Actualités : À L’INITIATIVE DU MOUVEMENT ASSOCIATIF
Un plaidoyer pour une égalité dans l’héritage entre l’homme et la femme


A l’initiative du Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (CIDDEF), un plaidoyer pour une égalité de statut successoral entre hommes et femmes a vu le jour.
Salima Akkouche - Alger (Le Soir) -La question du droit à l’héritage pour la femme relève presque du tabou en Algérie. Pour la première fois, le mouvement associatif a osé aborder le sujet pour demander des changements. Le fils a une part double de celle de la fille. Au-delà du volet constitutionnel en matière d’héritage, ce principe est une question de mentalités. L’égalité de statut successoral entre hommes et femmes pourrait-elle exister un jour chez nous ? Pour Mme Nadia Aït Zaï, présidente du CIDDEF, cela demandera du temps au vu des mentalités. Cependant, il demeure possible d’arriver à inscrire cette égalité dans la législation, comme l’ont déjà fait nos voisins les Tunisiens et les Marocains. Et parce qu’il faut un premier pas pour commencer, le CIDDEF, qui a préparé un plaidoyer pour l’égalité dans l’héritage entre l’homme et la femme, a réuni hier à l’Institut de santé publique, à Alger, différentes associations pour débattre du sujet. «Tout est une question de volonté», estiment les intervenants. Arguments à l’appui, les initiateurs de ce plaidoyer estiment qu’il faut adapter la législation aux mutations sociales. «On ne peut plus s’enfermer dans un dogme pour réfuter tout changement», a noté Mme Aït Zaï. En témoignent les différents changements en matière de droit islamique déjà effectués dans la législation des pays musulmans. Selon le plaidoyer présenté, il existe trois principes en Islam pour faire évoluer le droit et l’adapter à la réalité. Il s’agit de la maslaha, soit l’utilité publique, la dharoura ou la nécessité, ainsi que les maquassid, soit les finalités de la loi. Ces trois instruments, souligne-t-on, permettent de faire évoluer la loi en matière d’héritage. Par ailleurs, certains intervenants ont appelé à abroger le code de la famille et l’article 02 de la Constitution, qui stipule que l’Islam est religion d’Etat. Deux instruments, estiment- ils, qui constituent une forme de discrimination à l’égard des femmes. Une enquête réalisée en 2008 a révélé que 6 adolescents sur 10 et près de 5 adultes sur 10 se sont déclarés favorables à un partage équitable de l'héritage de la famille entre les femmes et les hommes.
S. A.

NADIA AÏT ZAÏ, PRÉSIDENTE DU CIDDEF AU SOIR D’ALGÉRIE :
«Tout est question d’interprétation»

Le Soir d’Algérie : Considérez-vous que le code de la famille et l’article 2 de la Constitution constituent un obstacle pour le changement ?
Nadia Aït Zaï :
Le code de la famille tire sa source de l’article 02 de la Constitution, qui dit que l’islam est la religion de l’Etat, bien que cela soit anti-constitutionnel parce que dans cet article, il existe des principes d’égalité et de non-discrimination. C’est pour cela que je dis que tout est une question d’interprétation de cet article. L’Etat est une institution et non un peuple. Une structure peut-elle avoir une religion ? Le citoyen a une religion, mais une institution ne peut en avoir. C’est pour cela que je dis qu’il y a confusion entre la communauté des croyants et le citoyen, car la Constitution introduit la notion de citoyenneté. C’est cette notion de citoyenneté qui n’est pas bien prise en compte dans le code de la famille. Dans ce code, l’individu n’apparaît pas comme un citoyen mais comme un membre d’un groupe d’une famille élargie. Alors, je ne pense pas que cet article soit un obstacle, mais le code de la famille, oui. Ce dernier peut être modifié car aujourd’hui, il ne répond plus à une réalité et à une aspiration sociale où les rapports sociaux ont évolué. Le code de la famille est en contradiction même avec les règles de la sécurité sociale qui, elles, sont plus avancées. Le code de la famille nous décrit comme une famille élargie où tous les membres semblent vivre ensemble et seraient solidaires. Or c’est faux, car aujourd’hui la solidarité familiale a été remplacée par la solidarité étatique.
Quels sont les changements qui peuvent être mis en place dans l’immédiat ?

On peut commencer par l’application de la technique du retour des biens dans le cas où la descendance n’est composée que de filles. Et non accorder l’héritage à la lignée paternelle. Pourquoi aller chercher un mâle et en priver la fille. Il faut également rendre justice aux petits enfants de la fille décédée qui n’ont pas droit à l’héritage au même titre que ceux du fils décédé. On peut procéder à ces modifications rapidement en attendant de voir d’autres arriver.
Vous dites qu’il est possible de trouver des dispositions dans le Coran pour mettre en place cette égalité...
Oui ! Car il existe un verset du Coran qui est égalitaire. Un verset de la sourate En Nissa dit : «Une part à l’homme et une part à la femme.» Le Coran n’a été que la source du droit musulman, il n’est pas une source directe de toutes ces règles juridiques. D’ailleurs, dans le Coran, il n’existe que deux versets et non une cinquantaine comme c’est le cas dans le code de la famille. C’est sur la base de ces deux versets que tout a été construit. Quand le Coran parle de deux parts pour l’homme et une pour la fille, c’est parce qu’il fait obligation au frère d’entretenir la fille mais, aujourd’hui, on peut l’écarter car c’est l’Etat qui se substitue au frère. D’autant qu’il n’existe aucune obligation légale pour les frères d’assurer la subsistance de leurs sœurs célibataires, veuves ou divorcées.
S. A.

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