Culture : PARIS DE MES EXILS Rina Sherman interroge les silences coupables De notre bureau de Paris Khadidja Baba-Ahmed
Elle vient de pr�senter � Paris son film Paris de mes exils qui parle
de ses exils pluriels et o� elle �voque la boucle qui l�a men�e de
l�Afrique du Sud, son pays d�origine, � Paris en 1984, puis en Namibie
pendant sept ans, puis retour tourment� � Paris, apr�s la mort quasi
simultan�e, de trois de ses plus grands amis : la mort accidentelle au
Niger, en f�vrier 2004, de son ancien prof , l�ethnologue et cin�aste
Jean Rouch, celle du chef d�Etanga, qu�elle consid�re comme �le p�re de
sa vie�, et celle de son compagnon, le journaliste Didier Contant, qui
la conduira � contre-enqu�ter � Paris comme en Alg�rie, pour tenter de
savoir pourquoi Didier a subi cette terrible campagne lanc�e par les
tenants du �qui-tue-qui ?� et qui a pouss� le journaliste au suicide..
Des exils pour une recherche de libert� mais surtout des exils pour une
qu�te, celle de vouloir comprendre. Beaucoup de questions et peu de
r�ponses. Paris qu�elle red�couvre et qui la plonge dans la tourmente de
toutes ces morts. Aucune certitude chez Rina Sherman, mais une vie
perturb�e par toutes ces morts, un deuil tr�s douloureux et un constat :
�J��tais ni tout � fait europ�enne ni tout � fait africaine, en fait
j��tais afro-europ�enne � ou encore cet autre constat : �Je vivrai
d�sormais avec les morts�, car, explique-t-elle, �j�ai adopt�, malgr�
moi, la culture de la mort� peut-�tre parce que �ceux qui sont morts ne
sont jamais partis�. Tout au long du documentaire, par �-coups
successifs, elle fait des incursions en Afrique du Sud o� la vie n�est
plus celle qu�elle a connue avant son exil et o� sa cam�ra s�attarde sur
plusieurs s�quences d�enfants blancs et noirs m�l�s dans des baignades
communes jamais imagin�es alors, en Namibie o� on la voit totalement
fondue avec les Ovahimba ou , en Alg�rie, � Tibhirine, d�o� Contant
avait lanc� son enqu�te sur l�assassinat des moines de cette
congr�gation. �Didier aimait la vie, il n�a pas pu se suicider�, lui dit
Maya, une jeune fille qui a connu le journaliste, qui avait s�journ�
chez elle. Incursion encore par le rappel, comme une litanie, des tr�s
nombreux titres de la presse alg�rienne qui, en manchettes, titraient
�Une nouvelle victime de l�assassinat des moines de Tibhirine� en
�voquant la mort suspecte de Didier Contant, ou encore en unes des
journaux les massacres et les bilans macabres des victimes alg�riennes.
Retours fr�quents aussi sur Paris, et ce retour de l�auteur apr�s la
mort de son compagnon, et le d�but de la contre-enqu�te. Face � ses
interrogations et aux questions pos�es � tous ceux cens�es l��clairer
sur �ce suicide�, elle explique : �Nombreuses ont �t� les fins de
non-recevoir, nous dit-elle. Chacun se donne des raisons pour garder le
silence�, un silence qui ressemble, sugg�re la cin�aste-t�moin, � toutes
ses tentatives �pour faire taire les �radicateurs�. R�-incursion dans le
Paris du d�but de son exil (1984) o� elle allait, heureuse, en compagnie
de ses amis �voir un film � Chaillot�. �C�est fini tout �a, nous dit
Rina Sherman, et c�est infiniment triste.� Et d�ajouter par ailleurs :
�J�avais l�impression que je n�avais plus d�amis. Les morts les ont fait
fuir.� Aucune r�signation cependant dans ce film tr�s perturbant,
simplement parce qu�il met � nu une �me en tourmente, l��me d�une femme
qui vit jusqu�aux extr�mes sa soif de savoir et surtout celle de tenter
de comprendre.
K. B.-A.
Film Paris de mes exils de Rina Sherman, 2008.
La cin�aste a �crit en 2007 Le huiti�me mort de Tibhirine et l�a �dit�
simultan�ment en France aux �ditions Tatamis et en Alg�rie par Le Soir
d�Alg�rie. Editions Lazhari Labter.
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