Actualités : UN HOMMAGE LUI A ÉTÉ RENDU À L’OCCASION DU 25E ANNIVERSAIRE DE SON DÉCÈS
«Ferhat Abbas n’a jamais été français»


Organisée par l’association Machaâl-Chahid, la conférence- hommage à Ferhat Abbas, tenue hier à El Moudjahid, a permis aux invités de débattre de l’écriture de l’histoire algérienne.
Irane Belkhedim-Alger (Le Soir) - «J’ai enseigné l’histoire à l’université algérienne et j’ai toujours cru que Ferhat Abbas avait eu la nationalité française. C’est ce que l’on m’a toujours appris. En 1979, j’ai retrouvé une fiche de police française et sur laquelle j’ai pu lire que Ferhat Abbas a toujours eu la nationalité algérienne. Beaucoup de questions m’avaient alors trituré l’esprit ! Imaginez l’état de celui qui découvre qu’il a enseigné des choses inexactes en pensant qu’elles étaient justes !», a affirmé le docteur Mohamed Korso devant une salle archicomble. De nombreux citoyens ont assisté debout à cette rencontre, ne trouvant pas de sièges libres. L’intervenant s’est dit, d’ailleurs, heureux de voir tout ce monde assister à cette conférence. «Vendredi dernier, au cimetière El- Alia où je m’étais rendu avec des amis pour voir la tombe de Ferhat Abbas, il n’y avait pas toute cette foule. Nous n’étions pas plus d’une centaine de personnes. Médias, hommes politiques et représentants de l’Etat n’étaient pas venus ! Même si l’on ne partage pas les idées de Ferhat Abbas, nous devons respecter tout ce qu’il a représenté», s’est-il exclamé. Difficile de retracer le parcours de cet homme. Ferhat Mekki Abbas était un homme politique et un leader nationaliste. Il est le fondateur du parti Union démocratique du manifeste algérien et membre du FLN durant la guerre d'indépendance, c’est également le premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) de 1958 à 1961. En 1962, il est élu président de l'Assemblée nationale constituante devenant, ainsi, le premier chef d'Etat de la République algérienne démocratique et populaire. «Il a été le porte-parole officiel de quelque chose que l’on nommait à l’époque Révolution algérienne. Nous devons le respecter». Mohamed Korso estime encore que même la relation qu’entretenaient Ferhat Abbas et Ibn Badis a été déformée. «L’on n’a pas cessé de parler de rupture entre ces deux personnalités, alors que ce n’est pas vrai ! Aujourd’hui, nos plumes continuent d’écrire en falsifiant l’histoire. Comment peut-on s’en sortir ?». Pour répondre à cette question, l’historien suggère de réétudier les conflits qui ont marqué le mouvement politique et national algérien entre 1926 et 1954, une relecture «objective » de ces évènements pour comprendre l’histoire. «Il faut revoir les forces actives et dominantes à l’intérieur même du Front national de libération entre 1954 et 1962, et qui ont été fortement soutenues lors de l’édification de l’Etat algérien et de la mise en place de ses institutions». Un point d’ombre dans l’histoire nationale. Parce que ce travail n’a jamais été accompli, les Algériens sont désemparés, dit-il, devant leur histoire. «Etudiants et élèves lisent et entendent des versions différentes et contradictoires. Aux départements d’histoire des universités algériennes, chaque enseignant représente une école et ce, quel que soit son niveau ! Sur le plan méthodologique, nous n’avons pas de repères. Les quelques repères qui pouvaient servir ont été perturbés», indique le docteur Mohamed Korso, précisant que «le discours historique ambiant monopolise l’écriture de l’histoire». L’autocensure et l’inaccessibilité aux archives compliquent la tâche. L’universitaire Leïla Benammar Benmansour, auteure de Ferhat Abbas, l’injustice (Editions Algerlivres), abonde dans le même sens. Ferhat Abbas doit être réhabilité. «Nous avons souffert de lire toutes ces contre-vérités colportées sur Ferhat Abbas. Pourtant, c’est grâce au dévouement de cet homme et de ses semblables que nous sommes là, aujourd’hui, en train de discuter en toute liberté». L’universitaire ajoute encore que nombre d’Algériens admirent les grands noms qui ont jalonné l’histoire du monde et n’ont pas connaissance des héros qui ont marqué l’histoire de leur propre pays. «Ferhat Abbas fait partie de ceux dont la jeunesse algérienne d’aujourd’hui tirerait grand orgueil si elle avait connaissance de son dévouement pour son peuple». Son intervention est longue. Elle rappelle ses écrits, ses idées progressistes, ses positions émancipées et ses thèmes : l’éducation des masses, l’instruction de la population, la valorisation des sciences exactes dans le système scolaire et la liberté religieuse. Leïla Benammar Benmansour affirme que la question de Ferhat Abbas lui tient «à cœur» et espère une réparation officielle. «Nous espérons une déclaration officielle pour corriger l’histoire. Que l’on attribue le nom de Ferhat Abbas à un édifice algérien. Il n’est pas normal que les boulevards du pays ne portent pas le nom du 1er président du GPRA !», s’est-elle exclamée.
I. B.

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