Chronique du jour : A FONDS PERDUS
La le�on de Berriane
Par Ammar Belhimer
ambelhimer@hotmail.com


La signature, le 29 juin dernier, de l�accord entre deux communaut�s religieuses dans la r�gion de Berriane, inaugure un nouveau type de compromis. L�accord paraph� �lors de la c�r�monie de signature qui s�est d�roul�e au si�ge de la Wilaya, dans un climat festif et fraternel auquel ont assist� des notables de la wilaya�, nous assure le quotidien La Tribune(*), porte la signature des porte-parole des deux communaut�s, ibadite et mal�kite, respectivement M. Daoud Bourguiba et Bachir Kouader, et du repr�sentant de l�Etat, en la personne du ministre de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales, M. Daho Ould Kablia.
Pour rappel, la r�gion de Berriane avait connu, en 2008 et 2009, des affrontements sporadiques entre jeunes, occasionnant des pertes humaines et la destruction de biens. Toujours selon La Tribune, rompant avec un usage consacr�, M. Daho Ould Kablia affirme qu��il n�y a pas de main �trang�re dans les �v�nements de Berriane, ce sont des personnes locales qui ont d�clench� ces hostilit�s ayant abouti � tous ces drames humains�. �Les affrontements entre jeunes des communaut�s mal�kite et ibadite ne rel�vent ni d�un probl�me id�ologique ni d�un probl�me religieux�, avait-il encore soulign�. �C�est un probl�me politico-social�, a-t-il conclu, critiquant l�absence des partis sur le terrain et fustigeant le manque de r�action des �lus locaux. Le bilan mat�riel occasionn� par les affrontements est lourd. Pour le Dr Daoud Bourguiba, chef du comit� des Ibadites, rapport� par Le Temps, �le bilan effectu�, qui reste encore provisoire, fait �tat de 360 maisons effondr�es et plusieurs commerces�. Le document appel� �Charte de Berriane� r�unit les repr�sentants des huit fractions (Achirate) ibadite et huit fractions mal�kites, qui constituent le tissu sociologique de la r�gion de Berriane. Le texte de deux pages est r�dig� en langue arabe, � partir de trois attendus : des versets du Coran, des Hadiths et des dispositions de la Constitution traitant de la cohabitation entre communaut�s diff�rentes, du respect et des avantages qu�elles tirent � se conna�tre plut�t qu�� s�affronter, du devoir sacr� de tout musulman de respecter �le sang, les biens et l�honneur� d�un autre musulman et de s�abstenir de lui nuire �par le verbe ou le geste�. La Charte renvoie par ailleurs aux articles 29 (�galit� des citoyens devant la loi) et 63 (exercice des libert�s dans le respect de celles d�autrui) de la Constitution. Le cadre l�gislatif revendiqu� et �tabli est celui de la Charte de la paix et de la r�conciliation nationale.
Dix r�gles ont �t� convenues :
1- Respecter la feuille de route sign�e le 31 mars 2009.
2- Eradiquer la violence sous toutes ses formes et cultiver l�esprit du dialogue constructif.
3- Refuser l�instrumentalisation des constantes religieuses et nationales pour mettre le feu de la �fitna� et r�gler des comptes.
4- Intensifier les efforts pour combattre les fl�aux sociaux et tout ce qui porte atteinte � l�int�grit� des personnes, � la s�curit� de leurs biens, � l�ordre et � l�int�r�t g�n�ral.
5- Enraciner et g�n�raliser la culture de la paix, propager l�esprit de tol�rance et de dialogue entre les g�n�rations, respecter les particularismes et les cultes sacr�s.
6- Conf�rer la priorit� au principe du recours � la m�diation (ou de r�glement amiable, �ihtikam lissolh �) dans la solution de tous les conflits.
7- Poursuivre le dialogue de fa�on organis�e pour vaincre tous les facteurs de troubles, la concertation entre les deux communaut�s et les �lus de la commune de Berriane pour l�identification et la prise en charge effective des pr�occupations des citoyens dans un cadre d�mocratique participatif appropri�.
8- Inviter les parties, les �lus, les associations et les citoyens � prendre leur responsabilit� dans le soutien et l�application de la charte.
9- Faire de la charte un engagement solennel � consacrer le bon voisinage et � raffermir les fondements de la fraternit� et de la coop�ration.
10- Adopter le slogan : s�entraider pour r�aliser ce qui a �t� convenu et s�abstenir de tout affrontement autour de ce qui peut s�parer, dans le respect mutuel des divergences de vues.
La Charte est conclue par un verset coranique invitant les parties au �trait� � respecter leurs engagements (verset 34).
M. Ould Kablia, le ministre de l�Int�rieur et des Collectivit�s locales, y voit un accord � caract�re �moral et juridique�, �le fruit de nombreuses n�gociations et m�diations entre les notables et les sages�. Il est ainsi reconnu � d�autres acteurs que l�Etat le pouvoir de contracter dans les op�rations de maintien de l�ordre, m�me si ce pouvoir n�implique pas n�cessairement un transfert de pr�rogatives dans la mise en �uvre des cons�quences de l�accord, qu�il s�agisse de l�amnistie ou de l�indemnisation. L'amnistie requise pour lib�rer les d�tenus rel�ve du minist�re de la Justice et une d�cision politique est sollicit�e. �Nous �uvrons dans ce sens�, a assur� M. Ould Kablia. Concernant l'indemnisation des commer�ants, le ministre souligne que l'op�ration est en cours selon les crit�res arr�t�s. Le ministre ne donne pas une appr�ciation exacte des pertes occasionn�es lors des affrontements, et se contente de dire qu'elle est cons�quente. Quel r�le revient alors ici � l�Etat ? D�abord celui de t�moin (!) : �Les deux parties nous prennent comme t�moins pour cette r�conciliation d�finitive devant permettre de se consacrer au d�veloppement �conomique, social et culturel de la r�gion dans la qui�tude et la s�r�nit� �, a soulign� M. Ould Kablia. Une grande partie de l�opinion publique adh�re certainement � la lecture qu�en fait notre confr�re �ditorialiste de Libert� et exprime les m�mes inqui�tudes que lui : �Dans la perspective historique, il y a comme un paradoxe � f�ter un acte de r�gression communautaire ou tribale, juste parce qu�il jouit de la b�n�diction de la R�publique et que, celle-ci, se d�savouant comme autorit� exclusive et nationale, se contente d�en tirer quelques politiciens dividendes ! La promotion de la communaut�, quel que soit le lien qui fonde sa solidarit� et sa force (confessionnel, tribal, ethnique, �conomique) comme acteur r�gissant, au d�triment du citoyen, objet exclusif de la R�publique, est le signe de l�affaissement des institutions officielles. F�ter une esp�ce d�accord d�armistice, dans un cadre r�put� r�publicain o� l��tat est r�put� d�tenir le monopole de la violence comme celui de la s�curit�, c�est faire passer une concession sur les pr�rogatives de l��tat pour une victoire politique�.(**) L�Etat est �galement pourvoyeur de moyens de lutte contre le sous-d�veloppement, per�u en filigrane comme vecteur de conflit. Dans ce sens, le ministre a annonc� que plus de 99 milliards de dinars ont �t� consacr�s par les pouvoirs publics, au titre des diff�rents programmes pour le d�veloppement de Berriane � travers 74 op�rations. Le jeune quotidien Le Temps, qui s�est distingu� par une excellente couverture de l��v�nement, nous assure que �la commune de Berriane aura ainsi une maison de jeunes, une piscine olympique, deux terrains de sport, un stade, un complexe sportif, un complexe culturel, un groupe scolaire, 40 locaux commerciaux, une station d'enfouissement, des terres agricoles, des stations d'�puration et d'eau potable, un centre de formation, un centre m�dical, 200 logements sociaux, 500 logements ruraux, 100 logements pour les sinistr�s, et enfin il sera proc�d� � la r�habilitation de 260 logements et 160 commerces�.(***)
A. B.
(*) La Tribune, 30 juin 2010.
(**) Mustapha Hammouche, La R�publique � la table du communautarisme, Libert�, dimanche 4 juillet 2010.
(***) Le Temps, 30 juin 2010.

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