Actualités : LES TERRES EN JACHÈRE RÉDUISENT LA PRODUCTION AGRICOLE
Une pratique héritée de l’ère coloniale


Entre 40 % et 45 % des surfaces cultivables utilisées en Algérie sont laissées en jachère, c'est-à-dire des propriétés agricoles abandonnées et inexploitées. C’est un massacre, affirment les experts.
Irane Belkhedim - Alger (Le Soir) - «Il y a des terres en jachère dans la Mitidja et le littoral algérien ! Ce n’est pas normal. C’est un crime ! Un massacre ! L’on devrait intenter des procès aux propriétaires qui délaissent leurs terres. L’Etat laisse faire aussi», s’est écrié le professeur Aïssa Abdelguerfi, enseignant chercheur à l’Institut national d’agronomie, catastrophé par la situation actuelle. Il explique que cette pratique, héritée des colons, est perpétuée depuis l’indépendance. Des études scientifiques ont pourtant démontré ses dangers. «La jachère ne permet pas d’emmagasiner de l’eau, ce n’est pas vrai ! De nombreux fellahs croient encore aux bienfaits de la jachère alors qu’elle doit être bannie. » L’intervenant s’exprimait, lundi, lors d’une journée d’étude sur la céréaliculture, organisée à l'Institut national de vulgarisation rural de Saïd- Hamdine. La jachère est l'ensemble des pratiques culturales de préparation des terres arables pour l'ensemencement. Cette préparation consiste en plusieurs labours dont le but est de détruire les adventices, d’ensevelir la fumure et d’accélérer la décomposition de la matière organique. Contrairement à l'idée couramment admise, la jachère n'est pas un repos de la terre. La reconstitution des stocks minéraux du sol est beaucoup plus lente. Sans apports extérieurs de fumier, il n'y aura pas de renouvellement de la fertilité. Selon les experts, le problème se pose depuis 1962 et des mesures dissuasives n’ont pas été prises. Pour le professeur Aïssa Abdelguerfi, cette pratique est encouragée par le manque de fourrage. Les chiffres officiels sont alarmants. A Constantine, 80 % des terres sont laissées en jachère. A Tiaret, ce sont 300 000 ha. Deux millions d’hectares sont une jachère pâturée, 700 000 ha jachère travaillée et 140 000 ha de la jachère fauchée. Le total représente près de 3,4 millions d’hectares. D’une manière générale, entre 40 % et 45 % des surfaces cultivables utilisées en Algérie sont des terres en jachère, c'est-à-dire des terres agricoles abandonnées et inexploitées. «La productivité dans ces jachères est importante. Si l’on réduit 20 %, nous gagnons 600 000 ha. Nous gagnerons alors en productivité et en rendement», estime Omar Zeghouane, directeur de l’Institut technique des grandes cultures. Résorber ces jachères ne nécessite pas de grands moyens. Ce sont seulement les zones inaccessibles qui poseraient problème et exigeraient des interventions coûteuses, dit-on. Dans le cadre du programme du renouveau agricole et du renouveau rural lancé depuis quelques années par le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, des campagnes de sensibilisation et de vulgarisation ont été organisées en faveur des agriculteurs. Apporter un appui technique et informer les fellahs est le but de ces rencontres. Sur les 60 000 fellahs ciblés, seulement 20 000 ont été touchés. «C’est insuffisant ! Nous devons multiplier les journées techniques, les démonstrations et faire participer nos agriculteurs à cet effort de développement. Nous sommes en train de faire la promotion de l’approche participative dans la prise de décision des bénéficiaires », soutient Omar Zeghouane. Les autorités ont du mal à communiquer avec les fellahs ou à identifier leurs besoins immédiats. A titre d’exemple, sur les 132 variétés de blé homologuées, nos agriculteurs n’ont adopté que 32. Visiblement, l’information circule mal ou ne circule pas du tout. La désinformation, par contre, a trouvé libre cours.
I. B.

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