Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
L'art d'�crire en patrie mar�tre
Par Ahmed Halli
[email protected]


Vous avez tous remarqu�, comme moi, cet �trange avis de condol�ances paru la semaine derni�re dans un journal arabophone avec la photographie de Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah du Liban et d�ailleurs. Il s�agissait, en fait, de compatir � la disparition de Imad Moughnieh, chef lui aussi de la branche militaire du �Parti de Dieu�, tu� le 12 f�vrier � Damas. L�auteur de l�avis, ancien d�put� ou d�put� ancien, exprime � tous les �plor�s, sympathisants du Hezbollah, dont lui-m�me, sa sympathie et sa solidarit� sans faille.
Pr�caution de style judicieuse, parce que les failles dans la solidarit� arabe sont aussi nombreuses que celles ornant le fuselage d�un Mig 29, achet� en contre-remboursement. Par pr�caution aussi, l�auteur se garde bien de montrer une quelconque inclination envers le chiisme. Ce serait imprudent par les temps qui courent, m�me si tout le monde est occup� � faire la chasse aux �vang�listes adventistes. Avec des dirigeants et une opinion versatiles, les chiites pourraient bien �tre la prochaine cible. Il suffirait, pour cela, que l�euphorie du 3e mandat se dissipe devant la funeste perspective de voir les m�mes t�tes hanter nos �crans et nos cauchemars pendant cinq ans encore. Pensez-y : cinq ans, c�est long, ennuyeux et c�est plus long encore avec des mandats � rallonge et des constitutions r�dig�es � l�encre sympathique. Certes, on continuera � vous flatter en vous faisant croire que vous �tes issus d�une nation �lue pour pr�cher le bien et proscrire le mal. Votre vie ici bas vous prouve amplement et quotidiennement qu�il n�en est rien. On vous promet moins de s�cheresse : sachez que toutes les eaux de Taksebt, d�Arzew et du Hamma r�unies ne suffiraient pas � �tancher vos futures soifs de libert�. On vous dira aussi que des Ben Laden viendront vous construire des villes splendides, lorsque les vrais Ben Laden auront d�truit celles que vous avez. En prime, vous aurez toujours les m�mes d�put�s qui salueront le combat du Hezbollah, cr�� non pas pour d�truire Isra�l mais pour d�sint�grer le Liban. Notre annonceur, en l�occurrence, s�est sans doute inspir� de ces deux d�put�s chiites libanais qui ont organis� la semaine derni�re un hommage � Imad Moughnieh. Or, ce dernier �tait consid�r� par les autorit�s kowe�tiennes comme l�auteur principal du d�tournement d�un avion kowe�tien sur l�a�roport chypriote de Larnaca en 1988. Deux passagers kowe�tiens avaient �t� tu�s lors de l�attaque et l�hommage rendu � Moughnieh est consid�r� comme une injure aux familles des victimes. Les dirigeants du Kowe�t soup�onnent fortement l�existence d�une branche du Hezbollah dans le pays qu�ils appellent le Hezbollah-Kowe�t. Cette cellule ne serait pas �trang�re � l�initiative d�organiser un rassemblement � la m�moire de Moughnieh. Quant � la presse, elle se fait l��cho des r�actions de protestation locales. Nous voulons de ces d�put�s �des preuves de loyaut� envers le Kowe�t au lieu de faire all�geance au Hezbollah�, �crit Al-Watan, en r�ponse � l�un d�eux qui exige des preuves de l'implication de Moughnieh dans des actes terroristes contre le Kowe�t. Dieu merci, nous n�avons, en ce qui nous concerne, aucune preuve de l�implication du Hezbollah dans les attentats islamistes mais il n�est pas interdit d��mettre des soup�ons. Tenir en suspicion des groupes ou des courants qui lancent des fetwas de mort � tous les vents fait partie du devoir de pr�servation. C�est un r�flexe d�autod�fense qui peut �tre souvent provoqu�, voire stimul� par l�apathie des autorit�s officielles ou leur propension � regarder ailleurs. Je veux bien croire � la raison d�Etat pour autant qu�elle ne sert pas � faire passer les lubies ou les folles ambitions de ceux qui s�en r�clament. Pour fuir la raison d�Etat et la soif de pouvoir, Oussama Gharib, journaliste �gyptien, s�est d�abord exil� au Canada. Au bout de cinq ans, il s�est aper�u que la libert� et le bonheur ne s�emportent pas souvent dans les valises. Il est donc revenu � son Egypte natale et s�est engag� comme chroniqueur au journal ind�pendant Al Misri al youm. Il vient de publier la somme de ses �crits dans un recueil intitul� : L�Egypte n�est pas ma m�re, c�est juste ma mar�tre. Sans avoir lu le livre qui vient juste de para�tre, j�ai sursaut� � la lecture du titre et j�ai cri� au g�nie. Pour conna�tre plus mortellement patriote que soi, il faut aller sur les bords du Nil. L�amour des Egyptiens pour cette �troite et chiche bande de terre qui leur sert de gal�re est quelque chose d�inimaginable. Le jour o� ils saisiront la dimension de cet attachement au pays, nos �crivains produiront des chefs-d��uvre immortels. En attendant, Oussama Gharib qui a fui la m�re patrie pour revenir dans le giron de la patrie mar�tre, nous montre la voie. Il ne pr�tend pas acc�der au panth�on de la litt�rature universelle mais il �crit, comme il voit les choses et comme il les sent. Sous la signature d�un de ses coll�gues du journal, on d�couvre les quelques textes, dont �L�holocauste� que Oussama Gharib a �crits avec des larmes dans les yeux, comme il le dit. Il ne fait pas r�f�rence aux pogroms juifs sous le nazisme mais � l�holocauste quotidien que subit le peuple d�Egypte. �La lecture de certains textes de Gharib suscite de l��motion et du chagrin tant ils distillent la souffrance et le malheur�, note ce confr�re. Mais il s�empresse de citer d�autres �crits qui m�langent l�humour acerbe et la d�rision comme �Les amis couci-cou�a�. Dans cette chronique, il raconte la perte de ses amis et la disparition de l�amiti� sous les coups de boutoir des avidit�s et de la d�tresse morale et sociale. Quoi qu�il en soit, le titre du recueil � lui seul devrait lui valoir un franc succ�s, contrairement � la pauvre Besnat Rashed qui s�est retrouv�e dans la posture d�un Salman Rushdie, au f�minin, sans avoir eu son audace. Sa m�saventure m�rite d��tre cont�e, parce qu�il y va de sa carri�re et peut-�tre de sa vie. En janvier dernier, Besnat Rashed expose au Salon du livre du Caire son livre r�cent consacr� � la vie priv�e du Proph�te de l�Islam sous le titre : L�amour et le sexe dans la vie du Proph�te. L��uvre est pratiquement pass�e inaper�ue du grand public et des m�dias mais la machine � broyer islamiste s��tait mise en marche. Le 15 f�vrier denier, un ar�opage de th�ologiens appoint�s est mobilis� par la cha�ne int�griste Al-Hikma. Les inquisiteurs lancent une fetwa de mort contre Besnat, pr�cisant qu�elle doit �tre tu�e m�me si elle se repent. Quelques jours plus tard, un barbu se pr�sente � son domicile � Alexandrie et adresse des menaces � peine voil�es � son mari. Entre-temps, un d�put� islamiste a interpell� le gouvernement sur la fa�on dont ce livre a �t� �dit� en Egypte. Craignant pour sa vie, Besnat Rashed a quitt� son domicile et elle a adress� aux m�dias une longue lettre expliquant sa d�marche. Elle explique que son �uvre est une contribution scientifique � la compr�hension des probl�mes du sexe en Islam. Elle se base d�ailleurs sur des Hadiths authentiques et des t�moignages. Elle voulait d�montrer que le Proph�te avait une vie sentimentale et sexuelle normale. Il n��tait pas obnubil� par les femmes comme tendent � le pr�senter certains th�ologiens repris par l�imagerie occidentale. Peine perdue : la campagne persiste encore. Le malheur de Besnat, c�est qu�elle est femme et que son livre a �t� �crit en arabe. Les th�ologiens barbus ont le droit de disserter � perte de sens sur le sexe et ses pratiques mais le sujet reste interdit aux femmes. Sauf � en �tre l�objet ou le partenaire � la rigueur.
A. H.



Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/02/25/article.php?sid=64970&cid=8