Chronique du jour : A FONDS PERDUS
Rendez-vous au mieux en 2011
Par Ammar Belhimer
ambelhimer@hotmail.com


A l�instar de beaucoup d�autres pays exportateurs de p�trole, notamment arabes, notre pays a les yeux riv�s sur les cours p�troliers. Leur baisse depuis l'�t� 2008 �quivaudrait � un plan de relance de 2 000 milliards de dollars au niveau mondial, auquel l'Opep participerait � hauteur de 800 milliards et rien ne semble pouvoir arr�ter cette �h�morragie� : la r�cession qui frappe les pays d�velopp�s consommateurs et la d�prime qui affecte les pays �mergents incitent � se contenter d'un baril de p�trole entre 40 et 50 dollars en 2009, selon les experts.

Un niveau insupportable. Qu�est-ce qui peut relancer la demande, et par cons�quent les cours p�troliers ? A quels horizons probables ? Ces questions taraudent tous nos d�cideurs. Quelles r�ponses leur sont donn�es aujourd�hui ? Un r�cent ouvrage collectif assez exhaustif du Cercle des �conomistes fran�ais (*) dresse le cadre th�orique de travail idoine pour traiter la question en r�instaurant le d�bat : la crise actuelle s�apparente-t-elle � une turbulence ou � une mutation ? Les mots ont leur sens et �le temps qui passe n'a qu'un seul avantage : il corrige les injustices. Enfin, si l'on se donne la peine de murmurer � l'oreille de l'Histoire les mots qu'il faut�, �crit Fran�ois Bosnel dans le dernier num�ro de Lire. Dire que la crise des subprimes rel�ve de la turbulence projetterait une sortie de crise possible en 2010, avec un retour progressif � la croissance � mesure que les actifs toxiques des banques seront �limin�s aux frais des contribuables. Dire que la crise traduit une mutation, c�est reconna�tre par contre que son traitement �suppose de v�ritables changements structurels au-del� de simples politiques conjoncturelles m�me massives (les plans de relance)�, �crit Jean- Herv� Lorenzi, le pr�sident du Cercle. M. de Lorenzi trouve m�me que �le risque de voir la r�cession se transformer en d�pression cumulative est grand�. Si cette hypoth�se pessimiste est retenue, elle requiert des plans de relance autrement plus consistants, allant �jusqu'� 10 % du PIB�, des normes et des institutions pour la r�gulation et le contr�le des mouvements de capitaux, la promotion des nouvelles technologies, l�innovation et de la croissance verte. Comme s�il diagnostiquait deux maux possibles, le Cercle refuse de trancher en consid�rant l�exercice de qualification comme �tant d�essence politique. En tout �tat de cause, au regard des moyens mobilis�s � 6000 milliards de dollars � les leaders des 20 plus grands pays semblent avoir pris option pour la mutation. Le second courant, d�ob�dience n�o-keyn�sienne ou marxiste, est pr�dominant au sein du Cercle et dans l�Hexagone. Une trame commune est dessin�e par les �conomistes fran�ais qui d�passent la th�se classique de l��rosion des classes moyennes comme la pire des catastrophes (elle plombe la demande et ralentit la relance) pour mettre l�accent sur la question des jeunes. L�id�e est simple : l�ancien et n�anmoins toujours actuel syst�me en crise ��tait taill� sur mesure pour les seniors� avec un acc�s croissant � la propri�t� et de fortes hausses de l'immobilier (les baby-boomers poss�dent leur maison), l�exigence de forts rendements (pour les retraites) et �hausse des dividendes au d�triment des salari�s�. M�me s�il est g�n�ralement situ� dans le m�me courant de pens�e que la majorit� des membres du Cercle des �conomistes, Paul Krugman, le dernier prix Nobel d��conomie (2008), semble opter pour la premi�re hypoth�se, celle de la turbulence, avec un retour � a normale � partir de la mi- 2010 (**). Cette perspective, plut�t optimiste, se fonde sur l�exp�rience des deux derni�res r�cessions US de 1990 et de 2001. Nous vivons en quelque sorte dans un monde de �bulles� qui �clatent aussi vite qu�elles apparaissent (comme c�est le cas dans l�informatique ou l�immobilier). Peu convaincu par l�efficacit� du �stimulus�, le paquet fiscal version Bush, il plaide pour une relance par l�investissement public et les d�penses d�aide sociale. En tout cas Krugman se montre plus serein que la plupart des �conomistes fran�ais. Il semble m�me d�dramatiser la situation. Dans une chronique, mise en ligne le 8 f�vrier dernier, il doutait encore de la gravit� de la situation : �Il n�est toujours pas certain que nous soyons en r�cession, mais cette probabilit� augmente�, �crit-il en pr�cisant en note de bas de page qu�une r�cession �conomique est une diminution du niveau de la production : �De fa�on plus formelle, on d�finit une r�cession par une diminution constat�e du PIB pendant deux trimestres cons�cutifs. � Son appr�ciation est la suivante : �Les probl�mes auxquels fait face l��conomie am�ricaine sont semblables � ceux qui avaient provoqu� les deux derni�res r�cessions. Mais cette fois-ci, ils sont combin�s. �D�un c�t�, l��clatement de la bulle immobili�re joue le m�me r�le que celui tenu par l��clatement de la bulle Internet en 2001. De l�autre, la crise des subprimes provoque un �cr�dit crunch� rappelant celui intervenu apr�s la crise des Caisses d��pargne � la fin des ann�es 1980, qui avait entra�n� la r�cession de 1990�. �Vous pouvez avoir entendu dire que ces r�cessions ont �t� courtes. Et il est vrai, qu�officiellement, ces deux derni�res r�cessions ont pris fin apr�s seulement 8 mois.� Constatant qu�aux USA, c�est le National Bureau of Economic Research qui d�termine officiellement les dates de d�but et de fin des p�riodes de r�cession, il estime qu�elles �sont profond�ment trompeuses, tout au moins en ce qui concerne les cons�quences que chacun ressent.� �Dans la mesure o� les probl�mes actuels de l��conomie am�ricaine ressemblent � une combinaison de 1990 et 2001, le profil de cet �pisode sera probablement semblable � celui de ces pr�c�dents.� N�anmoins, �la caract�ristique de double-bulle des probl�mes sous-jacents � une bulle du cr�dit et une bulle immobili�re r�unies � sugg�re qu�elle pourrait bien �tre pire que les crises de 1990 et 2001�. Que pourrions-nous faire pour limiter les dommages subis ? s�interroge Krugman. Jusqu�au d�part de George Bush, les n�oconservateurs se sont appliqu�s � bloquer les mesures sociales comme l�augmentation de la dur�e des allocations- ch�mage et de la distribution des tickets d�alimentation �qui sont vraisemblablement plus efficaces�, souligne Krugman. Aux USA, les familles d�favoris�es re�oivent des subsides sous la forme de coupons ou de cartes de paiement utilisables en r�glement de l�alimentation ou des m�dicaments. En 2004, ce programme concernait 10 millions de foyers, soit 24 millions de personnes. Krugman estime naturellement �bienvenu de r�fl�chir � la possibilit� d�aller au-del� des baisses et des cr�dits d�imp�ts, et de stimuler l��conomie par des investissements publics, si n�cessaires, par exemple pour restaurer les infrastructures du pays, tr�s d�grad�es�. �L�accusation habituelle contre les relances �conomiques par le biais des d�penses publiques, c�est que cela prend trop longtemps pour �tre mis en �uvre, que cela d�marre alors que la r�cession est d�j� termin�e. Mais s�il appara�t que cette r�cession dure, ce qui semble vraisemblable, ce n�est pas un probl�me �. Les �conomies insignifiantes, d�pendantes ou p�riph�riques, comme la n�tre, patienteront davantage en fonction de leur int�gration dans la division internationale du travail ; elles doivent atteindre le retour d��coute, l�arriv�e de la vague ou de l�onde de relance. Au mieux, six mois plus tard. Le temps que les nouvelles commandes de p�trole et de gaz arrivent.
A. B.

(*) �Fin de monde ou sortie de crise�, le Cercle des �conomistes, sous la direction de Jean-Herv� Lorenzi et Pierre Dock�s.Perrin.
(**) Paul Krugman, New York Times , 8 f�vrier 2008.

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