Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS
Mais qui parle de voile et de string ?


Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr
Un lecteur, � qui j�accorde le cr�dit d�avoir le courage de donner son vrai nom, a r�pondu, parmi d�autres, � la chronique de la semaine derni�re. En a-t-il mal compris le propos ?
Ou l�a-t-il sciemment d�tourn� pour servir sa propre cause ? En tout cas, il m�a sembl� suffisamment embl�matique d�une opinion courante chauff�e � blanc par les va-t-en guerre pour offrir la possibilit� de clarifier et, pourquoi pas, d�engager un vrai d�bat. Voici son message : �� Je suis fort �tonn� de voir que vous pensez que les dignitaires iraniens ont une conception belliqueuse des rapports internationaux. (�) Mais c'est la Knesset qui parle ainsi. Croyez-vous sinc�rement que l'�quilibre au Moyen-Orient se fera avec un Isra�l "nucl�aris�" et les autres qui doivent se plier jusqu'� l'obs�quiosit� ? Isra�l crie haut et fort qu'il continuera ses colonies, et vous, vous reprochez � l'Iran de ne pas se plier � ce que dicte ce merdier qu'est l'ONU ? Combien de r�solutions ont �t� ignor�es par Isra�l ? Moi, je ma�trise et j'ai droit au nucl�aire, car je suis civilis� et je sais m'en servir comme au Japon, par exemple, mais vous les Arabes, les Iraniens, c'est dangereux entre vos mains, vous ne savez pas vous en servir et vous risquez de vous blesser avec et de vous faire mal, mais on veille sur vous et jamais vous ne l'aurez. En clair, c'est �a le discours ? Non mais c'est l'obs�quieux de service que vous jouez l�. Mais enfin vous �tes s�rieux ??? Essayez de voir les choses autrement que "sous l'angle dict� par les civilis�s" et d'imaginer que l'Iran veut �merger comme ceux qui ont �merg� avant lui !!!! C'est tout. Quant � son ou ses id�ologies, c'est une autre histoire. Comme les pays la�ques avec l'effigie du Christ dans tous les bureaux des services de l'Etat et qui s'indignent quand une femme porte un foulard sur la t�te. Bient�t on lui imposera le string m�me si elle le trouvera inconfortable.� D'abord, ceux qui assimilent tout de suite les tenants d�une opinion autre � la Knesset (qui est, non le gouvernement, mais le Parlement d�Isra�l, soit dit en passant pour la pr�cision) o� ont-ils lu que je suis d'accord pour qu'Isra�l poss�de l'arme nucl�aire et pas l'Iran ? Qu�on relise ce que j�ai �crit la semaine derni�re et toutes les autres fois, on ne trouvera pas o� s�appuyer pour imputer une telle affirmation. La conception que je me fais du probl�me du Proche-Orient n�est pas la m�me. Ce qui se joue entre la Palestine et Isra�l n�est pas une guerre de religion opposant musulmans et juifs. C�est un conflit d�abord politique entre un Isra�l dont les pr�tentions coloniales sont soutenues par les Etats-Unis et l�Occident, et les Palestiniens, colonis�s. Deux choses � faire observer : Un : les dignitaires iraniens qui ont, en effet, une conception belliqueuse des rapports internationaux, et ils ne sont pas les seuls �videmment, ont vite fait de reconna�tre qu�il y a un probl�me dans la pr�cipitation avec laquelle ils ont voulu faire passer Ahmadinejad. M�me Ali Khamenei a fini par y c�der. Devant une telle �vidence, libre au supporter des mollahs de rester tout seul � d�fendre les dignitaires qui, eux-m�mes, admettent qu�il y a probl�me. Et ce n�est pas parce que les Etats-Unis, du moins jusqu�� Bush, l�avenir avec Obama sur la question est en train de se construire, et l�Occident, soutiennent Isra�l dans son d�ni de droit des Palestiniens, et que cette attitude est injuste et � combattre, que �a conf�re automatiquement aux dignitaires iraniens le droit de r�primer leur propre peuple sous pr�texte que les manifestations pour protester contre le r�gime de fer jouent le jeu de l��tranger. On conna�t la chanson, en Iran comme ailleurs. Deux : quant � Isra�l, on a beau en dire ce qu�on veut, le pouvoir dans ce pays ne tire pas sur sa population � la moindre protestation. Les 18 morts officiels (le nombre r�el de victimes est nettement plus �lev�) iraniens simplement parce que des citoyens ont mis en doute la loyaut� d�un scrutin est une chose difficilement concevable en Isra�l. �a devrait faire r�fl�chir sur la valeur accord�e � la vie humaine par un Etat en devoir de prot�ger ses citoyens au lieu de les faire assassiner par les bassidji impitoyables du seul fait qu�ils r�clament la justice d�une �lection. J�ai conscience que rien qu�en �tablissant cette comparaison et qu�en faisant valoir pour les besoins de l�argumentation que l�Etat colonial et criminel d�Isra�l n'a pas commis, � ce jour en tout cas, � l��gard de son peuple la boucherie que le pouvoir des mollahs perp�tre sans �tat d��me, j�aggrave mon cas. Dans l�analyse des manifestations iraniennes, il y a lieu de tenir en compte que, caus�es au d�part par la suspicion fond�e de fraudes, reconnues in fine du moins en partie par le Guide supr�me, elles ont acquis un sens plus g�n�ral. Elles ont fini par servir d�exutoire � d�importantes cat�gories de la population iranienne qui aspirent � une vie d�mocratique et une pr�sence au monde qui ne soit pas fond�e sur la fermeture avec laquelle les mollahs isolent un grand pays comme l�Iran. Je connais �videmment l�argument de l�Etat islamique cens� �tre par essence vertueux en opposition aux Etats qui ne sont pas musulmans et qui, pour cela, et rien que pour cela, sont corrompus. A cet �gard aussi, je renvoie � la nature de la plupart des r�gimes bas�s sur l�islam ou qui veulent le devenir, � commencer par le n�tre. Outre qu�on y m�prise son propre peuple, qu�on ne fait aucun cas des droits de l�homme, qu�on ne respecte aucune libert� individuelle ou d�mocratique, qu�on aggrave les in�galit�s et les injustices contre les plus d�munis, on n�a m�me pas la compensation de gouvernements �thiques et moraux. On construit certes des mosqu�es pharaoniques, mais la justice ne se mesure pas � la hauteur des minarets. A tout cela s�ajoute la corruption. En g�n�ral, la courte vue veut que, quand on entend des choses comme celles que je viens de dire, on r�ponde : �Et la corruption en Occident, et ceci aux Etats-Unis et cela chez les "civilis�s"�. Il y en a, bien s�r, et � une plus grande �chelle. Ce n�est pas parce qu�on d�nonce cela chez nous qu�on l�accepte ailleurs ! Je crois qu�il faut balayer devant sa porte. Le fait est qu�Ahmadinejad et Netanyahou s�alimentent l�un l�autre. Le pr�sident iranien maintient la coh�sion de son �lectorat sur l�attisement d�une haine, celle d�Isra�l. Le Premier ministre isra�lien, lui, exploite la pr�tendue �menace iranienne� pour �loigner l�attention de son opinion de la vraie question, la question palestinienne, et le droit � un Etat palestinien. La r�action de ce lecteur est de celles, courantes, partisanes, gr�gaires m�me, qui s�enracinent dans ces analyses dilatoires tendant � toujours incriminer �l�autre�, l�Occident en l�occurrence, dans tout ce qui ne va pas chez soi. Cette pr�tention de la perfection fl�trie par l�ennemi est �videmment non seulement une vue perverse de l�esprit mais aussi un frein � l�appr�hension exacte des rapports de force, des conflits d�int�r�ts, des consid�rations �conomiques, des g�ostrat�gies qui permettent de comprendre les relations internationales et d�agir sur elles. La d�fensive par rapport � l�Occident mal�fique qui vient nous corrompre dans notre immacul�e identit� proc�de d�un complexe que Rachid Ghenouchi, le leader islamiste tunisien des ann�es 1980, avait la lucidit� de poser : �Notre probl�me, c'est que nous avons � traiter avec l'Occident � partir d'une position de faiblesse � la fois mat�rielle et psychologique. L'admirant avec exc�s, paralys�s par notre complexe d'inf�riorit�, nous avons cherch� davantage � le singer en tout qu'� recueillir ses apports dans tel ou tel domaine�, disait-il en juillet 1990 dans un entretien � Jeune Afrique Plus. Je suis de ceux qui essayent d�appr�hender toute cette histoire loin du manich�isme commode, en me souvenant, par exemple, que parmi les r�gimes qui se r�clament de l�islam dans le monde aujourd�hui, il en est qui figurent dans le peloton de t�te des plus arbitraires et des plus corrompus, y compris au sens moral du terme. Je ne prendrai pas la peine de r�pondre � l'accusation d'obs�quiosit�. Les positions en faveur du droit des Palestiniens, je les ai prises dans des endroits et en des temps o� elles �taient attach�es � de vrais risques. �Le voile et le string� ? Je ne vois pas du tout ce qu�ils viennent faire dans un d�bat comme celui-l�. Je les aborderai d�autant moins que je ne suis obs�d� ni par l�un ni par l�autre, et encore moins par le rapprochement ubuesque entre l�un et l�autre.
A. M.

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