Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
Diar Echems : le ghetto avant les grands boulevards ?
Par Boubakeur Hamidechi
hamidechiboubakeur@yahoo.fr


Ce n�est d�j� plus un chagrin collectif partag� dans une muette r�signation mais de l�indignation civique qui a simplement choisi ses propres armes pour s�exprimer. Lorsque tous les recours sont �puis�s, et qu�il devient insupportable d�attendre plus longtemps, la violence devient presque l�gitime.
Charg�s jusqu�� la gueule par les mensonges de l�administration les gens de Diar Echems avaient-ils un autre choix que l��meute ? Un coup de grisou aux portes de la �maison du pouvoir� qui fait �cho aux explosions cycliques de la province et en amplifie le sens. Un t�moignage, de �vive voix� dirons-nous, de l�insoutenable sentiment de rabaissement moral qui ronge cette multitude d�Alg�riens au-dessus de tout soup�on. D�senchant�s mais en col�re d�avoir eu � subir dans l�impunit� voire la complicit� la magouille et l�iniquit� pour acc�der � un toit. Ah ! ce spectacle des couches sociales modestes en permanence exclues des b�n�fices d�une douteuse politique sociale � g�om�trie variable. Mais regardez ces gens qui qu�mandent aux portes des mairies et d�cryptent d�sesp�r�ment les listes des attributions ! Regardez- les comment ils ont cess� de grandir dans leur propre estime en conc�dant le peu qui leur reste de dignit� juste pour plaider leur cause aupr�s de quelques �chefaillons� de l�administration ! Signe des temps de grand malheur, ils viennent tous des strates paisibles et laborieuses de la soci�t�. Ouvriers, petits fonctionnaires sans relations influentes et trentenaires � peine int�gr�s au monde du travail, ils partagent en commun le �mauvais� profil aupr�s des r�seaux de trafiquants du logement social. Anecdotiquement chaque province du pays poss�de sa mafia en col blanc qui filtre � son profit les listings ponctuels des heureux b�n�ficiaires d�un �chez soi�. Une activit� parall�le r�mun�ratrice aussi bien pour certains �lus locaux que pour quelques fonctionnaires d�autorit� et sans scrupules. Un sport national qui se pratique dans les bureaux feutr�s des mairies et des da�ras mais dont sont justement exclus ceux qui ont eu le plus besoin. Somm�es d�attendre ind�finiment le prochain quota, les cat�gories sociales en question patienteront vainement. Et pour cause entre les � recommandations � secr�tes qui caract�risent le n�potisme et les traficotages de toutes sortes conclus par des pots-de-vin, il n�y a pas de place pour les solliciteurs ne sachant du �droit� que la voie l�gale. De cela et de bien d�autres d�r�glements de la justice et de l��quit�, le pouvoir politique en conna�t parfaitement les m�canismes. Le laxisme dans lequel il se complait s�apparente par cons�quent de plus en plus � de la fuite en avant. Celle qui acc�l�re, apr�s chaque soul�vement spontan� des populations, la rupture de la confiance en l�Etat. Un d�litement qui pr�pare son effondrement. Les brasiers qui s�allument et se multiplient � la faveur du moindre d�ni de justice ne sont-ils pas autant de d�mentis � ses explications r�ductrices ? La mont�e en puissance de la col�re et la radicalisation des contestations, qu�elles soient corporatistes (enseignants) ou tribales (le M�zab), sont des indicateurs fiables pour attester du recul de l�Etat et du retour au premier plan de la soci�t� civile. A cran elle est de nos jours accul�e � faire le pire des constats : celui de l�insondable �chec des politiques successives du r�gime. En voulant chaque fois expliquer les fi�vres sociales par des causes secondaires, le pouvoir d�dramatise comme il peut. Sacrifiant ici un maire, l� un chef de da�ra ou m�me un wali, il abuse des fusibles quand c�est le compteur de la gouvernance qui est une cause. Or la panne est d�sormais tellement �vidente qu�il a peu de marge pour �retourner� l�opinion � son profit. Une d�sob�issance civique comme celle qui vient d�exploser au c�ur de la capitale est une signature qui doit le mettre en garde. Qu�un wali tatillon et un maire impr�voyant fussent � l�origine du d�sastre de Diar Echems ne doit pas occulter le feu roulant de la contestation embrasant l�ensemble du pays. La seule explication est n�cessairement r�sum�e par le vocable �divorce �. Celui qui signifie la rupture de confiance dans le pacte politique pass� entre les ��lecteurs� et les dirigeants. En s�affranchissant petit � petit des devoirs induits par l�ordre et la loi, une bonne part de la soci�t� manifeste justement contre les incessantes d�rives de l��thique d�Etat. L�interconnexion des institutions et de l�affairisme ayant atteint un seuil intol�rable, le pays ne pouvait que sombrer dans la remise en cause radicale. C'est-�-dire le rejet par la violence des attributs m�mes de l�Etat ! La peur, transcend�e par le d�sespoir, l�on n�h�site plus � en d�coudre violement pour se faire entendre, enfin. La rue et ses affrontements ne sont plus des exutoires mais des tribunes en l�absence de m�diation politique (les partis) dans l�espace public. Parfois m�me cette rue ne s�embarrasse gu�re de revendications claires pour bouger. Comme quoi elle est aussi capable de faire du d�ficit de dol�ances le meilleur manifeste pour le changement. Plus qu�un paradoxe qui ne g�ne uniquement que les ratiocineurs, ces �occupations� seraient annonciatrices de quelques lendemains terribles. Face � ces non-dits �limpides� combien faut-il encore d��meutes pour que le message parvienne � destination ?
B. H.

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