Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Des femmes et des chiens errants
Par Ahmed HALLI
halliahmed@hotmail.com


L��crivaine saoudienne Wadjiha Al-Howeidar n��crit pas pour les salons, qu�ils soient litt�raires ou foires aux livres. Elle ne met pas sa plume au service de manifestations aussi inutiles que d�risoires comme �L�ann�e de�� ou �Boughezoul, capitale de��. Elle n�est pas de ces litt�raires arabes qui pansent la blessure avant m�me de l�avoir provoqu�e. Wadjiha n�a pas eu besoin de lire Kafka puisqu�elle vit en son royaume.

Elle r�side dans un pays, r�gi par la royaut� au sens plein du terme, o� tout peut arriver� aux femmes et c�est souvent le cas. C�est elle qui avait attir� l�attention il y a deux ans sur l�incroyable situation faite � Fatma Al-Azzaz, �pouse et m�re d�un enfant, s�par�e de son mari pour cause de m�salliance. Ses fr�res extra-ut�rins avaient mis � profit la disparition de leur p�re pour mettre � ex�cution leur dessein. Ils estimaient, en effet, que Mansour Temimi, leur beau-fr�re, n��tait pas digne d��pouser leur demi-s�ur, en d�pit de la b�n�diction paternelle. Mansour appartenait � une tribu de rang inf�rieur et son mariage avec Fatma tirait sa belle famille vers le bas, ce qui n�est pas une exception et peut relever de la fatalit�. Toujours est-il que les fr�res, d�tenteurs de l�honneur de la tribu, ont obtenu devant les tribunaux saoudiens la rupture du mariage honni. Fatma a refus� de se plier � cet arr�t injuste et de quitter son mari. Ce faisant, elle s�est mise, ainsi que son mari l�galement divorc�, en situation d�adult�re. Depuis Fatma a accouch� de son deuxi�me enfant dans une maternit� o� elle est enferm�e comme dans une prison. Elle rejette toujours l�injuste sentence des tribunaux qui a dispers� son foyer. C�est par ce premier exemple que Wadjiha Al- Howeidar a choisi de r�pondre aux propos l�nifiants du roi Abdallah d�Arabie Saoudite sur l�incroyable bonheur des femmes saoudiennes. Le monarque affirmait r�cemment, dans une interview � la BBC : �La femme est ma m�re, ma s�ur. Elle est mon �pouse (1) et elle est ma fille. Elle a des droits, qui lui sont octroy�s par l�Islam. Des droits, comme il n�en existe pas de plus avanc�s dans le monde entier.� �Mais alors, pourquoi a-t-elle �t� livr�e � des m�les enrag�s pour qu�ils la d�chirent ?�, r�plique Wadjiha Al-Howeidar. Deuxi�me exemple : �Akila, une jeune fille la localit� de Kote�f, avait des r�ves d�avenir avec son fianc�. Avant son mariage, elle a �t� agress�e et viol�e � sept reprises. Elle a reconnu, par la suite, ses sept violeurs qui ont �t� arr�t�s et jug�s. Ils ont �cop� de un � cinq ans de prison assortis de 1000 � 350 coups de fouets chacun. Le plus �trange est que la malheureuse a �t� condamn�e � 90 coups de fouet pour attentat � la pudeur (2) et qu�elle risque aussi six mois de prison. Akila, la viol�e attend que lui soit appliqu�e la sentence de la flagellation pour une faute et un crime qu�elle n�a pas commis. Parce que les tribunaux ne lui ont pas rendu justice et que sa seule faute est d�avoir �t� viol�e, comme le sont g�n�ralement les femmes dans le monde.� �La femme est ma m�re, ma s�ur. Elle est mon �pouse et elle est ma fille. Elle a des droits, qui lui sont octroy�s par l�Islam. Des droits, comme il n�en existe pas de plus avanc�s dans le monde entier.� �Mais alors, pourquoi a-t-elle �t� livr�e � des m�les enrag�s pour qu�ils la d�chirent ?� Troisi�me exemple : �Un adolescent saoudien est intervenu pour faire annuler un voyage d��tudes m�dicales que sa m�re projetait de faire � l��tranger. Cette derni�re, m�decin, voulait se sp�cialiser en p�diatrie dans le cadre d�une mission m�dicale saoudienne. Le fils mineur qui exerce la tutelle sur sa m�re divorc�e a refus� que cette derni�re parte �tudier � l��tranger. Cette femme repr�sente une cat�gorie importante de femmes qui ne peuvent jouir de leurs droits naturels � vivre, � travailler et � �tudier. Tout cela parce que le �tuteur� les veut clo�tr�es entre quatre murs dans leur foyer�. �La femme est ma m�re, ma s�ur. Elle est mon �pouse et elle est ma fille. Elle a des droits, qui lui sont octroy�s par l�Islam. Des droits, comme il n�en existe pas de plus avanc�s dans le monde entier.� �Mais alors, pourquoi a-t-elle �t� livr�e � des m�les enrag�s pour qu�ils la d�chirent ?� Quatri�me exemple : �Le quotidien Okaz a publi� un article intitul� : �Le mariage en attendant le bourreau.� Il raconte l�histoire d�un assassin condamn� � mort et emprisonn� � Ta�f, Audh Al-Harithi, qui a �pous� une fille de 16 ans. Le march� a �t� conclu entre le condamn� et le p�re de la jeune fille, lui-m�me prisonnier et condamn� � mort. L��poux assassin a vers� une dot de 1000 rials pour la jeune fille, encore �l�ve dans l�enseignement moyen. Ce qui est �tonnant, c�est que l�imam officiel, Soltane Bensaad Al- Kouthami, a b�ni le mariage. C�est ainsi qu�apr�s la conclusion de l�acte de mariage, il a demand� � l�administration de la prison qu�un lieu soit r�serv� aux �poux afin qu�ils puissent s�y isoler. Il a �galement demand� que le prisonnier soit autoris� � remplir ses devoirs conjugaux quatre fois par mois.� �La femme est ma m�re, ma s�ur. Elle est mon �pouse et elle est ma fille. Elle a de droits, qui lui sont octroy�s par l�Islam. Des droits, comme il n�en existe pas de plus avanc�s dans le monde entier.� �Mais alors, pourquoi a-t-elle �t� livr�e � des m�les enrag�s pour qu�ils la d�chirent ? � Suivent ainsi d�autres exemples d�in�galit�s criantes dans la soci�t� saoudienne, ponctu�s chacun de la citation du roi Abdallah et de la r�plique de Wadjiha Al- Howeidar (3). La r�plique r�sonne comme un d�menti � la propagande officielle et un d�fi cinglant au souverain saoudien. L�emprise du religieux est telle qu�il s��tend d�sormais aux aspects les plus inattendus de la vie, comme cette fatwa �mise par une cha�ne satellite qui autorise l�abattement des chiens errants. Notre confr�re Khaled Mountassar qui rapporte l�information d�nonce dans Elaph la prolif�ration des �Boutiquat alfatawi �, ces boutiques � fatwas qui font commerce d��dits religieux. �Si je suis poursuivi par un chien errant et enrag�, je dois donc, pendant que je cours pour lui �chapper, solliciter une de ces boutiques pour avoir l�autorisation de le tuer. Au pire, je dois me laisser mordre et me pr�cipiter ensuite vers un h�pital en qu�te d�un vaccin hypoth�tique�, note Khaled Mountassar. Ceux qui sont les plus � bl�mer, ne sont pas les prescripteurs de fatwas, c�est leur gagne pain apr�s tout. Il faut surtout bl�mer les gens qui les sollicitent pour la moindre petite chose. Les Egyptiens sont devenus comme des petits enfants qui demandent la permission � leur nounou avant de faire quoi que ce soit, ajoute notre confr�re qui d�nonce cette hypocrisie maladive dont on ne gu�rit jamais. Et puisque nous sommes au c�ur du sujet, pourrait-on nous gratifier d�une fatwa sur une question que tous mes concitoyens doivent se poser et qui est la suivante : sachant que tout homme ayant �difi� une mosqu�e peut gagner sa place au paradis. Sachant que les Alg�riens esp�rent tous y aller et qu�ils vont payer, de surcro�t, l��rection du plus haut minaret du monde et la mosqu�e qui va avec, irons-nous tous au paradis ?
A. H.
 

(1) Encore qu�il y a des r�serves � faire sur l�usage du singulier dans ce cas pr�cis.
(2) Il s�agit plus pr�cis�ment du d�lit de se retrouver isol�e, en compagnie d�un ou de plusieurs hommes. D�o� le �D�cret Attia�, cette fatwa d�un docteur d�Al-Azhar sur l�allaitement des adultes, qui a sem� un trouble certain dans la communaut�.
(3) Pour ceux qui veulent lire l�article original en arabe, voici l�adresse : http://www.middleeasttransparent. com/article.php3?id_art icle=2497

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