Corruptions : POINT DE VUE
La corruption des «anges» dans le monde des démons


Est menteur tout candidat qui postule à un poste électif, jusqu’à preuve du contraire. C’est par l’expérience du vécu qu’on arrive à cette réalité évidente qu’aucun être doué de bon sens ne pourrait réfuter dans sa globalité. Ainsi, avant toute échéance électorale, les personnes qui ont de l’intérêt ou des intérêts à faire élire une marionnette commencent d’abord par tisser des réseaux au sein des électeurs pour donner de la popularité à leur protégé.
Cette précampagne populiste dure un certain temps avant l’engagement réel dans la grandiose entreprise mensongère où tout acte qui viendrait par la suite ne pourrait se faire gratuitement, mais devrait être payé en monnaie sonnante et trébuchante. Lorsque le choix du candidat est fixé, on passe à la vitesse supérieure pour le choix de la casquette politique qui sied le mieux, sans se soucier des lignes directrices du parti qui chapoterait le vénéré poulain. En pareilles circonstances, tout est adaptable à la situation du moment, et le seul objectif est l’aboutissement au résultat escompté, qui n’est autre que l’élection du candidat sur lequel on a misé gros. Commence alors de rudes négociations sur les sommes à débourser et les dividendes à encaisser. Dans cette étape, quatre critères sont pris en considération : l’importance de la formation politique, le niveau du poste électif, la popularité du candidat et les dividendes escomptés en retour. Une fois le problème de la candidature résolu avec l’administration, une campagne féroce — sans foi ni loi, s’engage entre les partis en lice qui ne se gêneront à aucun moment d’user en public de tous les moyens prohibés par la loi, et ce, avec la bénédiction des électeurs et les institutions de la République. A cet effet, on n’hésitera pas de monnayer des personnes sans scrupules pour mener une campagne électorale mensongère qui ne reflète en aucun cas le contenu des programmes des partis dont sont issus les candidats en course. Il n’y a pas lieu de s’étonner lorsqu’un parti d’obédience socialiste parraine un candidat  ultralibéral dont les principes n’ont rien à voir avec sa ligne politique. Ici, il ne s’agit pas de militantisme et d’idéologie, mais d’affairisme par chéquier interposé et de poids politique sur l’échiquier. C’est ainsi que débute le mensonge dans la république des anges qui feint d’interdire aux démons de sévir en toute quiétude. En fins limiers, les candidats et leurs sponsors étudient minutieusement les attentes des électeurs pour élaborer la stratégie gagnante à mettre en application lors de la campagne électorale. En réalité, cette stratégie ne repose que sur des promesses creuses non crédibles qui n’engagent que ceux qui les prennent pour argent comptant. Dans ces joutes électorales, le candidat ambitieux ne lésine sur aucun moyen pendant toute la durée de la campagne électorale.
«T’halla kho»

 Pour faire avaler ses couleuvres, il arbore sa générosité par le paiement de tournées générales dans les cafés, et la distribution de billets de banque aux jeunes chômeurs du quartier qui prennent volontairement en charge l’affichage de ses portraits, en plus de faire circuler son nom de bouche à oreille. Pour la circonstance, n’hésite pas à venir en aide par les moyens de ses sponsors à quelques nécessiteux pour montrer sa bonne hypocrite foi. Le candidat ambitieux marquera sa présence tous les enterrements qui auront lieu dans sa circonscription électorale, sans oublier d’honorer de sa présence toutes les fêtes de mariage ou de circoncision. Enfin, il est tout le temps présent là où il y a le plus grand nombre d’électeurs à vaincre par le mensonge à défaut de convaincre par la loyauté. Il ne laisse aucune opportunité lui échapper pour atteindre son objectif macabre. Il fait la bise à toute personne qu’il croise, sans omettre de provoquer des discussions amicales dans l’espoir de trouver un lien de parenté ou une quelconque connaissance commune avec son interlocuteur. Avant de se séparer de n’importe lequel des électeurs, bien sûr qu’il n’omettra jamais le mot d’ordre «T’halla kho» (je compte sur toi), tout en prenant soin de rappeler à cet électeur qu’il a devant lui le meilleur des candidats qui mérite la confiance du peuple et que c’est une grâce divine s’il est sur la liste, car c’est par lui que le salut viendrait bientôt. S’il n’a jamais mis les pieds auparavant dans un stade, il trouvera toujours un moyen par personne interposée pour devenir le plus fervent supporter des équipes locale et nationale de football pour se montrer au public sportif, grand pourvoyeur de voix. Que dire de la mosquée, si ce n’est le lieu le plus approprié de rassemblement pour l’adoration de Dieu, mais ce lieu de prière n’échappera pas lui aussi à l’élu audacieux. Vêtu pour la circonstance d’un «kamis» d’une extrême blancheur, le candidat passionné à être élu expose outrageusement sa piété pendant toute la durée de la campagne électorale pour rallier à sa cause le plus grand nombre de fidèles habitués de ce lieu d’adoration. Certains candidats qui excellent dans le zèle vont jusqu’à solliciter l’imam à faire des «dourous» en leur faveur, et parfois ils n’hésitent même pas à demander catégoriquement des séances de «roqia» pour éloigner les sortilèges maléfiques et le mauvais œil des envieux.
Une fois sur le trône…

Dès la clôture du scrutin, et après l’annonce officielle des résultats, les sponsors du nouvel élu se paient une vraie «waâda» où tout le monde mange à satiété, mais dès le lendemain, une muraille infranchissable sera dressée autour du protégé pour l’éloigner une fois pour toutes des électeurs qui l’ont mandaté. Ainsi, et une fois sur le trône pour l’entame de son mandat, l’élu qui se réclamait bienfaiteur malgré lui se retrouvera — avec sa volonté bien sûr — pieds et mains liés devant ses promoteurs, dont l’appétit est insatiable. Il sera confronté alors aux dures épreuves du nouveau règlement intérieur dont il n’avait cure auparavant. Il s’apercevra, par la suite, que les vautours qui l’ont placé sur le trône ne lui ont fait en réalité qu’un cadeau empoisonné qui chamboulera toute sa vie ultérieure. Se retrouvant malgré lui entre le marteau et l’enclume, l’élu bienfaiteur mettra de côté sa conscience et entamera une éclipse qui l’éloignera vite de son carcan habituel. En l’espace de quelque temps, il se fera noyer volontairement dans l’ambiance nauséabonde des salons feutrés en endossant sans regret l’habit qui sied le mieux au nouvel environnement. La tentation est la mère de tous les vices, et les privilèges font tourner les têtes ! Obnubilé par le nouveau mode de vie, l’élu mandaté par les électeurs atteindra le nirvana lorsque, sereinement, il accepte de renier jusqu’à sa personnalité et ses origines, faisant en sorte qu’il n’a jamais existé dans un passé si proche. N’ayant plus de visage capable de regarder ses électeurs en face, et dépourvu d'alternative pour bien faire, il fait durer autant qu’il pourra son éclipse, qui est en quelque sorte la seule issue salvatrice qui lui permettrait de savourer jusqu’à l’ivresse les jouissances de ce monde. Peut-être qu’il réussira matériellement, mais dans son fort intérieur, il ne sera jamais en paix avec lui-même dès le premier rhume de l’hiver. C’est de cette manière qu’on entre dans le monde des démons où le retour en arrière est pratiquement impossible.
B. Amar

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