Chronique du jour : KIOSQUE ARABE C'est pour le 21 d�cembre 2012 ! Par Ahmed Halli [email protected]
Lorsque nous �tions petits et na�fs, nos a�n�s nous faisaient peur
avec des histoires de fin du monde. On nous annon�ait que la disparition
de l'humanit� ne viendrait pas du ciel, comme � l'�poque de No�, mais du
centre de la terre. Les mythiques habitants des mondes souterrains, le
�Peuple de Tedjal�, creusaient fr�n�tiquement chaque jour pour sortir �
l'air libre. Le jour o� ces envahisseurs atteindraient la surface, ils
extermineraient tous les hommes. Seulement, selon nos grands-m�res qui
racontaient cette version de l'apocalypse, un seul obstacle les
emp�chait de r�ussir. Chaque jour, ils remuaient la terre avec cette
promesse triomphaliste : �Demain, nous sortirons !� Ils oubliaient
simplement d'ajouter �Inch�Allah�, car ces fl�aux de Dieu connaissaient
la formule, ce qui assurait un r�pit aux musulmans du �dehors�. Le jour
o� l'un de ces exterminateurs s'aviserait de dire �Inch�Allah, ce serait
l'ultime coup de pioche et le dernier jour de vie sur terre. En
attendant, gris�s par l'issue proche, ces mineurs � l'envers creusaient
sans prononcer le fameux s�same. Ceci ne nous rassurait pas tout � fait
mais renfor�ait en nous la croyance en une puissance sup�rieure qui
semait la confusion dans l'esprit des assaillants. Ces derniers �taient,
� notre id�e, comme prisonniers d'une incantation qu'il suffisait de
prononcer pour s'en lib�rer. Depuis, des sornettes au grand jour sont
venues ajouter des �pisodes aux r�cits et l�gendes autoris�s uniquement
apr�s le coucher du soleil. Le mot �Inch�Allah� est devenu la cl�, le
passe-partout, qui sert � justifier toutes les d�missions et tous les
�checs. Les promesses �lectorales, ponctu�es par la formule rituelle,
sont vid�es de tout contenu. Si �a ne marche pas, si les engagements ne
sont pas remplis, c'est que Dieu ne l'a pas voulu ! Celui qui a pris
soin d'impliquer la divine providence souscrit une police d'assurance en
b�ton. Elle prot�ge non seulement contre les impond�rables mais aussi
contre ses propres violations et turpitudes. La fin du monde pour les
enfants d'aujourd'hui est plus cr�dible car plus visible. Des
scientifiques d�ments et des th�ologiens illumin�s se sont alli�s pour
nous confirmer le grand cataclysme. Cette fois, c'est s�r, m�me en
s'ab�mant dans la lecture des versets du Coran, on n'�chappera pas �
l'apocalypse, la supernova, le grand trou noir fatal. L'issue fatale est
attest�e et confirm�e par des chercheurs de l'Universit� de Bagdad, dont
l'ing�niosit� nous �tonne chaque jour. Ce sera donc pour le 21 d�cembre
2012, �Inch�Allah�, ce qui raccourcira fatalement le mandat de notre
pr�sident, ainsi que notre propre mandat sur terre, d'ailleurs. Retenez
bien cette date et assurez-vous d'�tre au bon endroit ce jour-l�. C'est
� un moment donn� de cette journ�e que la plan�te �Nibiru� devrait se
rapprocher de la plan�te Bleue jusqu'� la percuter. Ce qui provoquerait
la plus grande collision de l'histoire de la cr�ation et une explosion
aussi impressionnante que le bigbang initial. La plan�te �Nibiru�, en
r�f�rence � une com�te de la mythologie sum�rienne, aurait supplant�
Pluton rel�gu�e au rang d'�toile par les astrophysiciens. �Nibiru�, ou
�Plan�te X�, serait pr�c�d�e d'un faisceau de rayons ultrapuissants qui
tueraient toute vie en se rapprochant de la terre en 2012. Oui!
rench�rissent les th�ologiens chiites irakiens. Il s'agit effectivement
des rayons lumineux qui accompagneront la r�apparition du �Mahdi�
attendu. Or, ce dernier devrait, selon la tradition chiite, imposer
l'�quit� et la justice sur terre. Il n'est pas s�r que �Nibiru� laisse
au �Mahdi� le temps de r�aliser son programme, d'autant plus que les
th�ologiens chiites ont oubli� de dire �Inch�Allah�. Le physicien
�gyptien de renomm�e internationale, Farouk Albaz, s'est �lev� contre
ces pseudo- pr�visions scientifiques qu'il a qualifi�es d'affabulations.
Les scientifiques saoudiens ont, eux aussi, d�menti et pour cause mais
ils pr�cisent que des choses comme la fin du monde rel�vent de la
science de l'invisible. Ce qui nous ram�ne encore � l'affaire des
envahisseurs venus des mondes souterrains et aux autres musulmans,
cens�s r�nover et purifier l'Islam en �liminant la moiti� des musulmans.
En tout cas, note le magazine Elaph, cette affaire a passionn� les
internautes puisque le mot �Plan�t X� est apparu plus de trois millions
de fois dans les moteurs de recherche. Cette histoire d�montre aussi,
ajoute-t-il, � quel point la recherche universitaire irakienne est
prisonni�re des croyances et des superstitions religieuses. Pour les
Kowe�tiens, voisins convoit�s de l'Irak, ce n'est pas encore la fin du
monde mais il y a du chaos � l'horizon. Voil� un �mirat arabe qui essaie
tant bien que mal d'instaurer une d�mocratie, un peu boiteuse mais moins
formelle que chez d'autres voisins. Les Kowe�tiens souffrent aussi de
leurs islamistes, alors qu'ils sont plus conservateurs et que leur pi�t�
est moins superficielle et moins ostentatoire que la n�tre. Pour la
deuxi�me fois en un an, les Kowe�tiens se sont rendus samedi aux urnes
pour �lire une nouvelle Assembl�e. Les d�put�s de ce pays sont, en
effet, tr�s imbus de leur r�le et entravent souvent l'action du
gouvernement. D'o� la d�cision du prince r�gnant de dissoudre l'unique
chambre en mars dernier, notamment pour r�duire l'influence grandissante
des islamistes. L'objectif a �t� atteint, semble-t-il, puisque les
islamistes sunnites ont perdu plusieurs si�ges, au profit des chiites.
Cependant, ce recul est � relativiser avec les d�put�s issus des tribus
qui sont g�n�ralement proches des islamistes. L'�crivain lib�ral Ahmed
Baghdadi est intervenu � sa mani�re dans le d�bat �lectoral avec une
r�flexion sur la difficult� des la�cs � exister dans les soci�t�s arabes
et musulmanes. Dans le quotidien Al-Siassa, Baghdadi explique pourquoi
un la�c ne peut pas vivre dans une telle soci�t�: �Il ne peut pas
proclamer l'abandon de son identit� religieuse, l'Islam, qu'on lui
murmure � l'oreille depuis sa naissance. Ceci, de peur d'�tre accus�
d'apostasie et d'en subir les cons�quences, comme celle d'�tre s�par� de
son �pouse, de ne pas b�n�ficier du service religieux fun�bre � sa mort,
donc de ne pas �tre inhum� dans les cimeti�res musulmans. N'importe quel
musulman fait siens les piliers de l'Islam (Du moins, il ne les nie
pas). Il accomplit la �Omra� et le �Hadj�. Il respecte le je�ne du
Ramadan, ou bien ne le renie pas publiquement. Il se marie selon les
prescriptions de Dieu et du Proph�te (d'ailleurs, il ne peut pas se
marier civilement parce que les parents de la fianc�e s'y opposeraient).
Il marie ses gar�ons et ses filles suivant les m�mes crit�res. Il se
peut qu'il ne prie pas mais il ne peut pas nier l'obligation de la
pri�re.�
�Sur la base de ce qui pr�c�de, note Ahmed Baghdadi, il est impossible
pour le musulman qui d�cide de vivre en pays musulman d'�tre la�que m�me
s'il en a la volont�. De m�me qu'il ne peut dissimuler sa la�cit� aux
yeux de la soci�t�. Par contre, dit-il, le musulman peut se conduire en
la�c s'il est au niveau des centres de d�cision. Il peut soutenir le
principe de s�parer la religion de la politique ou de l'Etat, faire en
sorte que les d�cisions de l'Etat ne soient pas assujetties aux
prescriptions religieuses. Il peut proclamer son attachement � la
Constitution en tant que fondement d'un Etat de droit�. Comme nous
l'explique avec clart� l'�crivain kowe�tien, on peut se comporter en
musulman et agir en la�c. Autrement dit, faisons montre de pi�t� comme
tout le monde et agissons selon les r�gles de bonne gouvernance !
Seulement, qui franchira le foss� entre dire et agir ?
A. H.
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