Actualit�s : La rentr�e
Par Leila Hamout�ne-Benlabed*


Image d�Epinal. Fin des vacances, retour un peu triste, premiers achats : les tabliers, le cartable, odeur du cuir (maintenant du plastique qui n�en a pas), les bo�tes de couleurs, les crayons � tailler, l�encre des stylos, les livres � couvrir� le c�ur serr�. Les parents sont l�, graves et protecteurs. Tout se passera bien petit. L�avenir est devant toi, nous serons avec toi, entre toi et les autres, entre toi et la soci�t� jusqu�au jour b�ni o� tu seras ind�pendant. Alger, septembre 2009. Premi�re rentr�e.
Les frustrations s�accumulent : mon cartable n�est pas le plus beau, c�est le moins cher, mes tabliers sont sinistres et je garde les vieilles chaussures de mon fr�re a�n�. Les parents de notre petit �colier sont l�, graves et d�sesp�r�s. Ils comptaient sur un cr�dit pour payer les fournitures scolaires, les v�tements de la rentr�e et de l�A�d. Et le car�me qui co�te si cher ! Les parents sont l� graves et d�sesp�r�s car ils verront leur enfant cheminer tout au long de son cursus scolaire au sein d�un syst�me aussi rassurant que des sables mouvants. Il s�y retrouvera seul, il devra oublier la langue orale de sa m�re et se plier aux caprices d�un minist�re qui, � coup de r�formes et de changements intempestifs, ne fera pas de sa vie d��colier un long fleuve tranquille. Il n�y naviguera pas, il s�y engloutira. S�il en r�chappe, c�est boost� par un r�ve que les siens l�aideront � r�aliser : partir s�accomplir ailleurs, dans un pays lointain. Laissant, avec leurs b�n�dictions, ses parents � leur existence pour se faire une vie. Notre �colier aura eu le temps, pendant toutes ces ann�es qu�aura dur� son enfance puis son adolescence, de voir se forger les destins de ces gamins rieurs qu�il va retrouver sur les bancs de l��cole le jour de cette premi�re rentr�e. Les uns, encourag�s par le fatalisme de leur famille, ne feront rien, ils seront �ject�s tr�s vite de l��cole et iront peupler les rues des grandes villes � la recherche d�un coup � faire, d�une rapine. Ils iront, plus tard, grossir les rangs des d�linquants lib�r�s g�n�reusement � chaque festivit�. S�ils ne d�couvrent pas entretemps La Voie Royale, combien plus lucrative et g�n�reuse : le terrorisme. R�citer quelques versets en assassinant un pauvre policier, un jeune appel� ou un gendarme puis se repentir et jouir ainsi des avantages d�une loi inique. Les autres, tous les autres, ceux qui auront rejet� le vol, le meurtre, le suicide, l�engluement n�auront qu�une issue : elharga, l�exil pour �chapper � l�injustice de voir s��taler tant de richesses et ne pouvoir y avoir droit, il vaut mieux la vivre chez les autres, elle fait moins mal. L�ostentation face � la mis�re, l�accomplissement face au d�sespoir, l�impunit� face � la prison (s�ils �chouent). En face, un pouvoir qui s�enorgueillit de stocker des milliards de dollars mais est incapable de g�rer une situation g�n�r�e par lui : corruption, crimes �conomiques, d�tournements, violence, ch�mage, pauvret� av�r�e � n�en d�plaise � notre ministre des Affaires religieuses �, des hommes politiques qui s�arrogent le droit de se faire Pope ou Pape - alors que l�Islam n�en a pas - pour d�clarer le hidjab obligatoire (dixit Bouguerra Soltani), une justice malmen�e mais qui refuse de se rendre, un m�pris pour les enfants, pour les vieux, pour les pauvres, pour la fragilit�, les id�es. Bien triste cette premi�re rentr�e.
L. H.-B.
* Ecrivain

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