Contribution : �L�impossible : vous avez-dit 2 souches, �tre fran�ais et �tranger ?�

�La naissance est une chose �trange dont on ne vient jamais � bout� Incompr�hensible comme des carottes fra�ches.�
Y. Ritsos,
dans Le chef-d��uvre sans queue ni t�te
Par Nabil Far�s*
C�est bien parce qu�un Etat et une nation ne sont pas des donn�es conceptuelles, r�elles, imaginaires, politiques, sociales, culturelles, semblables que de multiples questions actuelles surgissent � propos de l�identit� d�un Etat et de l�identit� nationale ; et la contradiction entre ces deux donn�es devient insupportable, voire dangereuse civilement et intellectuellement lorsque l�on passe confus�ment, politiquement, non seulement de l�une � l�autre, mais surtout lorsqu�on m�le, sans d�brouillage, l�identit� d�une personne � celle de l�identit� d�un Etat ou d�une nation. Le placage, le rabaissement de l�une � l�autre ne peut que d�cha�ner des violences civiles meurtri�res. Restons, alors � affaire urgente pour le d�veloppement d�mocratique des soci�t�s, des Etats, et des nations �sensibles � une question si actuelle et pr�cieuse pour l�avenir des Etats ouverts � un questionnement sur l�identit� nationale pour autant que cette question touche � la violence interne, civile, que cette formule, politiquement s�duisante et analysable, exerce : �Comment d�nationaliser les histoires nationales.� C�est en ces termes que l�anthropolgue comparatiste, et non baptiste, selon ses termes, aussi, concluait, en 2002, un de ses livres, publi� � la librairie du XXIe si�cle : Comment �tre autochtone; ce livre fut suivi de la publication d�un autre, dans la m�me collection, tr�s actuel, au printemps 2010, intitul�, cette fois, � la mani�re �dipienne : L�identit� nationale, une �nigme. Entre-temps, ann�es 2002-2010, que s�est-il pass� en France pour que de l�un � l�autre de ces deux livres, la m�me critique traverse et analyse d�une fa�on pr�ventive et b�n�fique les constructions h�tives et si meurtri�res de ce que l�on pourrait appeler une �autochtonie nationale� qui nous apprendrait que, historiquement, g�n�alogiquement, biologiquement, et non pas imaginairement, mythiquement,  nous serions �sortis d�une terre� dite �nationale�, et ce, d�s la naissance et m�me, poussons l�illusion plus lointainement, bien avant elle, dans �un avant-l�avant, cette autochtonie pure venant � la place d�une naissance, de naissances ici et l�, de parents d�ici et de l�, eux-m�mes s��tant rencontr�s sur une terre, des lieux, d�ici et de l�, �loign�s des lieux ravageurs, fantasmatiquement, id�ologiquement, h�las politiquement morbides, intol�rables, meurtriers, naissances imaginairement, toujours catastrophiquement, en trop, incestuelles, insupportables, handicapantes, cruelles, inchang�es�. �Sortis de la terre�, nous serions, comme plante vulgaire ou admirable animal, pierre, aussi, pour nous aider � construire un monde o� nous serions devenus solidaires de nous-m�mes et entre nous-m�mes, humains singuliers et pourtant, r��crivons le mot �solidaires� de cette terre autochtone aujourd�hui mondialis�e qui a donn� naissance � un ciel, des espaces, magnifiquement, solidairement, observ�s, interrog�s, scientifiquement, et, strat�giquement, pas toujours heureusement, travers�s. Ces d�couvertes et avanc�es du monde sont au-del� d�un monde perclus, atteint d�un mal, possiblement curable, de l�autochtonie premi�re, celle qui clo�tre et arrime trait d�esprit ouverture, n�cessit� de penser, � la motte de terre, pourrait-on dire, d�une identit� close, en �charde, revancharde, et ferm�e. Malheureusement, existe partout, comme un traumatisme au fur � mesure envahissant, insidieux, et persistant, cette autochtonie premi�re, ferm�e, sans perspective, sans voyage, anti-rom, anti-tsigane, anti-�tranger, anti-immigr�s-�migr�s, anti-tout, portant au c�ur m�me de l�identit� d�sir�e, souhait�e, juridiquement, europ�ennement, reconnue, l�expulsion, l�exil, aussi bien que l�emprisonnement, le ch�timent de celles et ceux dont l�autochtonie voyageuse se d�place au gr� et possibilit�s des terres �mancip�es, lib�r�es des identit�s closes, et, civilisation oblige, devenir oblige, condamn�es. Aujourd�hui, nous sommes, humains que nous sommes, � ces lieux carrefours des identit�s partag�es, face aux risques de nous trouver en r�gression, renvoy�s aux chemins meurtriers d��dipes contemporains, tr�s politiquement, officialis�s. Choisirons-nous une autochtonie autre que celle-ci, permettant � l�ouverture, pour parler comme Rilke, de s�installer � l�int�rieur de cette cl�ture-fermeture pour l�amener, lui faire passer le bac de l�universalit�, celle qui ouvrit le monde pour toute une chacune, un tout un chacun, de l�ici et de l�, les deux souches de la motte de terre, � la n�cessit� d�une naissance autre que celle qui fut, vis-�-vis de l�alt�rit� premi�re, si humiliante, n�gatrice, exterminatrice, mortelle? Le paradoxe, certainement insupportable pour la pens�e et fiction d�une �hypertrophie du Moi�, � ces mots sont de Marcel Detienne et non de cet archa�que et d�testable docteur Mabuse, selon Michel Onffray, docteur Freud � est que l�affirmation d�une autochtonie du national, de l�identit� nationale, est enti�rement li�e, adoss�e, � la pr�sence effective, en soi, dans le soi-m�me, de l�autre. Aussi, est-il pr�f�rable de laisser chuter cette �hypertrophie�, ce trop-de-moi qui se r�jouit de la maltraitance et h�g�monie qu�il peut exercer, selon une impunit�, juridiquement, internationalement condamnable, � l�encontre de celles et ceux qui ne seraient pas de cette terre-ci mais de celle-l�, � quelques pas de la fronti�re des naissances de ci et des naissances de l�. Si tel �tait le cas, nous serions, et, peut-�tre, les personnes qui souffrent de cette �hypertrophie� ravageante nous l�indiquent d�j�, au seuil de dangereux retours et recours d�histoires fantasmatiquement dites, � cause des mots et maux qu�elles supportent et font supporter aux g�n�rations naissantes, pr�sentes et futures, �nationales�. Il serait opportun de nous �d�nationaliser� des histoires dites �nationales� non pour vivre dans un internationalisme tout aussi id�ologiquement hypertrophi� et dogmatique, mais pour nous d�prendre de ce que le recours au �national� peut engendrer d�illusions, de destructions, humainement, culturellement, historiquement, violemment, dommageables pour les g�n�rations pr�sentes et futures qui en resteront, selon des modalit�s, certes diff�rentes et incommensurables les unes aux autres, comme nous le f�mes nous-m�mes, et le sommes aujourd�hui, si meurtries.
N. F.
�����
* �crivain, psychanalyste � Paris.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable