Actualités : LOI DE FINANCES COMPLÉMENTAIRE
L’éternel recours à l’ordonnance présidentielle


La loi de finances complémentaire s’est transformée, ces dernières années, en outil de «régulation» et de «recadrage» de l’économie nationale. Mais en légiférant systématiquement par ordonnance, le pouvoir exécutif écarte, de fait, le pouvoir législatif. Et les parlementaires n’ont d’autre choix que d’entériner, quelques mois plus tard, une loi qui est déjà entrée en vigueur. Interrogés à propos de cette problématique, les représentants des principaux groupes parlementaires à l’Assemblée populaire nationale ont des visions diamétralement opposées.
Atmane Mazouz, président du groupe parlementaire du Rassemblement pour la culture et la démocratie :
«Au Rassemblement pour la culture et la démocratie, nous considérons que le recours systématique aux lois de finances complémentaires et aux ordonnances est une preuve de l’opacité et du manque de transparence dans les affectations budgétaires. Le recours systématique aux ordonnances présidentielles est le propre des régimes sans projets ni stratégies. Et cela dénote de l’imprévoyance en matière de gouvernance. Aussi, l’usage abusif de l’ordonnance est un manque flagrant de considération envers l’institution parlementaire et de l’écarter du débat public sur des questions d’intérêt national. Nous rappelons par ailleurs que le RCD a, de tout temps, exigé la présentation d’une loi de régalement budgétaire. Une disposition constitutionnelle que le gouvernement n’a jamais respectée ces dernières années.»
Miloud Chorfi, président du groupe parlementaire du Rassemblement national démocratique :
«La loi de finances complémentaire permet au gouvernement d’apporter des rectifications pour combler certaines lacunes. C’est un texte de loi d’une importance capitale. D’un autre côté, la Constitution offre au président de la République la possibilité de légiférer par ordonnance. Mais les parlementaires ne sont pas pour autant écartés du processus puisque le texte est soumis aux deux chambres pour approbation. Au Rassemblement national démocratique, nous estimons que la LFC peut être présentée sous forme d’ordonnance présidentielle comme elle peut l’être sous forme de projet de loi. Et je pense qu’il n’y a aucun problème à ce que ce texte ne soit pas débattu en plénière, car il est évident que l’exécutif n’irait jamais imposer une mesure qui soit contraire aux intérêts de la nation.»
Ramdane Taâzibt, député du Parti des travailleurs :

«Lorsque les règles démocratiques sont respectées, toutes les institutions sont appelées à jouer leur rôle. Pour ce qui est de l’action législative, il est préférable que cela se fasse dans le cadre de l’Assemblée populaire nationale. Mais actuellement, nous constatons que l’Assemblée ne joue pas son rôle. La loi de finances et du budget de l’année 2009 est un exemple concret. La majorité des amendements que notre groupe parlementaire a introduits à ce texte ont été rejetés par l’Assemblée. Il se trouve que le gouvernement a repris une partie de ces amendements pour les intégrer dans la loi de finances complémentaire de l’année 2009. Et ce texte, présenté sous forme d’ordonnance présidentielle, a été entériné par les membres de l’APN. Cela prouve donc que cette institution ne joue pas son rôle. Donc au Parti des travailleurs, nous sommes pour une loi de finances complémentaire, même sous forme d’ordonnance, pour corriger l’orientation de la loi de finances et du budget. Et c’est pour cela que nous avons soutenu les dispositions de la loi de finances complémentaire de l’année 2009. Nous espérons, à ce titre, qu’il y aura une LFC 2010 pour permettre au pays de reprendre son souffle. Je dois dire qu’il est toujours bon de débattre. Mais l’APN actuelle est tout sauf une assemblée. C’est la nature même de cette Assemblée qui pose problème puisqu’elle se contente juste de servir de chambre d’enregistrement. La grande majorité rejette les amendements valables, mais ces mêmes députés s’empressent d’adopter les mesures similaires lorsqu’elles sont introduites dans une ordonnance présidentielle.»
Mohamed Saïd Aboubakr, président du groupe parlementaire du Mouvement de la société pour la paix :
«La loi de finances complémentaire devrait être présentée sous forme de projet de loi devant le Parlement. Les parlementaires doivent donner leurs avis sur ce texte puisqu’il comporte souvent des mesures de première importance. Il est vrai que le président de la République dispose d’une prérogative constitutionnelle qui lui permet de légiférer par ordonnance. Et je pense que le recours à cette pratique est dû au fait que l’économie du pays est établie sur la base de plans quinquennaux, et non plus sur la base de programmes annuels du gouvernement, comme cela se faisait auparavant. Donc pour rectifier certaines imperfections, le pouvoir exécutif intervient à travers les lois de finances complémentaires. Au sein de notre parti, nous revendiquons le retour à la participation active des élus dans l’élaboration des textes de lois. Bien sûr, cette année, cela ne sera pas possible puisque la clôture de la session parlementaire de printemps est imminente.»
Layachi Daâdoua, président du groupe parlementaire du Front de libération nationale :
«Je suis parlementaire et, de fait, je suis tenu de respecter la Constitution. La loi fondamentale permet au président de la République de légiférer par ordonnance. Donc je n’ai pas à polémiquer sur une disposition constitutionnelle. Mais pour permettre aux parlementaires de participer activement à l’élaboration des lois, il est avant tout nécessaire de changer la nature même du système de gouvernance. Mais là encore, cela ne relève pas des prérogatives des parlementaires. C’est un pouvoir qui relève du président de la République.»
Propos recueillis par Tarek Hafid

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