R�gions : BORDJ-BOU-ARR�RIDJ
Viol�e il y a 25 ans, elle brise enfin la loi du silence


Devant Chahrazad Benkhalfallah, pr�sidente de l�association Tataloat de Bordj-Bou-Arr�ridj, une femme �g�e de 38 ans et au visage rid� pr�matur�ment, pronon�ait difficilement le mot viol. Le sac � main serr� sur ses genoux, comme pour cacher sa honte, elle n�arrivait pas � �cracher� ses mots.
Encourag�e par Mme Chahrazed, elle se concentre et parle froidement de mani�re analytique. Elle accepte de raconter ce qui s�est pass� �pour que d�autres femmes viol�es comme elle se rendent compte qu�elles ne sont pas seules�. Mme N. N. avait 13 ans lorsque ses parents avaient divorc�. Elle fut gard�e par son p�re qui s��tait remari� tr�s vite. Ils s�install�rent dans un petit appartement avec la nouvelle femme de son p�re qui avait un fils de 20 ans. Un jour, pendant les vacances d��t�, son p�re et sa belle-m�re s�absent�rent, la laissant seule avec le jeune homme. Pendant la nuit, alors qu�elle dormait sur le divan, le jeune homme se jeta sur elle, la clouant au sol : �si tu crie ou tu fais du bruit, je te jure que je vais te tuer�. Et il abusa d�elle avec une violence bestiale. Depuis, rien. Plus rien. Elle n�en avait parl� ni � son p�re, ni � une autre personne. Les ann�es ont pass� et seul le poids de 25 ann�es de silence, de souffrances et de culpabilit� lui taraudait constamment l�esprit, �j�ai accept� mon sort...� l�che-t-elle la t�te baiss�e. �Accept� ? Pas du tout. Mais on m�a fait comprendre qu�il fallait se taire, ne rien dire�. Pouvait-elle faire autrement, dans une soci�t� o� la femme est consid�r�e comme un gibier pour les hommes ? Un moment de silence, puis elle releva la t�te, fixa Chahrazed et lui lan�a avec vigueur : �Si seulement j�avais su que ce n��tait pas normal de se taire, j�aurais bris� le mur du silence et j�aurais v�cu diff�remment, bien diff�remment�. Le plus difficile, dans une situation de viol, est la prise de pouvoir sur l�autre. La domination, la soumission, l�injustice, l�horreur de l�acte, la douleur physique, mais aussi et surtout �la douleur au cerveau � comme elle le dit. Des ann�es de silence... Terroris�e par un homme qui l�emp�chait de bouger et de respirer, elle n�a pas hurl�. Terroris�e par l�id�e d�affronter une soci�t� domin�e par la gente masculine, elle s�est fig�e dans �accepte�. Vingt-cinq ans apr�s, elle utilise encore cette expression tellement inadapt�e. Des cicatrices � vie, les cons�quences ? : �Tu portes ta vie enti�re, mauvaise estime de soi, doute, mauvaise image de ton corps, sentiment de culpabilit�. Le viol laisse des traces ind�l�biles et d�truit � jamais.� Combien de femmes viol�es comme Mme N. N. se murent-elles dans le silence ? Les cas av�r�s aupr�s des pouvoirs publics ne sont que l�arbre qui cache la for�t. �Dans notre pays, les femmes viol�es sont l�gion. Mais les tabous et le manque de structures sp�cifiques de prise en charge des victimes emp�chent ces femmes de parler. Seul le minist�re de la condition f�minine de Mme Nouara Dja�far, et �pisodiquement, la presse �crite, en avaient fait �cho, ces derniers temps, par l�organisation de forums et de s�minaires, pour stigmatiser ce fl�au social qu�est la violence � l��gard des femmes� nous confie Mme Chahrazed, laquelle a install�, au niveau de l�association Tataloat, une cellule d��coute au profit des femmes victimes de violences.
Layachi Salaheddine

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