Actualités : LUTTE ANTITERRORISTE
Les enjeux de l’opération de Sidi-Ali-Bounab


L’Aqmi prend dangereusement de l’ampleur par un recrutement massif ces dernières années. C’est ce qui a amené l’ANP à déclencher une grande offensive sur plusieurs fronts à la fois. C’est, semble-t-il, la principale raison de cette opération toujours en cours dans plusieurs maquis des wilayas de Boumerdès et Tizi-Ouzou.
Au quatrième jour de ce ratissage dans le massif montagneux de Sidi-Ali- Bounab, à l’ouest de la Kabylie, nous avons pu prendre contact avec une source fiable qui connaît très bien la région, notamment la Basse-Kabylie. Elle nous a donné un aperçu général sur ce qui se déroule au plan militaire sur les flancs de cette montagne. Des centaines de militaires, placés sous les ordres d’officiers de haut rang, encerclent les bois. Les détachements sont déployés sur un immense périmètre de la région montagneuse. La progression est lente. Les militaires en opération rencontrent de temps à autre des groupes terroristes qui tentent de sortir de la souricière. De nombreux accrochages ont été enregistrés sur le versant sud de Sidi- Ali-Bounab, dans le territoire de la wilaya de Tizi- Ouzou. Pour l’heure, notre source évalue le nombre des terroristes abattus à une quinzaine d’éléments. Cependant, ce nombre pourrait être beaucoup plus important. En effet, dans certains endroits, les maquis sont denses, ce qui rend la progression des militaires difficile. Il y a, en outre, un autre danger auquel sont exposés les soldats. Il s’agit des mines artisanales antipersonnel. Généralement, les terroristes truffent les alentours de leurs casemates de bombes artisanales fabriquées avec des bouteilles en verre et munies d’un système de mise à feu relié à un fil de pêche déployé et attaché au ras du sol. Ce qui les rend imperceptibles et indétectables au sonar des mines. A notre question sur le nombre des terroristes encerclés, notre source, dépitée, lance : «Mais ils (les terroristes, Ndlr) ont des effectifs plus importants et sont devenus plus forts qu’en 1995. Ils ont fait ces dernières années des recrutements massifs.» Notre interlocuteur laisse entendre que le nombre des terroristes encerclés à Sidi-Ali-Bounab est de plusieurs centaines. Sur la présence éventuelle des «émirs», les plus importants d’Aqmi, dans cette montagne, il pense que comme ce massif montagneux est devenu depuis des années le sanctuaire national du GSPC, puis d’Aqmi, tous leurs chefs terroristes y séjournent régulièrement. En tout cas, cette opération est comparée à celle menée en 2000 au niveau de la même montagne. Ce ratissage est à son quatrième jour et les réseaux de téléphonie mobile sont toujours hors service. Les terroristes encerclés ne peuvent plus communiquer, ni entre eux, ni avec les réseaux de soutien et d’information. Ce qui donne, rappelons- le, un avantage certain aux services de sécurité.
Des citadelles à détruire
Il semblerait donc que l’ANP ait décidé de détruire quelques citadelles érigées par le GSPC. A la création de ce mouvement armé, Hassan Hattab avait choisi des endroits stratégiques pour concentrer ses effectifs. Il a réoccupé la place arrachée aux GIA. Ce choix de cantonnement a été fait au lancement de l’insurrection islamiste par les dirigeants de l’ex-FIS. Ces cantonnements constitueraient une ceinture allant de Mizrana, sur les rives de la Méditerranée, à la forêt de Djerrah dans le sud de Boumerdès en passant par le mont de Sidi-Ali- Bounab. Des impératifs politiques ont été pris en considération quant au choix de ces places et d’autres. Souvenons-nous de la menace de Ali Benhadj contre la Kabylie qui n’avait pas adhéré aux thèses insurrectionnelles de l’ex-FIS. De plus, les islamistes armés activent dans des zones séparant les pôles politiques les plus importants du pays. La Kabylie, à moins de 20 km à l’est, et la capitale du pays à 60 km à l’ouest. Plus grave, la RN12 et la voie ferrée (Thénia-Tizi- Ouzou) passent pratiquement au pied de la montagne aujourd’hui investie massivement par l’armée. Idem pour la RN5 (Alger- Constantine) et la voie ferrée (Alger-Annaba) qui passent au pied de la forêt de Djerrah. Cette offensive dépasse largement le cadre de la sécurité locale. C’est pourquoi l’ANP l’a vraisemblablement préparée bien avant jeudi, date de son lancement, et dans une discrétion totale.
Un recrutement massif
Quand on analyse les informations sur l’implication massive des terroristes à Sidi-Ali-Bounab, on est en droit de faire un constat alarmant sur le redéploiement des effectifs du GSPC devenu Aqmi. Fasciné par sa politique de réconciliation, le pouvoir politique interdisait que l’on combatte politiquement les salafistes. Ces derniers n’ont jamais baissé les bras. Ils ont tout le temps activé dans des mosquées laissées à qui veut bien y prêcher. D’autres recruteurs tapis dans l’ombre encourageaient le djihad. Exploitant la misère sociale, la corruption et le sentiment de frustration palpable chez les jeunes, ces recruteurs poussaient ces derniers à monter au maquis pour se venger de l’Etat qui les a marginalisés. C’était aussi une option pour tenter de faire fortune en recourant au rapt d’hommes riches. Ainsi, le GSPC a renouvelé ses effectifs. Il ne faut pas que l’on nous raconte des histoires : le nombre des terroristes se trouvant au maquis est important. Par ailleurs, la nouvelle génération — entre 18 et 22 ans — de terroristes est née dans la violence. Elle n’a reçu aucune formation, sauf celle que lui inculquent les «émirs». Elle n’a pas de cause à défendre, mais une frustration à dégager par la violence. La majorité des terroristes de la wilaya de Boumerdès ne sont pas fichés chez les services de sécurité. Une seule offensive militaire, même la mieux préparée, suffirait-elle à endiguer le terrorisme ?
Abachi L.

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