Actualit�s : Contribution
Cr�dit documentaire : les raisons d�une option


Que reproche le patronat � la loi de finances compl�mentaire 2009 ?
La principale critique des organisations patronales concerne le paiement des importations. Trois inqui�tudes principales ont �t� exprim�es : augmentation des commissions, prolongation des d�lais, incidence sur la tr�sorerie des entreprises.
Augmentation des commissions : pour les importateurs, ces nouvelles dispositions l�seraient les entreprises alg�riennes au profit des banques, surtout �trang�res, des fournisseurs �trangers. Prolongation des d�lais : ils consid�rent que le cr�dit documentaire implique une proc�dure qui exige des d�lais d�approbation et de notification/confirmation plus longs. Importance des co�ts de la tr�sorerie : cette proc�dure de paiement exige la mobilisation imm�diate des ressources financi�re de l�entreprise cr�ant des tensions sur son cash flow. L�entreprise doit provisionner obligatoirement l�engagement par signature pris par sa banque. Ceci r�duira sa liquidit� � court terme et augmentera son endettement qui, selon l�assise financi�re, pourrait devenir structurel par la suite. Un tel op�rateur aura recours au cr�dit bancaire plus souvent qu�auparavant, supportant ainsi un volume d�agios sensiblement plus important.
La loi de finances compl�mentaire 2009 rend obligatoirement le paiement des importations par le cr�dit documentaire. Qu�est-ce que cela signifie ?

En effet l�article 69 stipule que le paiement des importations s�effectue obligatoirement au moyen du seul cr�dit documentaire. Cela veut dire que, d�sormais, les autres modes de paiement internationaux que sont le transfert libre et la remise documentaire ne doivent plus �tre utilis�s pour l�importation des biens. Toutefois, vous remarquez que le second alin�a du m�me article accorde aux autorit�s mon�taires et au ministre charg� des Finances une certaine marge d�interpr�tation. En cas de besoin, ces autorit�s prendront des dispositions compl�mentaires.
Qu�est-ce qui justifie cette r�volution dans les modalit�s d�importation ?

D'apr�s le rapport annuel de la Banque d'Alg�rie, l'ann�e 2008 a �t� marqu�e par une envol�e des importations des biens et services. Les importations, qui n��taient que de 18 milliards de dollars en 2004, ont connu durant l'ann�e 2008 une tr�s forte expansion par rapport � 2007 (+ 44 %), passant � 38 milliards de dollars. Les principaux postes sont : 7,3 milliards de dollars d'importation pour l'alimentaire ; 4,1 milliards de dollars d'importation des biens de consommations et 26,5 milliards de dollars d'importation des mati�res premi�res et biens d'�quipement. La comparaison des seconds semestres 2007 et 2008 est encore plus inqui�tante : produits alimentaires : + 42% ; biens d��quipement industriels et agricole : + 41% ; demiproduits : + 42%. Une �volution aussi importante et aussi massive imposait aux pouvoirs publics une r�action rapide pour ma�triser la situation.
Aujourd�hui que la solvabilit� du pays n�est pas mise en doute, pourquoi devrons-nous supporter un surco�t de nos importations engendr� par ce mode de paiement ? Que les outils de communication sont tr�s performants, pourquoi nos syst�mes d�information alourdissent-ils les d�lais ? Qu�une embellie financi�re existe en Alg�rie et que les institutions bancaires et financi�res disposent d�une surliquidit�, pourquoi l�op�rateur �conomique doit-il conna�tre des difficult�s de tr�sorerie ?
Il s�agit en effet d�un paradoxe dont la r�solution passe par la recherche d�un processus permettant de tirer avantage de la confiance qui n�a pas disparu tout en diminuant le co�t de ce mode de paiement. La croissance vertigineuse de nos importations, la multiplication des op�rateurs, la relative faiblesse des moyens de contr�le commandent une tra�abilit� sans faille des flux commerciaux et financiers.
Les op�rateurs �conomiques d�clarent unanimement que le Cr�doc est cher. Certains patrons d�entreprise estiment que si toutes les importations alg�riennes se faisaient par Cr�doc, elles reviendraient 5 � 10% plus cher pour le pays. Qu�en est-il ?
En 2008, l�Alg�rie a import� pour 38 milliards de dollars am�ricains, si l�affirmation de ces patrons est r�aliste, le mode de paiement Cr�doc aurait d� co�ter � l�Alg�rie 2 � 4 milliards de dollars dont 600 millions de dollars vers�es en devises aux banques �trang�res. Ces chiffres colossaux montrent qu�il y a de l�exag�ration. Une simulation que j�ai effectu�e r�cemment avec des donn�es r�elles d�une banque alg�rienne, qui pratique ce mode de paiement � une grande �chelle et depuis longtemps, a conclu que le co�t par mode de paiement rapport� au co�t de la marchandise s��tablit comme suit : transfert libre : 0,27 %, Remdoc : 0,27 %, Cr�doc sans confirmation : 0,45 %, Cr�doc avec confirmation : 0,95 %. Cette simulation a pour hypoth�ses : une op�ration d'importation de 100 000 euros pour une contre-valeur de 10 millions de dinars ; le d�lai maximum de cr�dit documentaire est de 90 jours ; l'op�rateur provisionne son cr�dit � 100 % ; les conditions de banque sont telles que r�ellement appliqu�es par une banque publique de commerce ext�rieur ; la simulation faite entre les principaux modes de paiement utilis�s : transfert libre, remise documentaire, cr�dit documentaire irr�vocable sans confirmation et ou avec confirmation.
Il y a donc deux cr�dits documentaires diff�rents ?
Bien s�r, il existe une multitude cr�dits documentaires bas�s sur un m�me principe mais se distinguant les uns des autres par les modalit�s d�application. Ces instruments sont normalis�s et codifi�s par la Chambre de commerce internationale dans les r�gles et usances uniformes. Il convient de rappeler que ce dispositif est en usage depuis bient�t un si�cle. Les plus utilis�s sont : le cr�dit documentaire irr�vocable et �straight� ; le cr�dit documentaire irr�vocable par n�gociation ; le cr�dit documentaire irr�vocable et non confirm� ; le cr�dit documentaire irr�vocable et confirm� ; le cr�dit documentaire revolving ; lettre de cr�dit stand-by ; le cr�dit documentaire transf�rable.
Quelle diff�rence y a-t-il entre le transfert libre, la remise documentaire et le cr�dit documentaire ?

Le transfert libre est un moyen de paiement qui n�cessite une confiance absolue entre le vendeur et l�acheteur. L�importateur alg�rien, qui b�n�ficie de cet instrument, a l�avantage de payer son fournisseur � sa volont�, la banque n�engageant nullement sa responsabilit�. Lorsque le vendeur ne fait pas confiance � l�acheteur, il utilise les autres instruments. Lorsque que le vendeur doute de son client mais fait confiance � la banque de son client, il utilise la remise documentaire. La banque garantit l�encaissement en �change de la livraison de la marchandise. Dans le cas de perte de confiance entre acheteur et vendeur et entre vendeur et une banque alg�rienne, on a recours au cr�dit documentaire qui est un moyen de paiement faisant deux banques : celle de l�acheteur qui est la banque �mettrice et une banque situ�e dans le pays du vendeur qui notifie � ce dernier en sa qualit� d�agent de la banque �mettrice. Lorsque dispara�t toute confiance, on utilise le cr�dit documentaire confirm� qui engage la responsabilit� des deux banques.
Qu�apporte le cr�dit documentaire � l�Alg�rie ?
D�une mani�re g�n�rale, le cr�dit documentaire est une facilit� bancaire pour r�aliser une transaction commerciale internationale. Elle constitue un gage de s�curit� pour toutes les parties au contrat. La banque �mettrice ou, le cas �ch�ant, la banque confirmante, s'acquittera de ses obligations sous r�serve du respect des termes et conditions du cr�dit documentaire. C�est donc une garantie de paiement, sous r�serve du respect des termes et conditions du cr�dit documentaire. Ce mode de paiement est fond� uniquement sur des documents. L�Alg�rie, pays importateur, a les avantages suivants : elle peut �largir les sources d'approvisionnement pour l'acheteur. Ce moyen peut permettre � l'acheteur d'obtenir les marchandises � meilleur prix et avec des d�lais de paiement plus longs que dans le cas d'un transfert libre. Il r�pond aux besoins de financement du vendeur et de l'acheteur en leur offrant la qualit� de la signature de la banque. L'acheteur a l'assurance que les documents exig�s par le Cr�dit documentaire devront �tre pr�sent�s en conformit� avec les termes et conditions du cr�dit documentaire et des normes du commerce international. Il a aussi l'assurance que les documents pr�sent�s seront examin�s par un personnel bancaire au courant des op�rations de cr�dit documentaire. Il peut �tre certain que le vendeur ne sera pay� qu'une fois respect�s tous les termes et conditions du cr�dit documentaire et des normes du commerce international. Les cr�dits documentaires sont fond�s sur une grande diversit� de lois et r�glementations, ce qui leur permet une applicabilit� universelle. Parmi tous les moyens de paiement internationaux, le cr�dit documentaire est celui qui garantit la meilleure tra�abilit� des transactions commerciales.
Quelle diff�rence y a-t-il entre le cr�dit documentaire confirm� et non confirm� ?
Dans le cas du cr�dit documentaire irr�vocable et confirm�, la confirmation est donn�e par une banque (la banque confirmante) sur autorisation ou requ�te de la banque �mettrice. Cette confirmation constitue un engagement ferme de la banque confirmante qui s�ajoutant � celui de la banque �mettrice de payer le vendeur, sous r�serve que les documents stipul�s soient pr�sent�s � la banque confirmante ou � toute autre banque d�sign�e avant ou � la date d�expiration et que les termes et conditions du cr�dit documentaire soient respect�s. Ce type de cr�dit documentaire comporte l�engagement de plusieurs banques. Dans le cas du cr�dit documentaire sans confirmation, seule la banque �mettrice (la banque de l�acheteur) assume la responsabilit� de payer le vendeur. Pour vous permettre de saisir le m�canisme du cr�dit documentaire, je vous remets un sch�ma qui retrace les diff�rentes �tapes du processus.
Revenons au cas pratique, quel est le co�t suppl�mentaire des Cr�doc par rapport au transfert libre et remise documentaire ?
Certes le transfert libre et la remise documentaire sont des instruments moins on�reux que le cr�dit documentaire mais ils sont subordonn�s � un pr�alable : l�existence d�une confiance qui peut dispara�tre comme elle est venue. Ils ne permettent pas d��largir l��ventail de la concurrence qui est � la base de la r�duction du co�t de nos importations. Le surco�t par rapport au transfert libre ou � la remise documentaire est de moins de 0,19 % pour le Cr�doc sans confirmation, mais de pr�s de 0,69 % pour le Cr�doc confirm�.
Quels enseignements tirez-vous de votre simulation ?
Le cr�dit documentaire irr�vocable sans confirmation est largement meilleur que le cr�dit documentaire irr�vocable et confirm�. C�est la confirmation qui rend le co�t du cr�dit documentaire sup�rieur � celui du transfert libre ou de la remise documentaire car les co�ts des notifications sont n�gligeables du fait que le r�le de la banque �trang�re est d'informer seulement le vendeur. Si, les conditions de confiance qui permettent l�utilisation du transfert libre existent, elles sont valables �galement pour le cr�dit documentaire et sont renforc�es par la solvabilit� de l'Alg�rie. En consid�rant l�existence de la confiance entre fournisseur et importateur, le recours � la confirmation n�est plus justifi�. L�impact du cr�dit documentaire sur les importations. Exemple : 38 milliards de dollars pour l'ann�e 2008. Pour les commissions suppl�mentaires li�es aux importations de biens de consommation et l'alimentaire et dans le cas o� le secteur priv� importerait 70%, le co�t suppl�mentaire annuel est �valu� � la contrepartie dinars de 14 millions de dollars compos� des frais de domiciliation, d'engagements, de notification et de r�glement de cr�dit documentaire irr�vocable. Ce montant n'influence en aucun cas le consommateur surtout si des mesures d'accompagnement d'ordre fiscal sont mises en place.
Que recommandez-vous ?
Mes recommandations visent trois axes : minimiser les co�ts associ�s au moyen de paiement, r�duire les d�lais, diminuer la tension exerc�e sur la tr�sorerie des entreprises. L�atteinte de ces objectifs sera encore favoris�e par des mesures d�accompagnement.
1) Pour minimiser les co�ts, il faut �viter autant que possible le cr�dit documentaire confirm�, n�gocier � la baisse les frais de notification bancaire (importateur via sa banque). En cas d�importations r�p�titives chez le m�me fournisseur, recourir au cr�dit documentaire �revolving� En conclusion, l�objectif consiste � ce que le vendeur ne soit pas enclin � augmenter le prix de la marchandise aux motifs qu�il aurait � supporter des frais bancaires suppl�mentaires. L�acheteur d�obtenir les marchandises � de meilleurs prix et avec des d�lais de paiement plus longs que dans le cas d�un transfert libre.
2) Pour r�duire les d�lais, la banque et l�importateur vont essayer de ne pas d�passer le d�lai de 90 jours, du fait que les commissions sont calcul�es par trimestre mobile indivisible. Organisation ad�quate au sein des banques avec une prise en charge imm�diate des op�rations du commerce ext�rieur en am�liorant particuli�rement leur syst�me d�information. Si la confiance entre l�acheteur et le vendeur existe, le cr�dit documentaire peut �tre ouvert � la derni�re minute (apr�s exp�dition de la marchandise) r�duisant ainsi les d�lais et donc le co�t.
3) R�duire les co�ts de la tr�sorerie Pratique actuelle : la majorit� des banques publiques n�exigent pas du secteur public de constituer une provision pour le Cr�doc. Par contre, le secteur priv� doit constituer une provision pouvant atteindre 110%. La commission d�engagement pour les Cr�doc provisionn�s � hauteur de 100 % est de 2,5 pour mille, par contre elle est de 6,25 pour mille pour le Cr�doc non provisionn�. Am�liorations souhaitables : aligner le traitement du secteur priv� sur celui du secteur public en mati�re de provision. La banque �tant propri�taire de la marchandise jusqu'au paiement d�finitif, devrait proportionner sa r�mun�ration au risque effectif qu�elle prend. S�agissant des mesures d�accompagnement, je pr�conise certains all�gements fiscaux dans la ligne de l�article 7 de la loi de finances compl�mentaire 2009 ainsi que des mesures relevant de la Banque d�Alg�rie et des pouvoirs publics. L�Etat peut prendre d�autres mesures fiscales comme par exemple l�exon�ration des commissions li�es au paiement par cr�dit documentaire irr�vocable sans confirmation destin�e surtout aux importations des biens et �quipements ; concours de la Banque d�Alg�rie. L�effort de la Banque d�Alg�rie peut �tre appr�ci� � deux niveaux : r�duire les co�ts li�s aux d�p�ts � vue au sein des banques, en exon�rant les provisions pour Cr�doc au moment des paiements des charges par les banques dans le cadre des r�mun�rations des d�p�ts de garantie. Dans l�hypoth�se o� le volume des importations r�alis� est par Cr�docs serait provisionn� � hauteur de 110% (pratique actuelle), l�impact financier pour les banques serait cons�quent. Les int�r�ts cr�diteurs � servir dans ce cadre devraient venir en d�duction de la commission r�colt�e au titre de l�ouverture des Cr�docs. La Banque d�Alg�rie, disposant de l�autorit� de fixer les r�gles g�n�rales en mati�re de conditions de banques applicables aux op�rations de banque, devrait imposer une limite � respecter par les banques et �tablissements financiers pour les op�rations de cr�dit documentaire. Accompagnement des pouvoirs publics : la tr�sorerie des op�rateurs �conomiques est ob�r�e par les d�lais de paiement des administrations. Globalement, les d�lais de paiement en Alg�rie ont d�pass� les limites tol�rables pour atteindre parfois 120 jours, voire plus. Cette situation est particuli�rement pr�judiciable aux PME. La r�duction des d�lais de paiement des dettes de l�Etat est de nature � g�n�rer un climat favorisant le d�veloppement des PME et autres op�rateurs qui, � leur tour, se satisferont de d�lais de paiements courts en faveur de leurs fournisseurs. Cette consid�ration a conduit certain pays europ�ens � prendre une directive (n�000-35/CE du 29 juin 2000) qui a instaur� la r�gle g�n�rale d�un d�lai de r�glement des sommes dues fix� au trenti�me jour suivant la date de r�ception des marchandises ou d�ex�cution de la prestation demand�e.
A. B.
* Docteur d�Etat en �conomie, universitaire.

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