Chronique du jour : A FONDS PERDUS
Une prudence salutaire
Par Ammar Belhimer
ambelhimer@hotmail.com


Le groupe de travail qui suit le dossier d�accession de notre pays � l�Organisation mondiale du commerce (OMC) qui r�unit 151 Etats, a examin� jeudi 17 janvier 2008 � Gen�ve le projet de rapport r�vis� sur son r�gime commercial ext�rieur et sur l��tat des n�gociations bilat�rales sur l'acc�s au march� pour les biens et services. L'Alg�rie a d�j� tenu 10 rounds de n�gociations depuis le d�but du processus d'adh�sion au cours duquel elle a r�pondu � 213 questions et requ�tes pr�sent�es par les pays membres.
Les 40 pays membres du groupe de travail charg� du dossier se r�unissaient pour la premi�re fois depuis trois ans, du 16 au 18 janvier. �Sur un nombre de 35 pays ayant entam� des discussions avec l'Alg�rie, 31 se sont d�clar�s favorables � une adh�sion rapide de l'Alg�rie � l'OMC�, commente, satisfait, le ministre du commerce, M. Hachemi Dja�boub qui a conduit la d�l�gation alg�rienne � la r�union du groupe de travail. Ces n�gociations sont jug�es �trop longues� (elles ont en effet d�but� en juin 1987) et le pr�sident du groupe de travail, l�ambassadeur uruguayen Valles Galm�s, a diplomatiquement signifi� qu��un travail substantiel �tait encore n�cessaire � accomplir avant que l'Alg�rie ne devienne membre�. Les membres du groupe ont toutefois reconnu les progr�s accomplis par l'Alg�rie dans la r�forme de son r�gime de commerce afin de le rendre totalement compatible avec les r�gles de l'OMC. Ils ont, notamment, rappel� qu�elle a adopt� une nouvelle l�gislation sur les obstacles techniques au commerce (OTC), les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), la propri�t� intellectuelle (TRIPS), les mesures antidumping, les sauvegardes et les mesures compensatoires, les politiques de tarification, l'�valuation en douane, l'importation de produits pharmaceutiques, les importations de boissons alcoolis�es ; et les exportations de b�ufs, de moutons et de palmiers. Un syst�me efficace et adapt� de protection des droits de propri�t� intellectuelle �vite les risques d'utilisation non autoris�e des technologies prot�g�es par la loi. La ratification de l'accord sur les Adpic engagera l'Alg�rie � se doter d'un instrument de lutte contre la contrefa�on, une v�ritable plaie pour l�instant malgr� un dispositif l�gislatif fortement r�pressif pr�voyant des sanctions tr�s lourdes avec un champ d�application large (importation, exportation, vente, mise en circulation, etc.). Dans les faits, la contrefa�on est pratiqu�e au grand jour, en toute impunit�. Il est enfin express�ment attendu de notre pays qu�il poursuive ses r�formes et adopte de nouveaux textes sur les questions suivantes : les entreprises d'Etat, la fixation des prix des hydrocarbures, des droits commerciaux et de la pr�sence commerciale, le r�gime fiscal (TVA et autres taxes sur les consommateurs), les subventions � l'exportation, SPS, les OTC et les Adpic. L'ouverture des services �nerg�tiques � la concurrence internationale soul�ve le probl�me �pineux du double prix de l'�nergie entre le march� int�rieur et l'international. Les prix alg�riens de l'�nergie sont inf�rieurs aux prix internationaux, alors que Sonatrach reste dominante sur le march� des services �nerg�tiques. S�agissant des n�gociations bilat�rales sur l�acc�s au march� des produits et services, elles sont achev�es avec le Br�sil, l'Uruguay, Cuba, le Venezuela et la Suisse. Il reste � conclure les n�gociations avec l�Union europ�enne, le Canada, la Malaisie, la Turquie, la R�publique de Cor�e, l�Equateur, les Etats-Unis, la Norv�ge, l'Australie et le Japon. Quelle appr�ciation portent justement ces pays sur notre r�gime du commerce ext�rieur ? Pour l�Union europ�enne, l�accord d�association est pass� par l� avec sa batterie de programmes Meda pour la mise � niveau des secteurs de l��ducation, la justice, les PME, etc. Ce qui autorise pleinement M. Medelci � solliciter �un soutien plus concret, plus substantiel et plus efficace� de la part de l�UE. �J�apporte mon plein soutien�, avait r�cemment assur� le commissaire europ�en au commerce lors de sa visite de travail � Alger, au d�but de ce mois (4 et 5 f�vrier). Le 11e round final pr�vu pour juin prochain semble alors �tre une simple formalit� pour �sceller les n�gociations bilat�rales�. Les Am�ricains sont, pour leur part, autrement plus r�serv�s. Dans un document du d�partement d�Etat au Commerce, datant de f�vrier 2007, intitul� �A propos de l�adh�sion alg�rienne � l�OMC�, les Etats-Unis soutiennent l�adh�sion de l�Alg�rie � l�OMC tout en �mettant de s�rieuses r�serves sur ses intentions. �Si l�Alg�rie est s�rieuse dans sa d�marche d�adh�sion � l�Organisation mondiale du commerce elle doit d�montrer aux membres (de l�Organisation) qu�elle m�rite leur attention�, souligne le document qui �nonce par ailleurs �quelques conseils et des commentaires concernant les n�gociations bilat�rales et multilat�rales�. D�abord les Alg�riens sont invit�s �� pr�senter la majorit� de (leurs) documents en langue anglaise� pour faire conna�tre les suites r�serv�es aux propositions am�ricaines relatives aux produits industriels, aux technologies de l�information, au commerce des a�ronefs civils, aux �quipements de construction et � l�acier, les services financiers, la distribution, les services dans le domaine de l��nergie et de l�audiovisuel. Comme si la mise aux normes internationales de nos produits a pour corollaire le passage par l�anglais ! En mati�re agricole, sur le plan bilat�ral, le partenaire am�ricain juge qu�Alger n�est pas �en mesure de r�pondre aux offres tarifaires r�vis�es jusqu�� ce que nous puissions d�terminer le niveau des barri�res non tarifaires de l�Alg�rie telles que les lois sanitaires et phytosanitaires et les licences d�importation�. Sur le plan multilat�ral, il est attendu de notre pays qu�il se conforme aux r�gles de l�OMC dans huit secteurs particuliers : la politique de change (elle ob�it pourtant � un r�gime de taux de change multiple sous haute surveillance du FMI) et la lib�ralisation bancaire (effective depuis la loi sur la monnaie et le cr�dit), la politique de privatisation (souffrant de lenteur et d�improvisation), la transparence financi�re et administrative (malade du client�lisme et de l�opacit�), les barri�res non tarifaires et les barri�res techniques au commerce, les licences d�importation, les subventions industrielles, la politique de la fixation des prix, la propri�t� intellectuelle et, encore une fois, les mesures sanitaires et phytosanitaires. Dans l�ensemble, il nous est recommand� de �mettre en place un plan d�action l�gislatif qui �tablirait la date et les fa�ons avec lesquelles les changements seront apport�s � la l�gislation nationale�. Une mani�re de souligner l�absence de tableau de bord dans la conduite de l�action �conomique. De tels retards n�autorisent donc pas, aux yeux de la partie am�ricaine, une nouvelle r�union du groupe de travail, ni encore une autre rencontre multilat�rale. Pour les observateurs les plus critiques, ces remarques confirment la l�g�ret� du dossier d�adh�sion pr�sent� par l�administration alg�rienne � l�OMC et son peu d�empressement � donner suite aux questions qui lui sont pos�es. Une ann�e apr�s la r�ception de ce courrier, elle continue � briller par son silence, donnant au DG de l�OMC, Pascal Lamy, la forte impression que �l�accession � l�OMC n�est pas la priorit� du gouvernement alg�rien �. Un acte souverain qui n�autorise d�ailleurs aucun commentaire. Le gouvernement alg�rien avait bien auparavant laiss� entendre, par la voix de son ministre du Commerce, que �l�Alg�rie n�a aucune contrainte de temps. Nous ne sommes pas press�s d�adh�rer � l�OMC. Nous sommes un pays souverain qui prendra le temps qu�il faudra pour n�gocier au mieux cet accord�. Rien ne presse donc. D�autant que notre pays exporte moins d�un milliard de dollars en hors hydrocarbures, contre des importations croissantes qui se chiffrent d�j� � 22 milliards de dollars. Les partenaires sociaux ont alors raison de craindre que l'accession de l'Alg�rie � l'Organisation mondiale du commerce soit �fatale� pour les entreprises alg�riennes, pour reprendre une expression de M. R�da Hamiani, le pr�sident du Forum des chefs d'entreprises (FCE). �Fatale pour beaucoup d'entreprises alg�riennes qui ne peuvent pas actuellement faire face � la concurrence des soci�t�s �trang�res qui, elles, sont solidement soutenues par leurs Etats et par leurs banques�, pr�cise-t-il. Mais si une telle adh�sion n'est pas �convenablement profitable� dans l�imm�diat, notre pays �ne peut pas, � terme, rester en marge de cette institution qui regroupe quasiment tous les Etats et qui professe un code de bonne conduite pour que les relations entre diff�rents pays se passent au mieux�. Echaud�s par l'accord d'association avec l'Union europ�enne, entr� en vigueur en septembre 2005, qui �n'a pas entra�n� le rush attendu des investissements directs �trangers (IDE) mais profite plut�t � la sph�re commerciale �, les pouvoirs publics constatent impuissants ce que M. Hamiani appelle �une perte de substance, c'est-�-dire une d�sindustrialisation des entreprises qui tournent � 50% � peine de leurs capacit�s et n'adoptent plus que des strat�gies de survie�.
A. B.

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