C’est triste, mais sauf miracle, l’Espace Noun va disparaître. Les gens qui passent par la rue Chaâbani ne manqueront pas de remarquer l’écriteau collé à la vitre de la librairie et annonçant la liquidation de son stock de livres avec des remises de prix de 30 à 50%. Nasséra et Kiki vont devoir libérer le local, le 30 juillet 2010.
Ça fait déjà quelques mois qu’ils s’attendent à cette éventualité, car le contrat de location expire en juillet et le propriétaire du local n’a pas voulu le renouveler. «Dans qu’elle rue vous allez vous installer ? » demanda une journaliste à Nasséra, au début de cette année. Avant la rue Colonel Chaâbani, la librairie-Galerie Noun était à l’ex-rue Debussy. Le propriétaire du local, là aussi, n’avait pas voulu renouveler le bail bien que, curieusement, cette librairie, une fois libérée, est restée fermée jusqu'à à nos jours. Nasséra et Kiki ont, donc, déménagé à la rue Colonel Chaâbani où ils ont rapidement reconstitué la même ambiance et retrouvé les habitués de l’Espace Noun. Mais après quelques années, ils se retrouvent dans la même situation. «Cette fois, je n’ai plus le temps, ni la force de chercher un autre local», répond Nasséra à la journaliste. La (re) fermeture (osons espérer qu’elle ne sera pas définitive) de la librairie- galerie va, certainement, laisser un grand vide dans la scène culturelle algéroise. Ce petit local est un modèle d’efficacité et de réussite, culturellement parlant, comparé aux manifestations «budgétivores» qui, eux, ont la vie longue. Ces toutes dernières années, il a été un véritable carrefour culturel en accueillant un grand nombre d’artistes, de comédiens, d’écrivains et d’intellectuels algériens et étrangers. Rachid Boudjedra, Amin Zaoui et Malek Alloula (le frère du regretté Abdelkader), sont parmi les auteurs qui ont animé des conférences et des séances de ventes-dédicaces dans cette librairie. Concernant les artistes chanteurs, nous citons Inesliyen, Khaled Louma (T.34) et Noureddine Saoudi. La compagnie l’Orpheline de la ville de Marseille a fait ici une lecture théâtrale du roman Archéologie du chaos amoureux de Mustapha Benfodil. L’Espace Noun est aussi une galerie d’art. Elle a abrité différentes expositions de peinture, de caricatures et de photographies, dont celles de Faïza Chaoui, du Hic, de Sid-Ahmed Semiane (SAS) et du photographe allemand Maurice Weis sur une dizaine de groupes et artistes algériens. L’Espace Noun est un lieu où, «sans protocole» ni invitations «officielles », les gens venaient assister et participer à des activités culturelles avec la possibilité de feuilleter un livre en attendant le début de la manifestation. C’est un endroit où cohabitent harmonieusement l’art et la littérature, et ce serait bien dommage qu’il disparaisse.
Kader B.

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