Vox populi : �Li fet ghir m'nem� (le pass� n'est qu'un r�ve)

Transport� par un air de cheb Mami, diffus� par la radio de Chlef �Li fet ghir m'nem�, je m'�vanouis lentement dans mon sommeil, berc� par cette douce m�lodie ensorcelante qui m'emporte au loin dans un continent de r�ve et de charme, m�lang� au romantisme des couleurs vives et chatoyantes du paradis. En ouvrant les yeux, je suis frapp� par la beaut� des lieux de ce jardin fleuri, dans lequel ruisselle une eau limpide dans les ruisseaux, au milieu d'un doux paysage envahi par une s�r�nit� et une clart� de l'�den. Je suis s�duit par la beaut� de ce verger rempli par le gazouillement des oiseaux, qui nichent sur les branches des arbres aux grands feuillages ombrageant le sol, et qui croulent sous le poids des fruits pendants, d�licieux et parfum�s� Les yeux grands ouverts, je suis subjugu� par cette nature pittoresque de l'�t� indien.
J'avance lentement au milieu de ces arbres fruitiers d�bordant de fruits, tout en caressant au passage des yeux et de la main, ces fruits chatoyants charnus et inconnus pour moi. Ne r�sistant pas � l'envie et la curiosit�, je choisis un gros fruit qui pendait juste devant moi et que je cueillis du bout de la main. Je l�ai regard� longuement, �tonn� par cet esp�ce fruiti�re qui ne m�est pas famili�re et que j'ai essuy�e machinalement sur le pan de mon blouson, pour le croquer, soudain une voix toute proche de moi, cach�e par le tronc d�un arbre juste sur ma gauche, est venue briser le silence de ce jardin apaisant :
- Bonjour !
Je r�pondis : bonjour ! Tout en fixant des yeux le c�t� d�o� venait la voix.
L�, il y avait un homme d'un �ge m�r, adoss� � l'arbre, avec qui j'ai �chang� un regard et un petit sourire, et � qui j'ai tendu la main pour le saluer ; il m'invita � m'asseoir en face de lui, et pour me mettre � l�aise, il me dit : tu peux go�ter � ton fruit ! Je suis le gardien de ce verger ! Il est tr�s bon pour la sant� et recommand� pour l��quilibre de la raison, il est juteux et sucr� et riche comme la libert� dans toute sa constitution, et il n'y a pas pareil dans toute la r�gion ! Tout en mordant � belles dents, je lui ai dit : �C'est quoi cette vari�t� ?� Il me r�pondit : le fruit de la libert� ! Une sp�cialit� de la r�gion, et il ne prosp�re que dans les zones o� l'environnement est propice et sain, et il ne supporte pas les endroits vici�s et pollu�s par la main de l�homme m�diocre, et il exige beaucoup d�entretien, de savoir, d�amour, de sacrifice et de respect de la terre nourrici�re ; cet arbre a une histoire ancestrale chez nous ici, du c�t� de la rive.
- Et toi, me dit-il, d'o� tu viens ? Je crois que tu n'es pas du pays.
- Oui, exactement, je lui r�pondis, je viens de l'autre c�t� de la rive. Je suis un harrag ! Mais moi je n'ai pas pris le m�me chemin maritime des autres harraga, ceux qui quittent la patrie un � un, pour fuir le pays et partir ailleurs, et montent en groupes � l'assaut des fronti�res en barques, je ne veux pas dire que je suis diff�rent d�eux, peut-�tre que nous recherchons la m�me chose ?
Moi j'ai pris un autre chemin plus facile d'acc�s et sans aucune formalit� obligatoire, les sentiers du r�ve, il suffit tout simplement de s'allonger et de sommeiller et de se laisser entra�ner par Morph�e, le dieu des songes.
- Dis-moi, mon ami, est-ce que tu peux m'offrir un plant de cet arbre aux fruits miraculeux, pour que je puisse le planter chez nous ?
- Tu sais, mon ami, j'en prendrai grand soin, et je lui donnerai beaucoup d'eau, pour qu'il puisse se d�velopper rapidement, et pour que nous puissions go�ter tous ensemble moi, ma famille et mes proches, tous ceux qui aspirent � go�ter � ce fruit de la libert� !�
Le gardien du verger me regarda longuement, avant de me r�pondre : �Tu vois, moi je connais tr�s bien l'endroit d'o� tu viens mon ami, c'est un pays tr�s vaste et tr�s ensoleill� et tr�s beau, avec une nature aux atouts multiples, mais malheureusement, je doute fort que cet arbre puisse tenir longtemps dans cet environnement inconnu et instable dans sa nature toute confondue ; il d�pr�ciera tr�s vite l�-bas chez vous, pour cela je vous conseille, � toi et � tous les �pris de la nature verte, de vous contenter de votre arboriculture traditionnelle et originelle, � vos us et coutumes, � la culture de �karmouss en-n'sara � (figues de Barbarie), cette esp�ce de cactus �pineux convient mieux � ce type de situation g�ographique, en attendant la providence de jours meilleurs.� Au moment o� je voulais le remercier pour sa gentillesse, je fus secou� par un l�ger bruit de parasite des ondes radio, j'ouvris les yeux, j'�tais allong� � c�t� de ma radio qui diffusait toujours la m�me chanson �Li fet ghir m'nem� (le pass� n'est qu'un r�ve).
Hamid Dahmani

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