Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
Entre minbar et banc de touche
Par Ahmed HALLI
halliahmed@hotmail.com


Je m'imagine la d�ception des millions d'Alg�riens apr�s la d�faite inattendue de l'EN au Caire. Si l'Alg�rie a perdu, ce n'est pas parce que Dieu a fait la passe d�cisive � l'�quipe �gyptienne, championne de la prosternation tous azimuts. Sur le plan de la d�votion, nous faisons d�sormais jeu �gal avec nos adversaires, au point de semer la confusion dans la comptabilit� c�leste. Seulement, nous ne sommes pas de force � lutter contre les Egyptiens sur ce terrain-l�.
Voyez le succ�s du �flyer� repr�sentant le joueur vedette Zidane, mains tendues et implorantes vers le ciel, avec cette invocation �ya Rab�, qui n'a pas n�cessairement la m�me signification chez nous. C'est ainsi que l'on met la providence et les prieurs de son c�t�. Franchement, les enfants, n'essayez pas de rivaliser avec les �sadjidines� sur le plan de la prosternation. �Forts alikoum bezzef�, trop forts pour vous, m�me si votre pi�t� surpasse, au fond, la leur et qu'elle r�siste mieux aux tentations qui les taraudent dans leurs h�tels. Et puis, vous avez cet entra�neur, malencontreusement appel� �Cheikh�. Il oublie souvent qu'il a �t� appel� pour mener nos joueurs � la victoire et non pas pour diriger les pri�res du haut de son minbar. Combien Sa�dane a-t-il re�u d'avertissements pour s'�tre hasard� trop pr�s du terrain de jeu ? Je vais vous le dire, aucun. Parce que l'entra�neur national est litt�ralement riv� � son banc, ne bougeant m�me pas pour se d�gourdir les jambes. Shehata, l'Egyptien, se d�menait comme un beau diable, dans les derniers moments du match, pour haranguer ses joueurs. Il a peut-�tre moins de sens tactique, moins de roublardise que Sa�dane, aux dires de nos commentateurs sportifs, mais il a de la pr�sence. Et c'est ce qui a pay� ce samedi au stade du Caire, alors que les Egyptiens y croyaient encore et que certains joueurs alg�riens avaient d�j� un pied en dehors du terrain. Il y a des moments comme celui-l� o� les �chafaudages �labor�s en laboratoire et � l'entra�nement ne suffisent pas. On s'en aper�oit ais�ment en revoyant ces temps morts, g�n�reusement accord�s par l'arbitre sud-africain, d�sormais surnomm� �Monsieur six minutes�. Il fallait, il faut donc tenir compte de ces impond�rables et, surtout, comprendre pourquoi nos joueurs si dou�s et si talentueux s'effondrent souvent en fin de match. R�capitulons une fois : les Egyptiens savent solliciter le ciel mieux que nous, et ils proclament ouvertement que leurs joueurs et leur peuple sont des monuments de pi�t�. Ce qui n'est pas notre cas, a contrario, m�me s'ils rappellent in fine que nous sommes �fr�res par le sang et par le religion�. Car dans ce cas, faut-il le rappeler, les Coptes d'Egypte et les trente-cinq protestants d'Assi-Youssef comptent pour du beurre. Sur le terrain, l'entra�neur de l'Egypte, Shehata , communique mieux et a plus de contact avec ses joueurs. Ce que ne fait pas le �Cheikh� Sa�dane, � notre connaissance, � moins que ses joueurs soient nantis d'oreillettes ultras discr�tes. Il est certain, toutefois, que les Alg�riens sont individuellement plus forts que leurs adversaires �gyptiens, mais si on reconduit le sch�ma du Caire, ce ne sera pas facile � Khartoum. On peut se demander, au demeurant, pourquoi la Fifa a choisi Khartoum comme �terrain neutre�. Il faudra compter avec l'improbable neutralit� du public, g�ographiquement et historiquement plus proche de l'Egypte que de l'Alg�rie. Car m�me si Omar Al-B�chir, pr�sident du Soudan, est l'ami de Bouteflika, aux dires des fervents supporters de la tyrannie, il est encore plus l'ami de Hosni Moubarek. Or, ce dernier a beaucoup plus � perdre en cas d'�limination de l'Egypte. Au passage, j'ai particuli�rement appr�ci� samedi soir le trait d'ironie de l'ancien international Chabane Merezkane � propos du Soudan. �Oui, je sais que le Soudan est un pays fr�re, a-t-il dit, mais � force de jouer dans les pays fr�res, l'�quipe nationale va �tre d�cim�e�. Dans le climat d'euphorie qui suivrait une �ventuelle qualification de son pays au Mondial, Moubarek pourrait faire passer plus facilement son projet de hisser son fils Djamel sur le tr�ne d'Egypte. Ce qui n'est pas le cas de notre pr�sident qui ne pense, lui, qu'� bien finir son mandat actuel et � se pr�parer pour un cinqui�me si tout va bien. En attendant, une participation alg�rienne � une phase finale de Coupe du monde, �a vous redore le blason et �a coupe, pour un moment, l'envie de d�clencher des �meutes. Car, apr�s les harraga, l'engeance que craignent le plus nos gouvernants, c'est celle des �meutiers. Cette vari�t� qui n'a pas le pied marin se manifeste trop souvent dans les grands centres urbains et sous les projecteurs des t�l�visions �trang�res. Cela dit, la Fifa a eu tort de faire jouer quand m�me le match, en d�pit des graves incidents de jeudi dernier. Il faut noter aussi que les protestations du gouvernement alg�rien ont �t� un peu faiblardes et n'ont pas donn� l'impression d'un pays d�sireux d'aller jusqu'au bout. Ce qu'ils auraient d� faire, au moins pour la forme, � partir du moment o� la duplicit� des autorit�s �gyptiennes a �t� d�montr�e. Quelques rappels : jeudi, en d�but de soir�e, le quotidien Al- Ahramet l'hebdomadaire Alyawm Essabaamettent en doute la r�alit� de l'agression dans leurs �ditions �lectroniques. Ils affirment, citant des sources non identifi�es, que ce sont les joueurs alg�riens eux-m�mes qui ont saccag� le bus qui les transportait. L'hebdomadaire met en ligne plusieurs articles d�non�ant le "complot" alg�rien. D�s le lendemain matin, la th�se prend forme et elle est officialis�e par les autorit�s polici�res. Selon cette th�se, alors que l'autobus se dirigeait tranquillement vers l'h�tel, les joueurs alg�riens se sont mis � briser les vitres et le pare-brise du bus avec des extincteurs. C'est en tentant de saccager le v�hicule que quelques joueurs se sont bless�s. T�moin providentiel et h�ros improvis�, le chauffeur du bus, Egyptien bien s�r, a r�agi en bon patriote soucieux de prot�ger les bus de son pays. Le conducteur a donc l�ch� son volant pour aller se colleter avec les joueurs alg�riens et les emp�cher de continuer � saccager le bus qui continuait � rouler. Car ce bus est muni, semble-t-il, d'un syst�me de pilotage automatique comme les avions. C'est du moins la conclusion des journalistes pr�sents � la suite de ce r�cit rocambolesque. La t�l�vision �gyptienne va s'emparer, �videmment, de cette th�se et elle diffusera m�me un montage vid�o, dans lequel elle reprend sans vergogne des images film�es � l'int�rieur du bus par Rafik Sa�fi lui-m�me. Heureusement que cette vid�o, qui prouve la r�alit� de l'agression, avait �t� diffus�e d�j� sur la Toile bien avant son exploitation honteuse par la t�l�vision �gyptienne. On peut relever que le Festival international du cin�ma du Caire se tenait � quelques encablures de l�, ce qui a peut-�tre inspir� les affabulations �gyptiennes. Arrive, enfin, le t�moignage incontestable et incontest� du d�l�gu� de la Fifa qui met � terre L'invraisemblable sc�nario �labor� par la police, fignol� par les m�dias, et accept� par toute l'Egypte comme v�rit� d'Evangile, pardon du Coran. En d�pit de tout ceci, les aveux implicites des Egyptiens euxm-�mes et le rapport accablant de son d�l�gu�, la Fifa a maintenu la rencontre. Sur les sites Internet, pendant ce temps, les supporters �gyptiens ont continu� � accuser les Alg�riens d'avoir simul� l'agression. Emport� par son patriotisme, un Egyptien a lanc� : �Arr�tez de parler de pays fr�res, nous sommes l'Egypte des Pharaons et eux, c'est l'Alg�rie des Amazighs�. Si seulement on avait su �a auparavant, on se serait s�rement �pargn� toutes ces �motions et toutes ces ranc�urs, mes bien chers fr�res.
A. H.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable