Chronique du jour : ICI MIEUX QUA LA-BAS
Sarkozy en clair-osbcur
Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr


Il y a cette photo sur laquelle Nicolas Sarkozy l�ve les mains au ciel. A sa gauche, les traits tir�s, Abdelaziz Bouteflika esquisse un petit sourire �nigmatique. Connivence ? Le pr�sident fran�ais arrive � Alger, sa toute premi�re visite hors d�Europe, les id�es claires. Il n�y aura pas de trait� d�amiti� parce que �lorsqu�on est amis, il n�est pas besoin de l��crire. Il faut le vivre�. Point. Il n�y aura pas plus de repentance.
La France ne pr�sentera pas ses regrets : �Je viens ici ni pour blesser ni pour m�excuser.� Familier d�une rh�torique destin�e � contenter tout le monde en m�me temps, il argumente dans la sophistication : �Je ne veux pas blesser des amis et je n�imagine pas que des amis que je ne veux pas blesser voudraient me blesser � mon tour.� Traduit en termes abrupts, cela veut dire qu�il ne faut pas choquer les partisans de la France coloniale en �voquant leurs crimes, pas plus qu�il ne faut blesser les victimes de la colonisation en refusant de la consid�rer comme une injustice. Donc, l�-dessus, c�est limpide. Vous avez beau crier, gesticuler, invoquer qui que vous voulez, ce sera comme �a. Ce qui s�est pass� s�est pass� et �ne divisons pas l�avenir en faisant rena�tre le pass�. C�est pes� ! Nicolas Sarkozy conc�de que les �Alg�riens ont beaucoup souffert� et il faut, dit-il, respecter cette souffrance. �Mais il y a aussi beaucoup de souffrance de l�autre c�t�, et il faut la respecter�. Cette sym�trie entre le bourreau et la victime rappelle cet �tat d��me de Golda Meir souffrant de ce que les Palestiniens obligent les Isra�liens � les tuer. La radicalit� dans l�organisation fig�e du pass� colonial de la France affich�e par Sarkozy a cependant l�avantage de la clart�. Elle coupe l��lan � l�autre radicalit�, celle qui consiste � faire des souffrances du peuple alg�rien une monnaie d��change et un objet de chantage permanent. N�anmoins, cela n�enl�ve rien � la r�alit� atroce du colonialisme ni � la n�cessit� de reconna�tre celle-ci. Autre id�e claire de Nicolas Sarkozy : �Les entreprises fran�aises sont pr�tes � investir massivement dans cette �conomie �mergente qu�est l�Alg�rie aujourd�hui avec ses moyens et sa solvabilit�.� Renouer le dialogue politique entre Alger et Paris, Nicolas Sarkozy entend le faire. Mais sans jamais perdre de vue le recouvrement par la France de son influence dans ses anciennes colonies ni ses int�r�ts �conomiques. L�Alg�rie est un march� juteux : un coussin confortable de r�serves de change destin�es � la consommation, il y a de quoi faire. Mais l�id�e la plus claire de Nicolas Sarkozy est le projet d�union de la M�diterran�e. Il vient �recueillir� l�avis de Abdelaziz Bouteflika �et lui dire qu�il avait une place tout � fait centrale pour porter ce projet�. Sarkozy relativise n�anmoins le r�le de celle-ci dans la construction de cette id�e �port�e par la France�. Il ne s�agit pas de s�empresser d�instituer la France et l�Alg�rie comme �moteurs� de cette Union. Il n�est pas �anecdotique � que, d�marchant pour cette id�e, Sarkozy se rende d�abord � Alger. Pour autant, �il n�y a pas que l�Alg�rie�. Qu�est-ce que le projet d�union de la M�diterran�e ? Nicolas Sarkozy dit d�j� ce qu�il n�est pas. Ce n�est pas, en tout cas, un substitut au troisi�me degr� de l�Union europ�enne. �Ce n�est pas un substitut, explique-t-il, au processus de Barcelone, qui n�est pas un substitut au 5+5, qui n�est pas un substitut, bien s�r, � l�Union europ�enne�. Mais c�est quoi ? �C�est un projet politique fort qui verrait les hommes de la M�diterran�e construire la paix et le d�veloppement par une union de la M�diterran�e comme il y a soixante ans les Europ�ens ont construit l�Union europ�enne.� Si �a prend autant de temps, mieux vaut commencer en effet tout de suite. Si les contours sont flous de ce que Nicolas Sarkozy a impuls� en essayant d�aller vite puisqu�il veut organiser une rencontre de chefs d�Etat et de gouvernement au premier semestre 2008, les arguments sur lesquels il s�appuie sont, eux, indiscutables : l��chec de tous les rapprochements entre le Nord et le Sud, aggravant les in�galit�s entre le centre et la p�riph�rie. Inaugur� en 1995 par les 15 membres de l�Union europ�enne, le �processus de Barcelone� a, pour pr�tendre r�duire les in�galit�s, mis� sur le d�veloppement du commerce et du libre-�change, domaines dans lesquels les armes sont �videmment in�gales. Bien entendu, le projet � cette �utopie mobilisatrice� � est int�ressant tel qu�il appara�t parce qu�il ambitionne de favoriser le cod�veloppement � la place du ravalement des pays du sud de la M�diterran�e en sous-traitants de l�Europe. Mais n�a-t-on pas raison non plus de suspecter, derri�re les bons sentiments, des calculs prosa�ques ? Par exemple, en refusant l�admission de la Turquie � l�Union europ�enne renvoy�e � l�union de la M�diterran�e, Sarkozy ne fait-il pas d�ores et d�j� de cette derni�re une succursale de la premi�re ? A-t-on tort de voir dans cette initiative un des moyens de juguler les flux migratoires vers l�Europe ? Comme en France o� tout ce qu�il fait est sous-tendu par des calculs visant � d�stabiliser son opposition, Nicolas Sarkozy vient � la construction Nord-Sud avec sa culture politique marqu�e par des arri�re-pens�es de rupture et de domination, ce en quoi ses interlocuteurs lui ressemblent.
A. M.

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