Culture : PARUTION
L’enfance confisquée des «yaouled» algériens


«Le matin en allant à l’école, on trouva un indigène enchaîné à un poteau de la place publique, envahie de patrouilles de soldats, leurs mitraillettes embusquées prêts à tirer.

Les cols de ses vêtements militaires étaient macérés de sang. De timides rayons de soleil illuminaient sa face tournée vers l’Orient, dans une protestation à Dieu. On pouvait lire sur un écriteau accroché par les soldats : «Cet homme est un fellaga ! Voici le sort réservé aux rebelles.» Ceci est un court et néanmoins révélateur passage du roman Enfance confisquée de Rachid Belhabib. A travers le récit de l’auteur, le lecteur découvre (ou se rappelle, pour ceux qui ont vécu cette période), le quotidien du narrateur lui-même ou de ses amis dont Chouka. D’ailleurs, c’est un peu Chouka qui est à l’origine du livre. «Grâce à cette merveilleuse inspiration de narrer «les bêtises de Chouka», je fus comme libéré d’un désir enseveli en moi depuis fort longtemps, celui d’écrire les mémoires d’enfants ayant vécu la guerre du millénaire passé dans une petite et pittoresque bourgade d’Algérie», explique Belhabib qui dédie son œuvre «à tous les enfants et parents éprouvés et à tous les martyrs ». C’est aussi «un livre à la mémoire des mamans, «ces matrices de la patrie» qui donnent avec courage cette vibrante joie de crier pour vivre, de lutter pour réussir, parfois décrire pour transmettre, ne serait-ce que des impressions d’une chronique avec des arrêts sur image…». Le colonialisme est la guerre (par la faute du colonialisme qui ne voulait pas rendre aux Algériens ce qui leur appartient), ont, donc, «confisquées», l’enfance et la jeunesse de plusieurs générations de nos compatriotes. L’indépendance sera une double libération, de la terre et des personnes. C’est le mois de juillet de l’année 1962. «Vers l’ex-place Bugeaud, place des Martyrs aujourd’hui, arrivaient des gens en groupes munis de fanions et parfois de larges étendards tricolores, vert, blanc et rouge, valsant au-dessus de leur tête, chaque ruelle qui débordait sur les avenues y déversait sa fournée qui venait fêter la délicieuse vérité d’être libres» (p. 359). La statue  en bronze du général Bugeaud «paraît ternie et surtout déplacée et offensante, face à un peuple longtemps colonisé» (p. 362). A quelques dizaines de mètres, à l’entrée de Bab El-Oued, le lycée Bugeaud devient et pour toujours, le lycée Emir- Abdelkader. Rachid Belhabib quitte Bouira en 1963 pour Orléansville, aujourd’hui Chlef, où il poursuit ses études dans un lycée de la ville. «L’odieuse angoisse de la guerre comme la hantise d’un avenir incertain avaient disparu. Le joug de l’esprit colonial brisé ne pesait plus sur nos épaules d’adolescents », écrit-il dans la préface. Le Dr Rachid Belhabib est expert national, diplômé en médecine légale, études approfondies de pharmacologie et toxicologie clinique et criminologie appliquée à l’expertise mentale. Il est aussi membre de plusieurs académies internationales. Le roman Enfance confisquée est paru chez Art’Kange éditions (Alger). Il a été publié avec le soutien du ministère de la Culture dans le cadre du Fonds national pour la promotion et le développement des arts et des lettres.
Kader B.


- Roman Enfance confisquée, de Rachid Belhabib (Art’Kange éditions).
363 pages, année 2010.

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