Régions : SKIKDA
Les causes environnementales du cancer en débat


«La promotion de la prévention environnementale comme outil de lutte contre le cancer» a été le thème de la conférence-débat organisée, samedi à l’hôtel de ville de Skikda, par l’association Bariq 21 et animée par le professeur Dominique Belpomme, cancérologue reconnu et président de l’Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (Artac). Une première du genre.
Fait notable, la non-venue des officiels et de beaucoup de représentants du corps médical et paramédical. Même le locataire de l’hôtel de ville a brillé par son absence. Hormis la Somik, les entreprises industrielles n’ont pas daigné faire le déplacement pour assister à un sujet dont elles ont une grande responsabilité. Introduite par une projection vidéo mettant en relief les activités d’Artac, la journée avait pour objectif la mise en place d’un comité de veille composé d’une équipe pluridisciplinaire, particulièrement de professionnels de la santé, dont la mission s’articulera autour du lancement d’études plus approfondies en vue de déterminer et d’identifier les causes environnementales du cancer. Initiative appréciée par le professeur Dominique Belpomme, tout en émettant quelques réserves : «C’est bien, mais je préfère plutôt des chercheurs que des médecins généralistes, généralement préoccupés par la charge professionnelle quotidienne. Il faut aussi inclure l’objectif d’avoir un représentant au sein de l’ISDE, International society doctor of environnement. » L’orateur profitera pour lancer un appel à la société civile de ressouder les rangs afin de faire face au développement exponentiel du cancer. Avec ses appels, Belpomme a tissé un lien historique et bénévole incommensurable. Le plus célèbre demeure l’appel de Paris, fruit d’une collaboration entre scientifiques et organisations non gouvernementales, placée sous l’égide de l’Artac, le 7 mai 2004, à l’Unesco, et à laquelle ont pris part des noms célèbres tels Luc Montagnier, Boutros- Boutros Ghali et Nicolas Hulot. La déclaration de Paris, qualifiée d’historique, portait sur les dangers sanitaires de la pollution chimique. Elle s’articulait autour de trois articles, le développement de nombreuses maladies actuelles est consécutif à la dégradation de l’environnement, la pollution chimique constitue une menace grave pour l’enfant et pour la survie de l’homme et notre santé, celle de nos enfants et celle des générations futures étant en péril, c’est l’espèce humaine qui est elle-même en danger. La signification mathématique de la déclaration est la suivante : des causes du cancer sont à imputer à l’environnement, le quart restant est provoqué par le tabac. D’où le titre de la communication présentée au cours de cette journée. «Propriétés et mécanismes moléculaires des cancérigènes exogènes». Le professeur lève d’emblée toute équivoque, «il faut faire la différence entre causes et facteurs favorisants du cancer. Les premiers sont au nombre de trois, les virus, les rayonnements et les substances chimiques, alors que les deuxièmes sont plus nombreux : alcoolisme, consommations de graisses animales et des lipides, surpoids et obésité, hormones, sédentarité et stress». Au sujet des substances chimiques, une révélation de taille : 100 000 substances sont écoulées sur le marché européen. Parmi elles, 30 000 sont incluses initialement sur le projet Reache, alors que 5 000 sont testées pour leurs propriétés dangereuses. «Et seulement quelques centaines sont reconnues officiellement cancérigènes. C’est dire que le danger existe mais il n’est pas encore bien quantifié. On ne sait pas encore avec exactitude toutes ou du moins la plupart des produits cancérigènes », indique le professeur. Dans sa diatribe contre l’industrie nocive, le professeur mettra en garde également contre l’usage immodéré de la technologie, dont le portable en est l’un des représentants les plus en vue. «L’utilisation du téléphone mobile peut provoquer une tumeur cérébrale, ce qui n’était qu’une appréhension est maintenant un fait scientifique avéré. User de cet accessoire une heure par jour sur une période de dix ans est cancérigène. Pour les enfants de moins de 12 ans, il est devenu strictement interdit de dépasser les 20 minutes/jour, l’appareil collé aux oreilles.» Même l’alliage dentaire métallique ou en mercure, de son avis toujours, est nocif pour la femme surtout durant la période de grossesse. Portant l’estocade un peu plus loin, il déclara : « Il faut mettre l’économie et l’industrie au service de l’environnement et non l’inverse. L’économie mondiale est devenue immorale, elle n’est minée que par le profit. Situation accentuée par le fait que l’OMS et l’Union européenne ne sont plus des organismes indépendants, comme elles le prétendent, car elles sont infiltrées par des lobbys.» La lutte contre le cancer n’est pas gagnée, car avec 320 000 nouveaux cas enregistrés chaque année et 145 000 décès durant la même période, il ne faut pas trop se réjouir. Durant ces trente dernières années, le nombre de cancéreux a doublé. Si on prend l’exemple en France, l’incidence pour les hommes atteints de cancer de prostate est passé d’1 cas sur 6 à 1 sur 3. Un petit espoir, on guérit mieux du cancer depuis quelques années, 1 sur 2 au lieu d’un cas sur 5 il y a trente ans.` «Cette victoire est due surtout aux méthodes de prévention préconisées dans beaucoup de pays, surtout nordiques», selon le conférencier. On est passé, comme le rappelle le numéro hors série de Science et vie traitant de ce sujet, de la mastectomie aux thérapies ciblées. Quelle est la situation à Skikda ? Selon le Dr Aissani Med-Tahar, 656 cas ont été enregistrés durant ces 5 dernières années. Il indiquera que la grande problématique réside dans deux faits, le délai d’attente pour avoir les résultats du dépistage et celui que 25% des malades seulement bénéficient de traitement non traditionnel. Ville industrielle par excellence, Skikda est un terreau fertile pour le développement de cette maladie. Il faudrait que l’on y accorde de l’importance. En clôture de séance, un hommage posthume, avec remise de cadeaux, a été rendu à Ferhat Ghennai et Boussouf Laidi, respectivement maire et vice-président chargé des travaux à l’APC de Skikda, décédés le 30 et 10 septembre de l’année en cours. Une convention sera également établie entre l’association Bariq 21 et l’Angem de Skikda, selon les dires du directeur de l’agence de Skikda, Karim Draoui, en vue d’un financement dans le cadre du dispositif des promoteurs de projets liés à l’environnement, tel le recyclage.
Zaïd Zoheir

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