Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
Mehri : entre convictions et prudences s�mantiques
Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr


Monsieur Mehri excelle dans la litote, cette subtilit� discursive qui consiste, selon la d�finition des dictionnaires, � dire moins pour faire entendre plus. (1). Moins disert que Hamrouche, avec lequel il partage d�ailleurs les m�mes inqui�tudes, il parvient, gr�ce � quelques formules bien appuy�es, � s�affranchir de la pol�mique sur le bilan d�une magistrature pourtant contestable sans pour autant occulter le sujet br�lant du troisi�me mandat.

Se d�marquant aussi bien des �campagnes de glorification que celle de d�nigrement �, il croit plus utile d�sormais de recadrer le d�bat d�mocratique sur la perception que nous avions jusque-l� de la fonction pr�sidentielle. L�invitation est s�duisante pour autant qu�elle n�int�resse, au premier chef, que les constitutionnalistes et les politologues ayant autorit� dans leur domaine. A ceux-l� il leur sera demand� de r�examiner � la loupe le syst�me du pouvoir en Alg�rie depuis 1962 et indiquer des pistes qui aboutiraient � la refondation de l�Etat. Vaste chantier qui risque cependant d��tre imm�diatement en d�phasage avec l�urgence des �preuves qui attendent cette r�publique. A plus d�un titre, celle-ci est dans l��il du cyclone de la pr�dation constitutionnelle. La machine � briser les derni�res digues de l�alternance est d�j� en marche. La priorit� des priorit�s, quand les mois sont compt�s, ne consiste-t-elle pas � l�emp�cher de livrer le pays � ce fameux �mandat unique� ? Celui qui se d�cline comme la n�gation fonci�re des valeurs r�publicaines. Certes l�ex-secr�taire g�n�ral du FLN (89-93) pose avec lucidit� et sagesse la question de fond mais, nous semble-t-il, il le fait � contretemps ; ou du moins refuse prudemment de l�inscrire dans l�imm�diatet� des pr�occupations. C'est-�-dire quand dans cet �ailleurs�, qu�est le pouvoir, s�organise d�j� l�irr�m�diable. Celui qui, au mieux diff�rera de cinq longues ann�es encore la rupture radicale avec les modes op�ratoires datant de 1962. Il ne pouvait pas ignorer qu�une conviction, m�me lorsqu�elle est largement partag�e, demeure un v�u pieux tant qu�elle n�est pas assortie d�une feuille de route pour contrarier le conservatisme en place. Cet archa�sme que l�on souhaite solder. Sinon il faudra se r�signer par avance � subir la brutalit� du pouvoir surtout quand celui-ci s�estime menac� dans sa survie. M�me affaibli par ses �checs, il poss�de suffisamment de ressources strat�giques pour parvenir � se perp�tuer. Le fait m�me que le pr�sident, arrivant au terme de son double mandat, entretienne le suspense est la preuve qu�il a un plan de bataille pour d�sar�onner l�hostilit� en la figeant dans l�attente interrogative. L� o� l�on croit d�celer chez lui de l�h�sitation n�est en v�rit� qu�un timing bien huil�. Autant supputer qu�il ne se prononcera qu�aux derniers instants en combinant l�annonce et son coup de force constitutionnel. A ces moments-l�, il sera bien vain d��tablir des diagnostics sur le pass� et tirer des plans sur la com�te pour l�avenir. En contraignant de la sorte l�opposition � demeurer � sa remorque, il aura alors de fortes probabilit�s pour parvenir � ses fins. �L�imp�rieuse n�cessit� d�un changement d�mocratique � qui constitue l�axe de l�appel de septembre 2007 sign� par Mehri, A�t Ahmed et Hamrouche, ne doit-elle pas �tre prolong�e par un ultimatum politique qui servirait � faire barrage � l�amendement ? Emp�cher le d�raillement du train institutionnel appara�t en cette ann�e �lectorale comme un pr�alable ind�passable. Et c�est m�me un poncif politique que celui qui conseille plut�t le respect d�une Constitution imparfaite que son viol � la hussarde. Se taire face � un tel forfait qui de toutes les fa�ons aggravera les divisions sociales, devient une complicit� historique. L�on peut comprendre parfaitement les scrupules intellectuels de ceux qui, comme M. Mehri, veuillent d�abord faire un audit du coup d�Etat permanent qui dessina les bases du syst�me alg�rien, mais encore faut-il que ce travail de r�flexion, voire le r�quisitoire qui l�accompagnera ne soient pas en d�calage avec le praxis du combat du moment. Surtout quand ce dernier est mortellement crucial. Puisque sa conviction est clairement �tablie quand il �crit que �la prolongation du mandat du pr�sident sans changement radical du syst�me de pouvoir conduit le pays (�) � une impuissance plus marqu�e (...)� ; l�on se demande pourquoi l�auteur de la d�claration n�appelle-t-il pas � la constitution d�un front du refus de l�alt�ration de la loi fondamentale ? Quand l�agressivit� des opportunistes de service menace les voix discordantes, comme c�est le cas de Belkhadem, le sens de la mesure appara�t alors comme une poltronnerie. La presse qui a rapport� les incantations et les inquisitions d�un chef de gouvernement, moins pr�occup� par l�intendance que par l�aboutissement d�un complot, devrait faire r�fl�chir les plus frileux quand ils tardent � s�inqui�ter. En effet, la mani�re dont cette pi�ce ma�tresse de l��chiquier du r�gime con�oit ses fonctions partisanes et conduit l�attelage de l�ex�cutif est un indice pr�curseur du durcissement qui marquera les mois � venir. Ann�e de tous les dangers, 2008 renouera avec la chasse aux sorci�res. Le conditionnement a d�j� commenc�. Il affectera rapidement la presse et les partis h�sitants. Il r�activera ensuite les r�seaux r�mun�r�s. D�s lors que le slogan pour un 3e mandat est port� par la d�magogie surann�e qui postule � parler �au nom du peuple�, l�on ne peut que craindre que le populisme d�une autre �poque ne serve de nos jours � l��tablissement d�finitif d�un culte de la personnalit� incarn� dans la l�gende surfaite du guide. �L�Alg�rie pens�e en tant que pr�sidence au lieu d��tre per�ue en termes d�Etat�, pour reprendre la formule pertinente de Mehri, sera cette fois encore, autrement dit la fois de trop, le marche-pied des m�mes oligarques. S�opposer � l�accomplissement de cette impensable r�gression rel�ve avant tout du salut r�publicain.
B. H.

Cette d�claration intitul�e �Le troisi�me mandat ou � le mandat habituel ?� a �t� publi�e dans la presse du jeudi 3 janvier 2008 et notamment dans Le Soir d�Alg�rie� (page 5).

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