Sports : CONTRIBUTION
Aux descendants des pharaons
Par Rabah A�t Hamouda*


Merci et grand merci !
D'avoir jet� des pierres � l'�quipe nationale comme monnaie aux roses re�ues � Blida. Mais il y a un point que vous avez n�glig�. L'Alg�rien est un grand patient. Il supporte beaucoup de choses. Il supporte des si�cles de colonisation, un parti unique tout cousu, un multipartisme d�cousu, la hausse des prix, des salaires de mis�re et bien d'autres.
Mais il y a une chose que l'Alg�rien ne supporte pas mais alors pas du tout : c'est �el hogra�. Ce sentiment est � l'origine de toutes nos r�voltes. Il ne fallait surtout pas toucher � cet interrupteur. La r�action est impr�visible. Elle peut �tre imm�diate, �pidermique, sans �tat d'�me et quand cela n'est pas possible, elle est contenue comme une blessure au fond des c�urs et � la moindre occasion, elle explose comme l'Etna. L'Alg�rien rentre alors dans un autre �tat ; il oublie les �corchures de la vie, ses diff�rends avec le voisin et ceux qui ne pensent pas comme lui. Ce n'est plus un d�bat d'id�es, le temps n'est plus aux id�es, il est � la col�re. Merci et grand merci ! Cela m'a permis de voir mon pays euphorique dans ses douars les plus recul�s, rire, danser dans les rues, tard dans la nuit. Sc�nes oubli�es car interdites depuis plus de vingt ans. Comme c'est beau de voir tous ces jeunes s'�clater. Des filles qui dansent et qui chantent dans la rue ! Des jeunes qui r�gulent la circulation ! Partout le stationnement est permis et gratuit. C'est inimaginable. Aucune agression, aucune injure, aucun mot d�plac�. Qui aurait dit qu'un jour on vivrait un moment pareil ? C'est le shoot collectif. Merci encore, cela m'a permis de voir que l'Alg�rien est encore en vie. Merci et grand merci ! Cela m'a permis de voir des milliers d'Alg�riens � la place du 1er-Mai et sur la moutonni�re attendre l'arriv�e des joueurs sans heurts ni d�rapages. Cette place et cette autoroute qui ont plus v�cu des r�voltes et des marches agit�es que des liesses. Et ce jour, les kamikazes �taient de la f�te ou... en cong�. Merci et grand merci ! Cela m'a permis de voir que les Tunisiens, les Marocains sont des n�tres et qu'ils se sont rang�s en voisins avec tout le sens culturel que nous connaissons. Du coup, je me suis senti maghr�bin et fier de l'�tre. D'ailleurs, vous le reconnaissez bien en nous traitant de Maghr�bins ne connaissant pas l'arabe et parlant cr�ole (Inahoum ila maghariba layouhssinoun el arabia ou yatakalamoun lahajat). C'est vrai aussi que le couscous est bien maghr�bin et n'arrive pas jusqu'au Nil. Et bien, tant pis pour vous. Nous les f�ves on n'aime pas trop. Merci et grand merci. D'avoir d�clar� : �Nahnou Faraiina ouahoum ila barabir� (nous, nous sommes des pharaons, eux ce ne sont que des berb�res). Merci et grand merci de m'avoir permis d'entendre certains Alg�riens � la cravate aux petits pois, humili�s se reconna�tre enfin comme Berb�res ; eux qui ont �t� affin�s comme des fromages dans vos universit�s ba�thistes, qui ne juraient que par l'arabit� dans la langue, l'origine et la nation. Am�re d�ception pour eux qui voyaient dans le pays du Nil le mod�le et le moteur de la grande nation arabe, cette grande nation qui d�tourne la t�te quand les obus s'abattent sur Ghaza et le Liban. Merci pour cette r�conciliation de l'Alg�rien avec sa berb�rit�. Merci et grand merci. De crier � MISR OUM EDOUNIA� et de rappeler cet ego servi comme �pice � tous vos cours et discours pour faire oublier les autres grands lieux de l'Islam. Pauvre Bagdad, pauvre Cordoue, pauvre Samarkand. Pour vous, Bagdad n'est plus qu'un �pisode des Mille et une nuits, l'Andalousie n'est plus qu'une excursion et Samarkand n'est plus qu'une escale sur la route de la soie. Merci et grand merci de m'avoir permis de lire des Alg�riens r�volt�s rappeler qui a construit El Azhar, qui a conquis l'Andalousie. Et bien figurez-vous, ce sont de fretins berb�res, maigrichons, noueux, et col�reux. Cela me rappelle la r�plique du feu chanteur du Tassili Othmane Bali � un �gyptien z�l� rapport�e par Khalida Toumi : � Idha misr oum edounia, El Djaza�r yemet yemaha� (si l'�gypte est la m�re du monde, l'Alg�rie est la m�re de sa m�re). Et cette r�ponse d'un officiel politique r�pondre que l'Histoire de l'Alg�rie ne s'�crit pas sur des ruines, mais sur des combats. Et puis celle d'un �tudiant un peu coquin : �Idha misr oum Edounia, fa El Djaza�r abaha� (si l'�gypte est la m�re du monde, l'Alg�rie en est le p�re) na ! Merci et grand merci ! Cela m'a permis de voir comme on est capables de g�rer un mouvement de rue de dimension nationale sans heurts ni d�passements, d'organiser un pont a�rien pour des milliers de personnes en un tour de main. Et pourquoi ne l'a-t-on pas fait jusque-l� ? Peut-�tre, c'est qu'on n'a pas voulu le faire, ou bien qu�on n'a pas su le faire, ou bien qu�on n'a pas eu l'occasion. Manipulation disent certains, r�cup�ration disent d'autres. Sinc�rement, manipuler des millions d'Alg�riens de tous bords confondus ce n'est pas une sin�cure car chaque Alg�rien a une R�publique dans sa t�te. Il faudrait reconna�tre l'intelligence de celui ou de ceux qui l'ont fait. R�cup�ration ? Peut-�tre, mais si l'on ne r�cup�re pas un ph�nom�ne d'une telle ampleur que les plus anciens ne se souviennent m�me pas avoir v�cu le jour de l'ind�pendance, vous serez emport� par le tsunami. Mais attention, c'est du v�ritable surf sur de grosses vagues, il faut bien avoir les pieds sur la planche et avoir le sens de la glisse. Vous passez la premi�re vague, la suivante peut vous emporter. L'Alg�rien a encore affirm� son amour pour la nation, sa coh�sion dans l'adversit�, sa solidarit� et son sacrifice pour les couleurs. Il a prouv� son nationalisme. Nul besoin de lever et baisser les couleurs nationales chaque jour dans les �coles, n'en d�plaise � certains qui ont import� l'id�e. Mais le grand d�fi, la plus grande intelligence reste � montrer : le sentiment existe, le d�clic s'est fait, reste � trouver le bon mode d'emploi. Imagine cet esprit dans le travail, Imagine cet esprit dans les entreprises, Imagine cet esprit dans les h�pitaux Imagine cet esprit dans la gestion des biens collectifs. Imagine cette solidarit� au quotidien dans la rue. Imagine ce respect envers les femmes Imagine, imagine, imagine �a rappelle quelque chose non ? Allons, Jane B�z ou les Beatles J'esp�re que le lendemain ne soit pas celui d'une cuite Qu'importe, L'imagination est bien le propre de l'Homme.
R. A.-H.
* Dr Rabah A�t Hamouda
Professeur en Maladies infectieuses.
Etablissement public hospitalier, Batna.

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