Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
FFS : AN 45 OU L�EMPREINTE D�UN PATRIARCHE
Par Boubakeur Hamidechi [email protected]


�La r�sistance du peuple alg�rien au coup de force constitutionnel a accul� le r�gime � d�couvrir son v�ritable visage. Les tenants du pouvoir ont recouru aux m�thodes coloniales de corruption (�) afin de b�illonner et de truquer la volont� populaire� (fin de citation). Que le lecteur distrait ne se fasse pas du souci quant � sa dissipation ramadanesque. Quoique �vocatrice des menaces qui p�sent actuellement sur le pays, la d�claration en question ne se trouve dans un aucun journal de la semaine et n�a pas pour auteur l�un, parmi les hommes politiques, qui de nos jours administrent notre avenir. Vieille de 45 ann�es, cette d�claration est l�acte de naissance du FFS. Deux phrases liminaires d�un r�quisitoire sans concession et qui, de nos jours, n�a pas pris une seule ride. Un certain 29 septembre 1963, A�t Ahmed d�cidait de le rendre public et d�entrer en r�sistance au nom de l�id�al d�mocratique. Lui, dont le militantisme, au sein du mouvement national, �tait incontestable aupr�s de ses pairs, renouera alors avec l�infamie des proc�s et de la prison. Arr�t� le 17 octobre 1964, il sera condamn� � mort par une certaine �cour criminelle r�volutionnaire� le 17 avril 1965 vite commu� en perp�tuit� le 12 avril.

Lui qui ne retrouva la libert� qu�en mai 1966 et l�exil qui est son lot, deviendra, au fil des avatars du r�gime, la cible de campagnes orchestr�es. Il conna�tra alors la bassesse des attaques ad hominem et les insupportables soup�ons de sectarisme. Epreuves inou�es pour le discr�diter mais qui, finalement, fourniront aux r�seaux clandestins de son parti et � lui-m�me les bons ressorts pour survivre et ne pas tomber dans l�oubli. Pionnier de l�opposition, telle que ce pays souhaite qu�elle se manifeste et agisse de nos jours, le FFS peut se pr�valoir d��tre le contemporain d�un Etat dans les limbes. La crise de l��t� 62 qui torpilla la transition, alors incarn�e par le GPRA en imposant le premier sc�nario du putschisme � l�alg�rienne, contraignit de nombreuses personnalit�s � se d�marquer de la d�rive autoritaire en marche. Face au travail de verrouillage de la premi�re Assembl�e d�lib�rante, les Boudiaf, Ferhat Abbas et A�t Ahmed n�eurent d�autre choix que d�entrer en dissidence ou battre en retraite. A�t Ahmed, lui, choisira � la fois la tribune pour d�noncer et la d�mission pour �tre cons�quent avec ses convictions. Et c�est � lui que l�on doit la plus vigoureuse des philippiques adress�e � cette constituante h�sitante et pr�te � la servilit�. En ce mois de d�cembre 1962, Ben Bella n��tait pas encore pr�sident de la R�publique au moment o�, par la menace et les promesses, il voulait se tailler une constituante � sa mesure et selon ses vagues credo id�ologiques. Man�uvres sordides qui firent dire ceci � A�t Ahmed : � (�) Parions sur la d�mocratie, comme valeur et m�thode � la fois, comme but doctrinal et moyen politique. Il ne faut pas entendre qu�il s�agit l� d�une simple question d�orgueil national, d�un messianisme d�exhibition, d�une sp�culation philosophique abstraite. Non ! C�est une option (�) de raison. En tant qu�exp�rience d�mocratique, notre r�volution r�pond � nos valeurs collectives et de dignit� individuelle, � notre pass� et � nos traditions de lutte (�)� Etayant par un exemple concret son refus de l�unanimisme st�rilisant, il fustigera dans le m�me discours le complot qui allait faire du Parti communiste la premi�re victime. �(�) Un parti fort et organis� qui jouit de la confiance du peuple n�a nul besoin de dissoudre un autre parti comme le PCA. Il me semble au contraire, conclura-t-il, qu�il serait bon que ce parti puisse se maintenir car il jouerait le r�le de stimulant (�). Je pense enfin que la pr��minence du parti FLN n�entra�ne pas n�cessairement l�unicit� (�).� Irrigu� par une telle somme de principes intangibles et que, ni le temps historique est parvenu � d�mentir, ni les p�rip�ties politiques du pays � rouiller, le FFS a finalement travers� la p�riode de glaciation dictatoriale sans grands dommages. Certains sp�cialistes �criront m�me qu�il s�est grandement bonifi� gr�ce au sens de la communication de son leader. A l�inverse du PRS de feu Boudiaf qui s�est auto-dissous apr�s la disparition de Boumediene, ce front a plut�t trouv� mati�re, � partir de sa clandestinit�, pour actualiser (avec une grande justesse dans l�argument) son proc�s de l�arbitraire politique qui r�gne dans le pays. D�crivant la succession ferm�e, A�t Ahmed ironisa sur les cons�quences en d�clarant que �la disparition de Boumediene a, dans les faits, plus profit� que nui au r�gime�. Pr�cisant au passage que �l�arm�e a tout naturellement d�sign� un des siens pour succ�der � un des siens�, avec simplement une petite nuance dans le �changement du centre de gravit� du pouvoir� profitable alors au clan de l�est au d�triment du clan d�Oujda, dont le postulant en 1979 �tait Bouteflika. Plus pr�s de nous, le 5 octobre 88 n�a pas sembl� prendre de court ses �valuations. Car � chaud, le FFS posa, d�s le 24 octobre, la bonne question � propos du train des r�formes annonc�es par Chadli. � �S�agit-il d�un bluff d�mocratique destin�, en ravalant la fa�ade, � donner au pouvoir un semblant de l�gitimit� � l�image de la kermesse colossale organis�e en 1976 autour de la Charte nationale ? Qui peut croire que des centaines de compatriotes ont �t� sacrifi�s d�lib�r�ment pour que le chef de l�Etat puisse proc�der � son profit � un simple r��quilibrage des appareils, � un changement de personnes ��(1) Le voil� donc ce magistral scepticisme positif dont ce patriarche politique ne s�est jamais d�parti jusqu'� devenir exemplaire et r�f�rentiel aupr�s des analystes les plus pointus, m�me lorsqu�ils ne se revendiquent pas de son radicalisme �obtus�, selon leur reproche. Parmi les �spin-doctors� qui n�ont pas h�site � mettre en perspective (prospective ?) le r�le de ce FFS, nous citerons le colonel Chafik Mesbah qui �crivait pr�cis�ment ceci, il y a dix ans de cela : �Si je peux me pr�valoir cependant de quelques capacit�s d�anticipation politique, ce serait pour faire part de la forte probabilit� que le courant dit �d�mocratique� finira fatalement par �tre domin� par le FFS, parti dont je salue la qualit� de l�ancrage social et la constance du programme, m�me si celui-ci m�inspire des r�serves.� (2). Mais en 2008, comment se porte et se comporte encore ce parti hors normes, exclusivement model� par un personnage �galement d�exception mais qui frappe aujourd�hui � la porte du grand �ge ? De l�avoir port� � bout de bras 45 ans durant et de l�avoir prot�g� en toutes circonstances des d�viations majeures, n�a-t-il pas fini par s�entourer de disciples sans originalit� personnelle ? Et c�est un peu de cela qu�il s�agit dans les sph�res de ce �front�. Comment survivre � la nostalgie du za�m sans avoir l�air de trahir son enseignement mais �galement sans l�imiter comme un perroquet ! Vaste probl�me que celui de vouloir prolonger un combat avec une culture politique r�nov�e et des valeurs �maison� anciennes.
B. H.

(1)- Toutes les citations cit�es dans cet article sont extraites de la documentation du FFS
(2)- La citation est extraite d�un droit de r�ponse de Mohamed Chafik Mesbah � la suite d�un article critique publi�e par l�hebdomadaire Libre Alg�rie : num�ro du 7au 20 d�cembre 1998.





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http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/09/27/article.php?sid=73805&cid=8