Actualités : SITUATION ÉCONOMIQUE
Le pessimisme d’Ouyahia


Ahmed Ouyahia a confirmé, hier, devant les membres du Conseil de la nation, le constat d’échec qu’il avait présenté en octobre dernier devant les élus de l’Assemblée populaire nationale.
Tarek Hafid - Alger (Le Soir) - L’Algérie se porte mal sur le plan économique. Le Premier ministre a eu l’occasion de le réitérer, hier, devant les membres du Conseil de la nation lors de la présentation de la déclaration de politique générale du gouvernement. «Nous devons protéger notre économie. Cela relève aujourd’hui de la souveraineté nationale. C’est notre devoir à tous. Aujourd’hui, c’est grâce au pétrole si l’Algérie dispose de quatre sous. Mais les prix du pétrole peuvent monter et baisser. S’ils subissent une chute, nous n’aurons plus les moyens de subvenir à nos besoins», a déclaré Ahmed Ouyahia en faisant une digression au texte soumis à la chambre haute du Parlement. Ainsi, il n’hésitera pas à rappeler que l’essentiel des produits importés en Algérie parviennent de l’étranger. Ouyahia a estimé nécessaire l’importation de lait en poudre et de blé mais a dénoncé l’achat en masse de «biscuits et d’habillements ». «Souvenez-vous quand l’Algérie était en cessation de paiement et que nous ne parvenions même pas à acheter un cargo de blé. Dans ce pays, il n’y a pas de perdant et de gagnant, soit nous gagnons tous soit nous perdons tous.» Le Premier ministre osera même une projection dans l’avenir en qualifiant d’«utopique» la poursuite du financement par l’Etat de l’économie nationale. «Il n’est plus possible pour l’Algérie d’investir à chaque fois jusqu’à 2 000 à 3 000 milliards de dinars. Cela relève de l’utopie.» Doit-on en conclure que les pouvoirs publics n’ont toujours pas eu de retour sur investissement suite aux plans de relance initiés ces dix dernières années ? Sûrement, si l’on s’en tient aux propos du Premier ministre. Ce dernier a cité en exemple la situation du secteur industriel. «Malgré quelques reprises, l’industrie n’a participé qu’à près de 5% de la valeur ajoutée globale de l’année dernière, soit moins que la part des services de l’administration. Cette situation est anormale au moment où la demande locale de produits manufacturée n’a jamais été aussi importante. Cette situation est inacceptable aussi, alors que l’Algérie dispose d’une importante base industrielle ayant besoin de relance et de savoir-faire.» L’échec n’est pas seulement économique, il concerne également la politique de privatisation tous azimuts appliquée ces dernières années par le gouvernement. «L’Algérie dispose d’atouts importants pour réaliser elle-même son développement économique. L’Algérie n’a pas besoin de privatiser pour assurer les équilibres de ses finances publiques, cette privatisation dont la mise en œuvre sera suivie de plus près par l’Etat doit permettre une plus grande valorisation de toute entreprise transférée de la propriété publique vers celle de privés nationaux.» Ouyahia s’accorde, là aussi, un zéro pointé dans la gestion d’un dossier qu’il a suivi depuis les années 90. Il est utile de préciser qu’Ahmed Ouyahia a modifié une partie de sa déclaration de politique générale. Lors de son passage à l’Assemblée populaire nationale, s’était attelé à justifier la série de mesures protectionnistes imposées par l’Etat algérien. «Quel est ce dogme qui, au nom de la liberté d'entreprendre, devrait nous empêcher d'introduire des correctifs appropriés à la lumière des constats, des expériences et des circonstances, au moment même où la crise économique mondiale a réhabilité ailleurs le rôle économique de l'Etat, et surtout remis en cause le primat de la libre spéculation sur l'économie productive ? Est-ce à dire que parce que l'Algérie qui forgeait son expérience libérale et qui était confrontée aussi à la nécessité de rompre, voilà dix ans, un embargo international non déclaré, a concédé de larges libertés aux investisseurs étrangers, qu'elle ne serait plus en droit aujourd'hui de reprendre par exemple la majorité dans les investissements extérieurs chez elle, alors que ce même principe prévaut dans d'attrayantes destinations de l'investissement étranger, au Moyen- Orient ou en Asie par exemple ? J'évoque de tels questionnements devant votre auguste assemblée non pour entretenir une quelconque polémique mais parce que le gouvernement considère que le développement économique national a besoin d'une union nationale. Nulle entreprise locale ne sera prospère si l'économie nationale n'est pas solide. Que ceux qui l'auraient oublié se rappellent quelle était la situation de chacun, lorsque l'Algérie était en faillite financière et soumise à l'ajustement structurel. A cet effet, permettez-moi de relever ici, brièvement, quelques constats économiques amplement développés dans le document que le gouvernement vous a remis», avait-il expliqué en octobre dernier. Ce passage a finalement été supprimé dans la version de la déclaration présentée hier au Conseil de la nation. Le même procédé a été appliqué au chapitre consacré au bilan de la politique de «réconciliation nationale». Pour des raisons inexpliquées, les données chiffrées ont été escamotées.
T. H.

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