Chronique du jour : CHRONIQUE D�UN TERRIEN
La grande harba (XXXIII)
Par Ma�mar FARAH
soirsat2@gmail.com


La Corne d�or n�avait pas chang�. C��tait toujours ce d�cor somptueux, d�ivoirin v�tu, plant� au milieu de l�azur de l�oc�an. Les bungalows s��tiraient sous un soleil de plomb et on avait l�impression qu�ils s��taient laiss�s aller � une longue sieste au bord de la mer qui s�essoufflait � leurs pieds. Nous avions choisi de passer la nuit ici. Le pied-noir courut vers le bar de la plage alors que Meriem pr�f�ra se retirer dans sa chambre. Quant � moi, j��tais parti faire un tour � travers cet immense village, histoire de sonder les souvenirs qui m�assaillaient de toutes parts.
Combien de fois �tais-je d�j� venu ici, lorsque ce complexe appartenait � l�ancien secteur public alg�rien ? Des dizaines de fois, soit pour y passer le week-end ou carr�ment pour les vacances d��t�. J��tais journaliste dans un quotidien de l�Etat et mon salaire n��tait pas particuli�rement fabuleux ; mais cela ne m�emp�chait pas de payer � ma petite famille des s�jours dans les plus grands complexes de la c�te alg�roise. Depuis l�arriv�e des Chinois, les prix s��taient multipli�s par 100 ! Maintenant, seuls les grands trabendistes pouvaient s�offrir ces h�tels et autres r�sidences de r�ve, imagin�s par le c�l�bre architecte Pouillon et construits � l��re du socialisme� Je pensais � tout cela en parcourant les grands espaces verts o� p�turaient quelques pur-sang arabes qui �taient devenus, par je ne sais quel miracle, des chevaux chinois ! C��tait du moins ce qu�indiquait une pancarte �crite en chinois et en anglais. Un gardien, ayant remarqu� que je tournais sans cesse autour de ces superbes animaux, s�approcha de moi et me demanda en alg�rien ce que je cherchais au juste. Je lui fis part de mon �tonnement quant � l�appellation de ces chevaux qui avaient tout des pur-sang arabe mais que l��criteau d�signait par le nom d�une esp�ce inconnue� Il m�expliqua alors que lorsque les Chinois arriv�rent pour remplacer les anciens Alg�riens partis en Sard�lie, ils trouv�rent ces chevaux dans un piteux �tat. Ils ne mangeaient plus depuis des semaines et leur aspect �tait pitoyable. Ils n�avaient plus que la peau sur les os. Ils s�attel�rent alors � soigner ces b�tes et � les faire manger convenablement. Le grand chef de la zone s��tendant de B�rard � Cherchell, un ancien communiste de la Garde rouge reconverti au capitalisme version Deng Xiao Ping (qui avait fait comprendre aux masses qu�il fallait travailler comme les capitalistes mais sans verser dans les exc�s de la � d�mocratie), Kdha Ou Lhih pensa alors qu�il �tait rentable de d�velopper le commerce de ces chevaux, tr�s pris�s en Europe�
- Mais �a ne r�pond pas � ma question�
- Attendez, j�y viens. A cette �poque, une vague de racisme et de x�nophobie s��tait abattue sur l�Europe comme un tsunami ! Et la principale cible fut l�Arabe. On le pourchassait partout. Un ancien tortionnaire du nom de Le Pen surfa sur la vague et utilisa m�me le drapeau de l�ancienne Alg�rie pour ses affiches �lectorales�
- Pourquoi ? L�ancien drapeau a �t� chang� ?
- Non, mais un chef responsable du pouvoir trouva l�id�e de dessiner des mosqu�es sur l�ancien drapeau int�ressante et hautement significative des valeurs authentiquement authentiques qui fondent le socle fortement fort qui porte les racines de la civilisation arabo-musulmane. Le Pen ne pensait pas que cette affiche allait donner des id�es au clan pro-islamiste du pouvoir d�ici. Le 18 octobre de l�ann�e derni�re, on changea le drapeau et maintenant, il est obligatoire d�ajouter les mosqu�es en forme de missiles !
- Bizarre, je n�ai pas remarqu� cela ! Continuez�
- Oui, en Europe, le terme Arabe �tait interdit. Et lorsque la premi�re cargaison de chevaux export�s par le grand chef Kdha Ou Lhih arriva au port du Havre, elle fut refoul�e � cause du mot �arabe�. Tout de suite, notre illustre gouverneur trouva la solution. Ces chevaux pur-sang ne seront plus arabes, mais� chinois !
- C�est de la b�tise tout cela ! Vous me racontez des histoires�
- Cette pancarte n�est pas une histoire. Et la prochaine fois que vous serez pr�s d�une administration, zyeutez le drapeau !
Je laissais ce gardien � son boulot et rejoignis le pied-noir qui �tait d�j� saoul. Je ne savais pas combien il avait pris de verres de Jack Daniels, mais visiblement, il avait d�pass� la dose habituelle. Il chantait � haute voix et cela attira l�attention de chef responsable du bar qui nous demanda de faire moins de bruit. Le pied-noir s��nerva et traita le gars d�un nom d�oiseau que je ne peux r�p�ter ici. Il faut vous pr�ciser que ce chef �tait taill� comme Hulk dans sa version verte. Et en tant que bon Chinois, il devait certainement s�y conna�tre en mati�re de kung-fu. La sc�ne se d�roula tr�s rapidement : le buveur de Jacks Daniels �tait assis � c�t� de moi. En quelques secondes, je le vis aller � gauche, puis � droite, s��lever, rebondir sur le tabouret avant de sortir comme un bolide, les bras tendus vers l�avant et de s�affaler sur l�herbe� L�autre, cette redoutable machine qui avait malax� mon ami, �tait rest� invisible durant tout ce cirque digne de The Mask. Ce n�est plus du kung-fu, c�est du �hr�ch b�nois� en acc�l�r� ! Le pied-noir se releva difficilement, en tenant ses reins. Il n�avait rien de cass� mais semblait mal au point. Je l�accompagnai jusqu�� sa chambre et l�, en allumant la petite lampe qui pendouillait dans le hall, devinez qui nous rencontr�mes ? Yemchi Wahdou, le traducteur officiel de la s�rie 5A, sorti le 14 mars 2009 des laboratoires Osratoc de Sidi Abdallah. Pour une surprise, c�en �tait une ! Le buveur de Jack Daniels se r�veilla de sa cuite :
- Yemchi Wahdou, qu�est-ce qui t�am�nes ici ? Tu vas nous arr�ter ?
- Non ! Moi robot officiel de la s�rie 5A�
- �a va, on conna�t la suite. Accouche�
- L�-bas, chinois int�gristes pas bons ! Ils ont trouv� leur Sidi ligot� et l�ont tortur� en le badigeonnant de miel et en l�chant des milliers d�abeilles sur lui�
- Pourquoi ? Ils ne le v�n�rent plus ?
- Non ! Allez comprendre la logique humaine� Ils ont dit qu�il n��tait plus capable d�assumer les fonctions de Sidi�
- Alors, pourquoi nous ont-il laiss� filer avec lui en otage. Rappelle-toi, tu faisais le traducteur : Meriem le mena�ait avec une mahchoucha et ils semblaient avoir peur pour sa vie�
- Allez comprendre logique humaine� En tout cas, moi, j�ai choisi de venir avec vous. Votre comportement ob�it � une certaine logique. Mes neurones �lectroniques ont analys� vos faits et gestes. Vous n��tes pas parfaits, mais vous �tes mieux que ces extr�mistes fanatiques !
- Doucement, doucement, tas de ferrailles ! Qui t�as dit que nous allions accepter ? Nous sommes recherch�s par les gendarmes et les policiers. En outre, les terroristes nous en veulent ainsi que la maffia chinoise du sinistre Touil Et Large de B�ja�a. Sans compter ces cingl�s de la for�t de B�rard !
- Je peux �tre utile. Je suis �quip� d�armes automatiques, d�un ordinateur de la derni�re g�n�ration reli� � un satellite pour le t�l�guidage � travers toutes les zones du globe, je suis connect� au r�seau en permanence. Je peux � l�instant vous donner tous les d�tails sur votre vie, d�rouler devant vous des kilom�tres de rouleaux de papier o� s�imprimeront vos CV et les principales �tapes de votre parcours, depuis la naissance jusqu�� votre ballet de tout � l�heure au bar. Vous pouvez m�utiliser comme moto, blind�, cuisine, fax, �crans de TV et de PC, t�l�phone� En appuyant sur un bouton, vous pouvez vous servir des rouleaux de printemps, une soupe p�kinoise ou�
- Non ! s�il te pla�t ! pas �a ! Y a-t-il un bouton pour le couscous�
- Pas de couscous. Il n�y a que des plats chinois. Mais cette cuisine est tr�s vari�e. Je peux vous proposer du canard laqu�
- Non et non !
- Impossible de r�pondre � votre demande. J�ai �t� construit pas des Chinois et mes programmeurs viennent du Cyber Centre chinois qui soustraite pour le laboratoire alg�rien Osratoc de Sidi Abdallah !
Le pied-noir m�appela et nous nous retir�mes dans un coin de la chambre pour d�battre de la question avant de rendre la r�ponse au robot. Fallait-il consulter Meriem ? Non, ce n��tait pas la peine. Depuis quand le peuple alg�rien avait le droit de dire son mot sur les grandes d�cisions ?
M. F.
(A suivre)

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