Chronique du jour : A FONDS PERDUS
Patrimoines en p�ril


Par Ammar Belhimer
ambelhimer@hotmail.com
Le document n��mane pas d�une institution � vocation culturelle, mais les responsables en charge de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine devraient en faire leur livre de chevet. Il s�agit du dernier rapport de la Banque mondiale : �Comment le patrimoine culturel peut-il contribuer au d�veloppement �conomique ?�
Cette nouvelle �tude est consacr�e � la r�habilitation des centres historiques, les m�dinas, dans la r�gion MENA (Moyen- Orient/Afrique du Nord). Les centres historiques que sont les m�dians sont au c�ur de la civilisation arabe, datant g�n�ralement de l'�poque m�di�vale. Il existe plus d�une centaine de m�dinas dans la r�gion et nombre de ces villes historiques ont b�n�fici� d'une reconnaissance internationale avec leur inscription sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco. Le rapport en dresse un profil fort �logieux : �Les m�dinas sont les noyaux historiques des villes du monde arabe. Tr�sors culturels, elles se distinguent notamment par la qualit� de leur architecture civile et religieuse, l�harmonie de leurs plans urbains, leurs espaces publics et leur tissu d'interactions sociales et d'activit�s de commerce et de production traditionnelles.� �Tous ces �l�ments font de la m�dina un site urbain exceptionnel, la repr�sentation physique des identit�s sociales et culturelles originelles du monde arabe. L�attrait des m�dinas au niveau international se refl�te dans le nombre de visiteurs qu'elles attirent chaque ann�e ; il g�n�re de multiples b�n�fices : recettes en devises, liens culturels, embauches et cr�ations d'emplois, tourisme durable, exportations de produits artisanaux �. Une fois n�est pas coutume, �en 2001, la r�gion Moyen-Orient et Afrique du Nord de la Banque mondiale a �t� la premi�re � produire une strat�gie r�gionale d�di�e � cette question(*). Depuis, des projets �Patrimoine culturel et d�veloppement urbain� existent en Tunisie, au Maroc (F�s), pour Bethl�em, au Y�men, en Jordanie, au Liban. Une prise de conscience qui intervient apr�s cinquante ann�es de �d�gradation constante dans l�ensemble de la r�gion en raison de : leur abandon par une partie des habitants d'origine et la croissance soutenue des quartiers modernes : �D�laiss�es par les familles ais�es, les m�dinas ont attir� des cat�gories plus pauvres de la population � la recherche de logements bon march�, ce qui a entra�n� un processus de paup�risation. � Le regain de �religiosit� des pouvoirs en place n�est pas �tranger � cet int�r�t subit et accru pour le patrimoine : �Cette strat�gie soulignait le r�le du patrimoine culturel dans le d�veloppement �conomique, son importance pour les identit�s communautaires et nationales, et son potentiel en termes de d�veloppement social. Elle mettait �galement en lumi�re la place toute particuli�re des villes historiques, qui rec�lent une partie essentielle des traditions, de la m�moire et de l�histoire du Moyen-Orient et de l�Afrique du Nord.� Dix ans plus tard, la nouvelle publication vient tirer les le�ons d�une g�n�ration de projets et d�investissements visant la r�habilitation urbaine des m�dinas. Ces projets reposaient tous sur les deux hypoth�ses suivantes : En d�pit d�une urbanisation et une modernisation rapides, les villes historiques continuent de jouer leur r�le cl� de �creuset du patrimoine culturel, spirituel et religieux, de lieu de perp�tuation de l�artisanat traditionnel et de bassin exceptionnellement dense de petites activit�s �conomiques �. Aussi, alors qu�elles deviennent le c�ur d�agglom�rations en expansion, les villes historiques peuvent assurer de nouvelles fonctions en tant que centres de tourisme culturel attractifs et, pourquoi pas, comme sources de services urbains et de logements pour les populations locales. Prenant les choses dans le sens du poil, dans un esprit constructif consistant � mettre � profil le potentiel historique et religieux (�les centres historiques comme facteur essentiel de continuit� et de stabilit�, le patrimoine du pass� �tayant le d�veloppement de demain�), l��tude se focalise sur la relation plus �terre � terre� et mat�rielle entre la r�habilitation du patrimoine culturel et la revitalisation �conomique, communautaire et identitaire � �dans une optique qui favorise la r�duction de la pauvret� et la croissance �conomique �, pr�cise la Banque mondiale comme pour justifier son intrusion dans un domaine �tranger � ses comp�tences habituelles. Cette institution financi�re de la famille des Nations unies finance les projets de r�habilitation parce qu�ils �peuvent avoir un impact profond sur des groupes sociaux d�favoris�s et marginalis�s : ces derniers y gagnent tout d�abord en autonomie et en vitalit�, l�enjeu �tant ensuite de les aider � trouver des mani�res novatrices d�am�liorer leurs moyens de subsistance�. Plus globalement, il est attendu des projets de r�novation du patrimoine culturel de nombreuses retomb�es, notamment le renforcement de l��conomie locale et nationale, la cr�ation d�emplois, l�am�lioration de l�environnement urbain et de la qualit� des espaces publics. �En outre, une fois les sites r�habilit�s, la valeur des biens immobiliers et les recettes fiscales tendent � augmenter, ce qui permet de d�gager des ressources suppl�mentaires pour soutenir les institutions locales et la fourniture de services publics�. Depuis les ann�es 1970, la Banque mondiale a financ� 241 projets d�investissement dans le patrimoine culturel (208 projets de pr�ts et 33 hors pr�ts), pour un montant total de 4 milliards de dollars US. Actuellement, 117 op�rations de ce type sont en cours d�ex�cution (100 projets de pr�ts et 17 hors pr�ts), pour un engagement de 2 milliards de dollars US. Ces d�penses n�ont pas �t� inutiles. L�exp�rience de vingt ans dans le domaine des op�rations de pr�ts et d�aide technique aupr�s des gouvernements de la r�gion a, entre autres, permis d��laborer un �Indice de potentiel touristique d�une m�dina (MTPI)�, compos� des huit crit�res suivants :
1. Richesse du patrimoine culturel : ce crit�re mesure la �qualit� globale d�une m�dina, son degr� de mise en valeur, ainsi que le nombre de sites class�s et effectivement prot�g�s par les pouvoirs public�.
2. Inscription sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco : la reconnaissance internationale qui d�coule de ce crit�re a des retomb�es sur l'�conomie locale, favorise la promotion de la m�dina au niveau international et son industrie touristique.
3. Proximit� de la c�te, de sites naturels ou d'autres sites culturels : ce crit�re �value la combinaison possible entre tourisme r�cr�atif, �cotourisme et tourisme culturel.
4. Proximit� de destinations touristiques existantes : une m�dina qui se trouve pr�s de destinations touristiques d�j� existantes a plus de chances de r�ussir son propre d�veloppement touristique en raison de la pr�sence d'une client�le � proximit�.
5 Accessibilit� : la proximit� de grandes infrastructures de transport (a�roports, ports, autoroutes) permet d'atteindre plus facilement la m�dina et facilite un d�veloppement ax� sur le tourisme.
6. Capacit�s d'h�bergement :la pr�sence d'h�tels ou de maisons d'h�tes pr�sentant un niveau de prestations appropri� est indispensable pour attirer les visiteurs, en particulier s'ils sont situ�s dans la m�dina.
7. �v�nements culturels : l�existence d'activit�s culturelles peut renforcer le rayonnement d�une m�dina et y attirer un plus grand nombre de visiteurs.
8. Pr�sence d�artisanat � fort contenu culturel : la pr�sence de produits locaux faits � la main et � fort contenu culturel ou artistique est indispensable pour attirer les touristes dans une m�dina.
Jug�es � l�aune de ces param�tres, nos m�dinas font pi�tre figure, dans un contexte g�n�ral de renoncement au patrimoine dans ce qu�il a de positif. M�me de l�histoire, nous n�en h�ritons que ce qu�elle a l�gu� de plus nuisible : les chim�res.
A. B.

(*) Baptis�e Cultural Heritage and Development: A Framework for Action in the Middle East and North Africa (Patrimoine culturel et d�veloppement : un cadre d�action pour le Moyen-Orient et l�Afrique du Nord), l��tude est disponible sur le site de la Banque mondiale.

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