Monde : CRISE IVOIRIENNE
Lakhdar Brahimi dit craindre le pire


Diplomate chevronné, Lakhdar Brahimi, présentement conseiller du secrétaire général de l’ONU, craint un effet de contagion de la crise ivoirienne sur la région de l’Afrique de l’Ouest. Invité, lundi, de la rédaction de la Radio Chaîne III, l’ancien diplomate algérien reste néanmoins optimiste quant à la capacité de la communauté internationale à abréger la durée de la crise.
Sofiane Aït-Iflis - Alger (Le Soir) - La crise ivoirienne, conséquence de l’élection présidentielle qui a vu deux hommes, Laurent Gbagbo, le président sortant, et Alassane Ouattara, l’opposant, se proclamer chacun heureux vainqueur de la joute électorale, fait craindre le pire pour le pays mais aussi pour les pays limitrophes. Lakhdar Brahimi, fin connaisseur des conflits dans les régions de l’Afrique et du Moyen-Orient pour avoir souvent été missionné par les Nations unies, croit ferme que «les élections vont relancer la crise». Le risque étant, a-t-il averti, qu’elle s’inscrive dans la durée et affecte toute la région de l’Afrique de l’Ouest. L’ancien diplomate algérien, qui a pris part à Alger au symposium international consacré aux prisonniers politiques palestiniens, a souligné que la Cote d’Ivoire couve des problèmes ethniques mais aussi religieux. Il a rappelé aussi que la crise qui affecte présentement la Côte d’Ivoire a germé, au commencement, au Liberia avant de s’étendre à d’autres pays de la région, à l’instar du Burkina Faso, de la Guinée mais aussi du Sénégal. Lakhdar Brahimi, un brin optimiste, se laisse aller à espérer que la communauté internationale intervienne et réussisse à abréger la durée de la crise. Rappelons que l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire a ravivé les tensions entre le sud et le nord du pays. Les deux candidats à cette élection, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, s’affirment chacun vainqueurs. La Commission onusienne de surveillance du scrutin a donné Alassane Ouattara vainqueur, pendant que le Conseil constitutionnel ivoirien a proclamé la victoire du président sortant Laurent Gbagbo. La communauté internationale est plutôt encline à reconnaître la victoire de Alassane Ouattara. Ceci dit, un autre conflit risque de surgir en janvier prochain. Au Soudan où, le 9 janvier 2011, se tiendra un référendum à haut risque. Lakhdar Brahimi s’est déclaré convaincu que le référendum en question aboutira à la scission du pays. «Le référendum aboutira à la division du Soudan entre le sud et le nord du pays», a-t-il souligné. Pour l’ancien diplomate algérien, le chaos est inévitable. Au Soudan, comme en Cote d’Ivoire, la crise risque d’affecter la zone limitrophe. Lakhdar Brahimi a indiqué que le sud du Soudan a des frontières avec 9 pays et que le Nil le traverse. «L’Egypte est très inquiète», a-t-il indiqué. Parlant du conflit israélo-palestinien, Lakhdar Brahimi a affirmé que les rivalités entre factions palestiniennes ne rendent pas service à la cause palestinienne. Il a fait remarquer que les Israéliens, même divergents sur la perception du conflit, ne vont pas jusqu’à s'entre-tuer. Lakhdar Brahimi a considéré que seul le boycott d’Israël, comme ce fut le cas avec le régime de l’apartheid sud-africain, serait à même de faire fléchir le sionisme.
S. A. I.

L'Union africaine en position d'équilibriste
Après le Zimbabwe et le Kenya, l'UA fait face à une nouvelle crise majeure née d'une élection présidentielle controversée en Côte d'Ivoire où elle est contrainte de concilier ses professions de foi démocratiques avec la volonté d'éviter une reprise du conflit armé.

Avec deux candidats qui se revendiquent président au terme d'une élection censée sortir le pays de la crise, l'UA se livre à un numéro d'équilibriste. Si l'ensemble de la communauté internationale — Etats-Unis, Union européenne, secrétaire général des Nations unies notamment —, a reconnu la victoire du candidat de l'opposition Alassane Ouattara, l'UA s'en est formellement gardée pour, selon plusieurs observateurs, donner une chance à son médiateur, l'ex-président sud-africain Thabo Mbeki, de pouvoir travailler. Quelques heures après avoir annoncé samedi l'envoi de M. Mbeki à Abidjan pour cette «mission d'urgence », l'UA a cependant appelé au respect des résultats «tels que proclamés » par la Commission électorale indépendante (CEI) de Côte d'Ivoire, qui a désigné jeudi M. Ouattara vainqueur du scrutin avec 54,10 % des suffrages. «Le communiqué de l'UA est à mon sens assez fort et assez clair (...) L'UA a, il est vrai, tendance à être plus prudente que des acteurs non-africains et ne veut pas être accusée d'ingérence. Mais à mon sens, c'est une simple différence de forme», juge l'analyste politique Gilles Yabi, interrogé par l'AFP. De fait, l'organisation a mis les points sur les «i» samedi en se démarquant publiquement du chef de sa mission d'observation en Côte d'Ivoire, l'ancien Premier ministre togolais Joseph Kokou Koffigoh qui venait d'assister à la cérémonie d'investiture du président sortant Laurent Gbagbo : «M. Koffigoh ne représentait pas l'Union africaine qui n'est en rien engagée par cet acte individuel». Un autre analyste politique spécialiste de la Côte d'Ivoire, qui a requis l'anonymat, juge également «pragmatique » l'attitude de l'UA : «Si l'UA samedi avait dit de Gbagbo : “c'est de sa faute, c'est le principal responsable”, il devenait compliqué après pour Mbeki de négocier quoi que ce soit. Ils ont accompagné l'envoi de Mbeki avec un communiqué où ils ont donné leur tendance». Reste que la marge de manœuvre de M. Mbeki qui a rencontré dimanche MM. Ouattara et Gbagbo, semble bien étroite, d'autant que l'option de mettre en place un gouvernement d'union nationale, privilégiée par l'UA au Zimbabwe et au Kenya, apparaît en l'état impossible, voire indésirable selon les deux experts. «D'abord, il faut rappeler qu'il y avait déjà un gouvernement de coalition, celui de M. (Guillaume) Soro, composé de ministres venant de toutes les parties en présence. Et après ce qui vient de se passer, on imagine assez mal Ouattara président et Gbagbo Premier ministre», estime le second analyste. «Le signal serait désastreux : ces élections ont été très coûteuses, avec un investissement très important de la communauté internationale. Et au terme du processus, on arriverait à une situation où elles n'auraient servi à rien ?», juge M. Yabi. En outre, l'UA pourrait se montrer échaudée par les expériences kényane et zimbabwéenne, pour le moins chaotiques et vivement critiquées par les intéressés eux-mêmes. Le Premier ministre kényan Raila Odinga appelait ainsi en mai à «en terminer avec ce genre de compromis. Ce sont précisément des exemples de ce qu'il ne faut pas faire». Alors que la crise en Côte d'Ivoire empirait, l'UA s'est félicité samedi de l'élection du premier président démocratiquement élu de Guinée, l'opposant historique Alpha Condé, espérant que le déroulement du scrutin servira d'«exemple sur le continent».

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