Panorama : KIOSQUE ARABE
Les Arabes "terre-terre" de Kadhafi
Par Ahmed HALLI
halliahmed@hotmail.com


Je partage enti�rement l'indignation de notre ministre de l'Education devant le spectacle d'un petit �colier de T�mouchent habill� en Saoudien. C'est l� une r�action spontan�e qui dit tout haut le ras-le-bol de ceux qui pensent tout bas. Ceci prouve, au moins, deux choses :

1) Le premier responsable de notre infaillible syst�me �ducatif n'est pas aussi �clectique que son coll�gue des Affaires religieuses. 2) Il y a encore des ministres dans notre gouvernement qui ne r�vent pas seulement de p�lerinages gratuits � La Mecque sur les lignes de la prochaine "Khalifa-Airways". Nous voil� donc avec un ministre scandalis� et, bien s�r, un �colier traumatis�. Car si les �mois du premier directeur de notre g�niale �cole ont rencontr� un �cho, quid du petit Saoudien ? J'imagine la surprise et l'�tonnement de ce petit �l�ve qu'on pr�parait depuis des mois, voire des ann�es, pour cet instant de gloire avort�e. Depuis qu'il a mis les pieds � l'�cole, il a d� faire plusieurs fois le voyage entre La Mecque et M�dine. Il a fait le m�me circuit, que ce soit en histoire, en calcul ou en po�sie sans compter l'�ducation religieuse. On lui a appris que l'�ge d'or de l'humanit� se situe l�-bas dans un triangle surveill� par des radars am�ricains, des avions am�ricains et� des th�ologiens saoudiens. Bref, on a tout fait pour en faire un bon Saoudien dans sa t�te. L'�uvre �tait donc achev�e et la tenue saoudienne, ramen�e par le p�re ou l'oncle, devait �tre la cerise sur le g�teau. Pour les parents et pour les "�ducateurs", elle pr�figurait sans doute la tenue de gala pour sorties de promotions. Nous voil� donc avec un enfant qui est somm� de revoir sa copie et un ministre, revenu �reint� d'une tourn�e aux r�sultats improbables. Avec ma logique d'avant le sinistre, je me suis pos� cette question : pourquoi un ministre doit-il s'�puiser, si loin de ses bases, � pourfendre le wahhabisme alors que les cohortes int�gristes paradent tous les matins sous ses fen�tres ? Encore faut-il s'entendre sur le sens � donner au mot fen�tre. Comment distinguer un, deux ou m�me trois petits Saoudiens, jusqu'au fond du pr�au � gauche, dans une masse d'�l�ves impr�gn�s du m�me costume ? Comment voulez-vous, enfin, qu'ils ne rient pas sous cape ou � pleine gorge lors de l'ex�cution de "Kassamen" si on leur apprend, en classe, que le verset de la Chaise ? Je ne crois pas qu'il suffise de saupoudrer quelques nuages d'�ducation civique sur des programmes scolaires pour faire germer de jeunes pousses patriotiques. Et lorsqu'on enseigne � de jeunes enfants comment vivre dans le d�sert, il ne faut plus s'�tonner d'avoir perdu la terre promise. Enfant du d�sert, Kadhafi l'est assur�ment. Il d�pense des milliards pour le faire reverdir, aux couleurs de son livreprogramme. Depuis des ann�es, notre g�nial voisin �labore th�orie sur th�orie, � intercaler entre les pages du "Livre Vert". La derni�re en date concerne mes origines et c'est pour �a que je m'y arr�te car, lui aussi veut me les r�apprendre. Vous connaissez tous la th�se "arabiste" selon laquelle les Alg�riens seraient venus du Y�men. Si cette th�orie est vraie, nous l'avons �chapp� belle, au passage, puisque toutes sortes de catastrophes ont frapp� (et frappent) ce pays. Toujours est-il que cette id�e n'a pas vraiment fait �cole (au contraire du wahhabisme) � cause de ses arri�re-pens�es politiciennes (1). Toujours est-il que Kadhafi en rajoute et comme il adore les explications de textes (sacr�s ou non), voici ce que cela donne : les Berb�res viennent du Y�men. Leur nom signifie "terre-terre", de l'arabe ber-ber. On les appelle ainsi parce qu'ils ont travers� les terres pour arriver au Maghreb actuel. Comme les missiles du m�me nom, nous serions donc des �migrants terre-terre, et donc des "harragas" qui ne savaient m�me nager. C'est tranch� : l'homme qui a �rig� ses sautes d'humeur en m�thode de gouvernement et ses �lucubrations en trait�s id�ologiques est notre nouveau ma�tre d'histoire. Il me para�t difficile, toutefois, d'�tre attentifs et assidus aux cours du Dr Maamar, tant il est changeant et impr�visible. Quant aux revendications identitaires et autres discours sur l'amazighit�, Kadhafi les balaie d'un revers de manche. Ce ne sont que complots et man�uvres de diversion ourdis par le colonialisme. Ce qu'on savait d�j� � l'�poque du FLN historique. Et comme le leader libyen peine � s'extirper du capharna�m de vieilleries, il d�cerne le titre de "Saint martyr" au d�funt Saddam Hussein. Il �tait, selon lui, meilleur pr�sident que tous les chefs d'Etat arabes actuels. Ce qui n'est pas flatteur pour les dirigeants arabes, et notamment pour le roi Abdallah, le vieil ennemi de Kadhafi. Samedi dernier, le souverain saoudien a accueilli un autre ennemi jur�, celui qui offre aux Am�ricains une nouvelle opportunit� de guerre, comme en Irak. Les deux hommes vont d'ailleurs discuter essentiellement de l'Irak, avec en toile de fond l'arme nucl�aire iranienne. Le quotidien saoudien de Londres Al-Charq Al-Awsat nous apprend que Ahmadinejad propose aux Saoudiens de "travailler ensemble dans le monde musulman" (2). Le m�me quotidien croit savoir �galement que le climat de tension actuel entre Riyad et Damas pourrait conna�tre un l�ger mieux. Tout un programme� Al-Charq Al-Awsat s'est d�couvert un nouveau sujet d'�tonnement cette semaine avec le cas singulier des leaders int�gristes Abou Qatada, Oussama Nasr et Omar Bacri. Tous les trois vitup�rent � longueur d'ann�e contre l'Occident impie. Ils appellent � la guerre sainte contre l'Europe mais ils protestent lorsque cette m�me Europe veut les renvoyer chez eux. Il y a d'abord l'�trange comportement de l'Egyptien Omar Bacri. Il s'enfuit d'abord de Londres vers le Liban pour �viter une condamnation pour actes terroristes. Une fois install� au Liban, il demande � cor et � cris que Londres lui permette de revenir en Angleterre o� l'attendent la prison et le tribunal. Abou Qatada, le Jordanien, refuse d'�tre extrad� vers son pays. Il pr�f�re le confort d'une cellule occidentale aux incertitudes et aux dangers du syst�me p�nitentiaire jordanien. Quant � l'autre Egyptien, Oussama Nasr, l'imam de Milan, enlev� par la CIA, il demande lui aussi � revenir en Italie. Il r�clame � l'Etat impie qui a favoris� son kidnapping une forte indemnisation financi�re. Trois cas qui illustrent bien, selon notre confr�re Abderrahmane Errached, les contradictions qui animent les islamistes. "Qu'est -ce qui pousse, dit-il, ces extr�mistes qui honnissent l'Occident et sa culture � s'y pr�cipiter avant tous les autres et � se battre pour y rester ? Souffrent-ils d'un d�doublement de personnalit�, l'une de haine et l'autre d'attirance pour le mode de vie occidental ?" Abderrahmane Errached omet de citer le cas des islamistes qui tr�pignent d'impatience � Londres en attendant l'acte de propri�t� du magasin ou l'investiture aux l�gislatives. Il n'y a que le Tunisien Ghannouchi qui ne se fait gu�re d'illusions. Lui, ce serait plut�t la cl� d'un caveau que les autorit�s de son pays lui forgeraient.
A. H.

(1) Quand un baathiste de Baghdad vous somme de reconna�tre vos origines y�m�nites sans faire le m�me voyage avec vous, vous pr�f�rez rester l� o� vous �tes. Apr�s tout Adam et Eve auraient pu gambader sous les c�dres de Tala Guilef o� on n'est pas plus "pl�b�iens" qu'ailleurs.
(2) Si ces deux-l� arrivent � s'entendre, ce ne sera s�rement pas dans notre int�r�t. Avez-vous remarqu� que la chasse aux chiites s'est soudainement arr�t�e. Qui a d�cr�t� la fermeture ?

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