Chronique du jour : CHRONIQUE D�UN TERRIEN
La grande harba (XX)
Par Ma�mar FARAH
farahmaamar@ymail.com


Forts de leurs �mahchoucha�, le chef des tangos et une mamie amie p�n�trent sur le terrain pour tirer des penalties. Nous sommes men�s au score (3 � 0). C�est la pause et le buveur de Jack Daniel�s nous proposa une autre strat�gie. Il nous faut gagner si nous voulions avoir la vie sauve�
Au cours de cette pause historique, Mouh Dribble Tout, �ject� du si�ge de coach, fut tellement malheureux qu�il en pleura � chaudes larmes. Puis, retrouvant ses habitudes, il dribbla tous les joueurs, l�arbitre, deux ch�nes, les d�combres de la moissonneuse-batteuse et m�me l�une des femmes du BPB qui se trouvait sur un vieux lit �rig� en seconde tribune d�honneur. La chose ne fut pas appr�ci�e par le BPB qui tira deux coups en direction du gars. Il fut inhum� aussit�t avec cet �pitaphe : �Il dribla tout, mais la mort finit par le dribbler !� D�embl�e, nous attaqu�mes. Je re�us une balle en or sur l�aile gauche, mais, au moment d�avancer, un chien berger de la taille d�un tigre me sauta dessus, m�emp�chant d�aller plus loin. A l�aile droite, m�me sc�nario, un pit-bull colossal suivait au pas notre ailier et d�s que ce dernier s�approchait du poteau de corner, le molosse le happait violemment. Nous nous plaign�mes au referee qui arr�ta la partie pour consulter le quatri�me arbitre qui n��tait que le� BPB lui-m�me. Ce dernier fit l��loge de la FIFA et dit d�un air assur� : �Heureusement que nous avons la possibilit� de consulter la vid�o, selon les derniers r�glements.� Les salauds avaient tout pr�vu. Ils montr�rent une vieille cassette � l�arbitre en lui faisant croire que c��tait une r�p�tition des derni�res images du match. On y voyait l�ailier droit en train de faire des signes � la seconde �pouse du BPB, vautr�e sur un autre lit avec sa marmaille. Choqu�, l�arbitre donna un carton rouge � notre joueur en nous traitant de menteurs : �O� sont les chiens ? Vous �tes des affabulateurs !� Le BPB demanda une sentence plus lourde et comme il �tait le quatri�me arbitre, il la pronon�a en ces termes : �Nous allons t�attacher comme un chien aux poteaux de nos bois. Tu auras pour mission de mordre les joueurs de ton �quipe quand ils s�approcheront de notre goal.� Je ne le connaissais pas tr�s bien ce pauvre ailier droit mais je fus choqu� de le voir � quatre pattes, un collier au cou, aboyant � faire r�veiller des morts� Spectacle pitoyable qui fut comment� par le pied-noir en ces termes : �De toute ma carri�re de plongeur � la buvette du Stade de Reims, je n�ai rien vu de pareil !� Sur ce, un �v�nement de taille se produisit. L��mir malheureux qui �voluait en attaquant avanc� re�ut une balle anodine qu�il tira sans conviction� et comme le keeper adverse �tait en train de jouer avec le chien� pardon, notre ailier droit, en lui tendant un os qu�il retirait aussit�t, provoquant la col�re du gars qui aboyait de plus en plus fort, la balle n�eut aucune difficult� � rentrer dans les filets. Trois � un ! Nous jubilions ! Mais l�arbitre ne siffla pas le but ! Il inventa, encore et encore, de nouveaux r�glements : �Une balle peut tr�s bien franchir la ligne de but. En fait, si l�on analyse l�angle de vision et l�ombre du poteau, projet�e par le soleil � son z�nith, et en consid�rant les particularit�s du solstice d��t�, on peut consid�rer que c�est un but. Or, je n�avais pas d�angle de vision parce que j��tais en train de lire un SMS envoy� par la f�d�ration �gyptienne. Secundo, le soleil n��tait pas � son z�nith. Tercio, nous ne sommes pas au solstice d��t� mais � celui du printemps ! Donc, pas de but. Et si vous voulez consulter la vid�o chez le quatri�me arbitre, il n�y a pas de probl�me�� Impossible de marquer le moindre but avec un vendu pareil ! Impossible de gagner : il fallait tout de suite un plan d�urgence pour nous tailler avant la catastrophe qui avait pour nom Ali l��gorgeur� Personne ne pr�ta attention � Meriem El Aggouna qui avait quitt� ses bois pour se rendre aux bois en compagnie du BPB, s�attirant les foudres des trois femmes du barbu qui s�agitaient dr�lement sur leurs lits, provoquant des grincements m�talliques d�enfer. Qu�est-ce qu�elle mijotait. Nous l�ignorions pour le moment. Mais, � son retour de la for�t, nous f�mes �tonn�s de voir le BPB demander une interruption de la partie et rassembler aussit�t ses joueurs pour leur servir un �lixir dont il disait qu�il allait d�cupler leurs forces. Le r�sultat fut tout � fait le contraire. Les onze footballeurs et les trente apprentis qui les soutenaient sur le terrain furent pris d�une terrible envie de dormir. Ils n�arrivaient plus � courir, ni � marcher. Ils titubaient et tombaient un � un. Ils ne r�agirent m�me pas lorsque notre ailier droit les mordait. Le buveur de Jack Daniel�s s�en donna � c�ur joie. Il marqua, � lui seul, quatre buts. Le dernier �tait un chef-d��uvre. Il se pr�senta seul face aux bois mais au lieu de tirer le ballon, il se coucha par terre et l�envoya au fond des filets d�une petite t�te qui souleva les applaudissements de nos supporters, revigor�s par notre r�veil ! Personnellement, je n�avais pas l�esprit fantasque du pied-noir. D�s que j�avais un ballon, je marquais un but sans chercher � me compliquer la vie. Facile, puisque les bois �taient d�sert�s. M�me notre ailier droit, attach� au poteau, eut sa part du g�teau. Il r�cup�rait toutes les balles perdues de son c�t� pour les transformer en jolis buts ! Nous en �tions � 14-3 lorsque la deuxi�me femme du BPB quitta son lit et se pr�senta sur le terrain avec ses quatre gosses : �Je veux tirer des penalties, moi et mes enfants !
- Finie la com�die !� lui r�pondit Meriem El Aggouna en la giflant et en donnant des coups de pied l� o� �a fait mal aux garnements. Tout le monde se tourna vers le BPB. Qu�allait-il faire ? Rien, puisqu�il �tait inconscient. Le buveur de Jack Daniel�s en profita pour en d�coudre avec l�arbitre au pyjama ray�. Il le fouetta avant de lui faire avaler les pr�tendus r�glements de la FIFA qu�il consultait pour nous humilier. Puis, il l�attacha aux bois adverses et demanda � tous nos joueurs de lui balancer des balles puissantes sur le visage. C��tait la f�te. Les Chinois venus de Melbou, Cap Aokas et El Kseur pour nous encourager envahirent le terrain en chantant des hymnes � notre gloire. Mais Meriem El Aggouna mit fin aux c�r�monies improvis�es pour la circonstance, en nous appelant au calme et � la retenue : �C��tait le moment de se tailler : ils vont se r�veiller bient�t et je ne voudrai pas �tre l��� Nous quitt�mes nos amis, apr�s avoir vers� du miel sur l�arbitre. Les mouches et autres bestioles ne tard�rent pas � envahir le stade� Direction : Taihzou (ex-Tizi-Ouzou). Nous n�avions plus peur des barbus. Ils �taient cantonn�s dans les hautes montagnes. Mais les gendarmes �taient toujours � nos trousses. Il fallait �viter les grandes routes et les agglom�rations urbaines. Nous f�mes une halte dans un fastfood de Khahra Kuinming tenu par un ancien pirate des mers de Chine qui nous servit un succulent r�ti de serpent � sornette avec sa sauce de brocolis � la mode de Fr�ha. Le pied-noir �tait ravi de retrouver la civilisation. Il demanda du vin et on lui servit un royal �Domaine de Kalbelouz, cuv�e 1962� : �Ah ! c��tait l�ann�e o� nous quittions ce paradis�
- Mange et tais-toi, buveur de vin ! � lui dit d�un air contrari� l��mir.
Le proprio alluma la radio sur la station d��Azzefoun Voice of China�. C��tait l�heure des infos. Le pr�sentateur �voqua les �meutes qui venaient d��clater sur les hauteurs d�Alger-Peking, troubles dus � l�entassement des Chinois r�cemment arriv�s dans des b�timents datant de l��poque coloniale. La bidonvilisation de la capitale de l�ancienne Alg�rie a fait pousser, partout, des no man�s land de mis�re et d�exclusion qui contrastaient avec les palais achet�s � coups de dizaines de milliards par les dames de la Nomenklatura, y compris, parfois, des villas class�es patrimoine national ! Le Sard�le que j��tais s�en �mut et quelques larmes coul�rent sur les joues de Meriem, Jack et l��mir. �Ces pauvres Chinois m�ritent qu�on les �coute. Tout ce que sait faire le gouvernement de Ouahibelkha, c�est d�envoyer les Casques bleus, comme le faisait celui de Belkhadouahi !� commenta Meriem. Nous d�cid�mes d�envoyer un message de soutien aux enfants des �Maisons du soleil�, l� o� le soleil ne p�n�tre jamais�
�Encore un chahut de gamin ?
- Non, r�pondis-je. On ne refait jamais l�histoire�
- Au fait qu�est-ce que tu as servi au BPB et � sa troupe ? demanda le pied-noir � Meriem.
- Un somnif�re dans une bouteille de Jack Daniel�s
- Quoi ? Tu en avais une ? Tu l�avais cet �lixir, cette eau de vie enchant�e, cette boisson divine, et tu l�as gaspill�e comme �a ? Esp�ce de��
A suivre
M. F.

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