Chronique du jour : KIOSQUE ARABE
L'incendie oubli� du �Sh�h�razade�


Par Ahmed Halli
halliahmed@hotmail.com
On a beaucoup dit, et �crit sur la R�volution du 1er Novembre, sur ceux qui ont �t� avec nous, ou contre nous, ceux qui nous ont aid�s et qui ont oubli�, ceux que nous-m�mes avons oubli�s. Nous avons su remercier et honorer ceux des Fran�ais qui ont pr�f�r� la justice � leur m�re, et ont brav� l'hostilit� familiale pour aider l'�tranger que nous �tions, dans notre propre patrie.
Nous c�l�brons encore la m�moire des �Porteurs de valises� qui nous ont quitt�s, des amis de l'Alg�rie qui ne viendront plus aux r�ceptions du 1er Novembre. Nous n'avons pas oubli� les gouvernements et les citoyens des pays arabes qui se sont rang�s aux c�t�s de la R�volution. Pour ne pas passer pour des ingrats, nous avons soutenu, en retour, la cause palestinienne, sans calculs et avec d�termination, comme en a t�moign� le combat de Mohamed Boudia et Mohamed Benmansour, pour ne citer que ces deux-l�. Aujourd'hui que nous sommes pleinement arabes, puisque totalement divis�s, nous sommes encore pour la Palestine, coup�e en deux. Comme on ne peut plus �treindre Ghaza sans embrasser le Hamas, nous gardons nos distances, compatissons aux souffrances des Ghazaouis, tout en maudissant la tyrannie fondamentaliste. Avec la Cisjordanie, ce n'est pas mieux, on voudrait bien �tre totalement avec Ramallah, d�noncer la colonisation effr�n�e du territoire, mais comment taire la r�volte contre la gabegie, et la corruption, qui ont d�roul� le tapis rouge au Hamas ? Ignorer les dirigeants indignes, autoritaires et/ou corrompus, et ne penser qu'au peuple, me dit-on. Ce n'est pas facile lorsqu'on voit les b�n�fices substantiels, politiques et mat�riels, que retirent certains de la solidarit� avec Ghaza. Au fait, Messieurs les armateurs de flottilles, avez-vous pens� � des convois de solidarit� avec les expuls�s de J�rusalem, les expropri�s de H�bron, pour faire de la place aux colons isra�liens ? Avez-vous imagin� un raid naval sur New York pour d�noncer l'hypocrisie d'Obama qui finance � coups de millions de dollars des chantiers diff�r�s, mais jamais d�mantel�s ? Oui, bien s�r, il y a la base de toutes ces armadas en gestation, la question des affinit�s, et des sympathies id�ologiques, et c'est pourquoi ma religion est faite. C'est pour cela qu'il est, parfois, difficile aux survivants de la R�volution de novembre, et � ses enfants, de faire un choix, de s�lectionner un souvenir au d�triment d'un autre. Il nous arrive parfois de tomber dans un tel embarras, que nous nous abstenons de fouiller plus � fond dans la bo�te � Histoire, pour y d�nicher un �pisode inconnu, ou oubli�, de notre pass� r�cent. Un ami que je soup�onne d'avoir agi par calcul m'a envoy� un texte publi�, il y a quinze jours sur le site arabe �Shaffaf�, ou �Middle East Transparent�, et sign� par Messaoud Akkou, un �crivain kurde syrien, ou syrien kurde si vous pr�f�rez. Je vous en livre les passages qui m'ont paru �tre les plus essentiels : �Un demi-si�cle s'est �coul� depuis le plus grand holocauste subi par les Kurdes en Syrie. Cinquante ans ont pass� depuis l'incendie du cin�ma �Sh�h�razade�, le 13 novembre 1960, dans la ville de Amuda. Cette ville qui a donn� tant de preuves de bravoure et d'h�ro�sme, que ce soit en se dressant contre le colonialisme fran�ais, ou par ses activit�s et ses positions lors des multiples coups d'�tat qui ont abouti � la prise du pouvoir par le �Baath� en mars 1963. Une ville qui a apport� sa contribution � la R�volution alg�rienne avec le sang de quelque trois cents enfants kurdes. Trois cents enfants kurdes ont p�ri dans les flammes, parce qu'ils avaient pay� pour voir un film dont les maigres recettes devaient aider � soutenir la lutte des r�volutionnaires alg�riens. Ils �taient venus voir un film d'�pouvante, Le Fant�me de minuit, et ils sont devenus les acteurs d'un vrai cauchemar, puisque le film et le cin�ma ont br�l�, ainsi que les enfants. Un demi-si�cle depuis l'incendie du cin�ma, et ses trois cents enfants martyrs, une g�n�ration enti�re, dont on se demande ce qu'ils seraient devenus s'ils avaient surv�cu. Peut-on imaginer ce que serait Amuda aujourd'hui si une de ses g�n�rations n'avait pas disparu, combien de m�decins, d'ing�nieurs, d'�crivains, de po�tes, elle poss�derait en plus ? (Suit une liste nominative des personnalit�s de la ville qui ont surv�cu � l'incendie et qui ont acquis une notori�t� dans leurs m�tiers respectifs). Un demi-si�cle apr�s l'incendie du cin�ma, et l'Etat syrien ne se souvient pas de cette trag�die, et n'exprime aucune reconnaissance � ces enfants. Ce sont eux pourtant qui ont vers� leur sang pour que le nom de leur pays soit plus beau. Ce sont eux qui ont proclam� � la face de l'humanit� enti�re que la Syrie a soutenu le combat de ses fr�res dans les pays arabes afin qu'ils se lib�rent de l'oppression coloniale. Un demi-si�cle apr�s, l'Etat syrien ne se souvient plus de ses enfants qui se sont sacrifi�s, comme des h�ros, pour que la Syrie soit une patrie pour eux, mais cette patrie ne rend pas justice aux enfants. Un demi-si�cle s'est �coul� depuis l'incendie du cin�ma, et l'Etat alg�rien ne se souvient pas de la contribution des enfants martyrs kurdes au combat de l'Alg�rie contre le colonialisme. Pourquoi se souviendrait-il, cet �tat qui a pris une grande part aux malheurs des Kurdes, puisque c'est en Alg�rie que fut sign� le funeste accord, dont l'artisan est l'actuel pr�sident alg�rien, Abdelaziz Bouteflika ? C'�tait en 1975, du temps de Boumedi�ne, de Saddam, et du shah d'Iran, et un accord qui a mis fin aux espoirs du peuple kurde de vivre dans la paix et la concorde. Un demi-si�cle apr�s l'incendie du cin�ma, le myst�re demeure quant aux circonstances du sinistre. Sans s'arr�ter sur la question de savoir si l'Etat syrien est impliqu� ou non dans cet incendie, cet Etat porte l'enti�re responsabilit� de la mort des enfants dans un petit cin�ma. Une salle qui ne pouvait contenir tout ce monde ramen� pour voir un film d'�pouvante, projet� � de jeunes enfants qui ne comprenaient, ni ne parlaient l'arabe. Le film �gyptien intitul� Le Fant�me de minuit �tait interpr�t� par Mahmoud Al- Meligui et Zahrat Al-Oula. C'�tait un film d'�pouvante, et l'�pouvante s'est transpos�e du cin�ma � la r�alit� pour des enfants dont le seul crime �tait d'�tre n�s kurdes.� Voil� : tout comme la plupart d'entre vous, je d�couvre cet �pisode inconnu, enterr�, ou oubli�, de l'histoire de notre guerre de Lib�ration. Avec le recul, on mesure mieux les d�g�ts irr�parables qu'on peut commettre au nom de certains slogans, aussi clinquants et s�duisants qu'ils soient. Personnellement, je sais que chaque retour du mois de novembre me ram�nera le souvenir de ces enfants qui ont p�ri dans l'incendie oubli� du �Sh�h�razade�, l'�quivalent pour l'�poque, de notre �Dounyazad� alg�rois. Outre la st�le que j'ai �rig�e dans ma t�te � la m�moire de ces enfants, pourquoi le minist�re de la Culture, ou une instance quelconque, ne prendrait- il pas l'initiative d'une plaque comm�morative, lors de la prochaine c�l�bration du 1er Novembre ? Elle pourrait �tre appos�e � l'entr�e du cin�ma �Dounyazad�, justement, � condition qu'il soit encore debout et qu'il ait r�sist� aux ravages conjugu�s du temps et de la bureaucratie.
A. H.

Nombre de lectures :

Format imprimable  Format imprimable

  Options

Format imprimable  Format imprimable