excessif ?
AEA : Je ne pense pas qu�il soit possible d�emp�cher
des gens de parler leur langue. Je suis un esprit lib�ral et je ne me
permettrais pas ce d�ni de justice. Nous connaissons la question avec la
r�gion de Nouba en Egypte � la fronti�re avec le Soudan. J�exprime mon
hostilit� aux orientalistes qui veulent nier l�id�e de nation arabe et
qui sont, finalement, hostiles � la culture arabe .Pour ma part je
m�interdis d��crire des romans en dialecte �gyptien car un lecteur
maghr�bin ou tout autre citoyen du monde arabe dialecte serait incapable
de lire mes romans.
MCM : Est-ce que vous pensez que nous
assistons, actuellement, � un renouveau litt�raire dans le monde arabe ?
AEA : Oui, pas au sens ethnique. Toute la litt�rature qui
s�exprime en arabe.
MCM : Quels sont les auteurs alg�riens,
arabophones ou francophones que vous avez lu et que vous appr�ciez
particuli�rement ?
AEA : Mouloud Feraoun, � travers son roman �
Le fils du pauvre �, j�ai d�couvert un tr�s grand romancier, un ma�tre
de la litt�rature disparu pr�matur�ment. C�est un chef-d��uvre de la
litt�rature�
MCM : Est-ce que vous avez un projet de visite en
Alg�rie ?
AEA : Je serais tr�s ravi et honor� de me rendre en
Alg�rie.
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