Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
La phobie de la lettre �T�


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com
Chapeau, ou ch�chia, au fr�re Khaddafi ! De pestif�r� � fr�quentable de pr�s, de �wanted dead or alive�, comme dans les westerns, � l'alli� strat�gique, il a suivi un itin�raire singulier.
En moins de deux ans, celui qui �tait l'incarnation du terrorisme d'Etat s'est m�tamorphos�. Avec quelques centaines de victimes � son actif, le r�gime libyen a fait sa repentance aux yeux de l'opinion occidentale. Il a pay� le prix du sang et a b�n�fici� en retour de l'indulgence pl�ni�re des grandes puissances et d'un casier judiciaire virginal. Certes, on veut encore croire que le crime ne paie pas mais il est �vident maintenant que crime s'efface contre paiement. Les Etats- Unis, qui ont bombard� le fr�re Ma�mar, l'ont plac� sur toutes les listes noires possibles, lui d�couvrent aujourd'hui des vertus cach�es connues du seul dieu dollar. C'est quand m�me rageant de se voir supplant�s par le potentat libyen dans le c�ur des Am�ricains. Nous avons pourtant tout fait pour leur plaire mais en fin de compte, c'est le mouton noir d'hier qui fait chavirer le c�ur, r�put� endurci, de Condoleezza Rice. Car, il ne faut pas s'y tromper, le but principal du voyage de la secr�taire d'Etat US, c'est Tripoli. Condoleezza Rice a fait le d�placement uniquement pour Khaddafi, et c'est par pure politesse qu'elle a fait quelques arr�ts chez les voisins. Inutile de froisser les susceptibilit�s locales en br�lant quelques �tapes maghr�bines alors qu'on peut facilement �viter des blessures d'amour-propre. Ce n'est pas le genre de la maison de flatter les encolures mais l'amie Condoleezza sait fort bien qu'il suffit de quelques propos flatteurs pour calmer nos appr�hensions. De plus, nous traversons une p�riode faste avec cette victoire inesp�r�e, en football, sur le S�n�gal. Mais une fois l'euphorie retomb�e, il nous restera toujours cette certitude : c'est Khaddafi qui gagne. A lui les marrons et � nous les ch�taignes ! Et avec �a, jamais rassasi� le fr�re Khaddafi, et toujours avide de reconnaissance et de marques d'amiti�. En moins d'une semaine, il a pulv�ris� tous les records au tableau des performances diplomatiques internationales. Hier, c'�tait Condoleezza Rice qui posait le pied, qu'elle a petit et charmant, dit-on, sur le tarmac de l'a�roport de Tripoli. La veille, c'est la justice suisse qui renonce � poursuivre le gosse de riche, Hannibal, pour coups et blessures. Et enfin, le succ�s historique obtenu face � l'Italie : Rome fait des excuses officielles � la Libye pour les crimes commis durant l'occupation italienne. Ajoutez en prime des indemnit�s financi�res cons�quentes qui vont r�jouir les Libyens et gonfler les avoirs de leurs dirigeants. Tout ceci, mine de rien, comme diraient les sp�cialistes en explosifs. C'est � vous d�courager d'�tre pacifique et respectueux de la l�galit� internationale. Voir autant le pr�sident libyen tirer autant de dividendes de ses actes en si peu de temps, �a devrait pouvoir inspirer. Pour une fois, l'Alg�rie pourrait faire preuve d'opportunisme et exploiter la br�che ouverte par Berlusconi pour reposer la question des excuses � la France. On ne risque pas grand-chose � essayer, sans compter, qu'une nouvelle pol�mique serait un excellent d�rivatif pour ce ramadan morose. Dans le concert de louanges qui a accueilli la �repentance sonnante et tr�buchante � de l'Italie, j'ai relev� le b�mol de l'�crivaine libanaise Marwa Kreidieh dans le magazine Elaph. Elle salue l'initiative italienne qui est � inscrire au dictionnaire du bon usage diplomatique mais elle �met quelques objections. �Qu'est-ce qu'on aura apr�s les excuses italiennes � la Libye ?�, s'interroge-t-elle. �Est-ce que la Libye se fera des excuses � elle-m�me ? Le r�gime s'excusera-t-il pour ses fautes ? Qu'est-ce qui nous emp�che, dit-elle, de nous excuser et de reconna�tre les torts faits aux autres sans attendre, pour cela, de subir des pressions �trang�res ou internes ? Quand les dirigeants arabes s'excuseront-ils aupr�s de leurs peuples et se repentiront-ils des crimes et des massacres qu'ils ont commis contre les leurs ? Quand est-ce que la Syrie pr�sentera des excuses au Liban pour les douleurs et les chagrins qu'elle y a provoqu�s ? Quand estce que l'Irak s'excusera officiellement aupr�s du Kowe�t ? Quand ferons-nous des excuses � l'Espagne ? Et pourquoi regardons-nous nos invasions comme des �ouvertures� alors que nous consid�rons ceux qui nous envahissent comme des occupants ?� En voil� des questions � poser en plein ramadan alors que les fid�les croulent d�j� sous le poids des fatwas qui pleuvent de toutes parts, au point qu'ils ne savent plus o� donner de la t�te et du reste. J'ai d�j� eu l'occasion de noter � quel point nous �tions d'ind�crottables imitateurs de tout ce qui vient de l'Orient, et surtout du pire. En ce d�but de ramadan, c'est un pseudocheikh marocain qui s'est empar� du t�moin y�m�nite et qui risque d'�tre condamn� pour incitation � la p�dophilie. Comme l'ont fait ses ma�tres y�m�nites, Mohamed Ben Abderrahmane Al-Maghraoui a commis un �dit autorisant les m�les � �pouser des fillettes de neuf ans. Alors que l'Arabie saoudite envisage de p�naliser ce genre de mariages, ce �th�ologien�, consid�r� comme une des t�tes pensantes du fondamentalisme wahhabite au Maroc, pousse l'outrecuidance encore plus loin. �Nous savons par ou�-dire et par exp�rience que certaines filles de neuf ans ont les m�mes aptitudes (sexuelles) au mariage que des jeunes filles de vingt ans.� Un avocat marocain s'est saisi de l'affaire et a intent� un proc�s � l'imam pour incitation � d�tournement de mineure. On est loin des �lucubrations douces am�res de cet �imam� alg�rien, �le cheikh Abou Abdel Mo'�z Mohamed Ali Ben Bouzid Ben Ali Ferkous� (ouf !), suivi de la mention �que Dieu le prot�ge �. Selon un journaliste d' Al- Khabar Hebdo, qui a consult� son blog sur Internet (http://www.ferkous.com/rep/R amadhan2.php?page=ramadhan- tahani), Ferkous a lanc� plusieurs mandats d'arr�t. Il a donc d�cr�t� que la zalabia �tait �haram� ainsi que la fameuse tamina, l'esp�ce de mixture en b�ton arm� qu'on offre � l'occasion d'une naissance. Plus fort encore, notre imam affirme que la construction illicite est �licite�, du point de vue religieux, en cas de n�cessit� imp�rieuse. Sur ce m�me registre, l'�crivain �gyptien exil� aux Etats- Unis Sammy Al-Buha�ri nous propose une r�flexion sur le soin apport� par les fondamentalistes � se choisir des identit�s tr�s longues, du genre cit� plus haut, ou des noms de guerre, du genre Abou� Ce qui l'�tonne le plus, c'est la capacit� de ces pr�cheurs � convaincre des jeunes de se suicider. �Je ne comprends pas, dit-il, comment ces gens arrivent � persuader des adolescents de mourir alors que j'ai un mal fou � convaincre ma fille de travailler en classe pour assurer son avenir.� Sammy Al- Buha�ri raconte � ce propos qu'il avait pos� � sa fille, alors �g�e de neuf ans, la question suivante : quelle est la lettre de l'alphabet anglais que tu d�testes le plus ? La fillette r�pondit �aucune�, mais ayant pos� la m�me question � une de ses camarades de classe, celle-ci affirma qu'elle d�testait la lettre �T�. �Parce qu'elle ressemble � une croix�, argumenta la fillette. �Cette fillette, dont nous fr�quentions les parents, vivait en Am�rique chr�tienne, elle allait � l'�cole coranique les week-ends. Je suppose que c'est dans cette �cole qu'on lui a inculqu� la haine de la lettre T�, note l'�crivain, avant d'ajouter : �Si cette fillette d�teste la lettre T � ce point, il n'est pas �tonnant alors que des adolescents soumis � une telle pollution de l'esprit se transforment en bombes mobiles.�
A. H.

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