Actualités : CRÉDIT DOCUMENTAIRE
Les paiements différés de plus de 60 jours interdits


Dans le cadre des crédits documentaires, les paiements différés de plus de 60 jours sont désormais interdits. C’est la sentence prononcée la semaine dernière au niveau de la Banque d’Algérie et agréée par la hiérarchie bancaire.
Chérif Bennaceur- Alger (Le Soir) - En attendant la formalisation appropriée, cette sentence confirme la correspondance de la Direction générale des changes de la Banque centrale, adressée le 9 décembre dernier, à titre individuel, aux P-dg des banques et établissements financiers. Dans cette correspondance, l’autorité monétaire «constate que la dette extérieure à court terme enregistre une croissance à un rythme non souhaitable ».
Réduire la dette extérieure de court terme
Selon des estimations, la dette à court terme, constituée par les différés de paiement ainsi que les avances sur trésorerie, représente un montant de l’ordre de 5 milliards de dollars. Et la Banque centrale d’inviter les banquiers «à prendre toutes dispositions nécessaires pour réduire ce type d’engagement». Il s’agit, en ce sens, de «ramener l’encours de la dette à court terme à fin décembre 2010 au niveau enregistré à fin décembre 2009» et d’«instruire vos services concernés en vue de transmettre à la direction de la dette extérieure… les informations relatives aux débiteurs et aux conditions de mobilisations». Selon l’autorité monétaire, l’augmentation du niveau de la dette à court terme est liée tacitement au paiement des importations par crédit documentaire, permettant aux importateurs de bénéficier de différés de paiement d’une longue durée.
Une mesure en déficit de méthodologie
Cela même si la transaction est garantie par l’engagement systématique et irrévocable de la banque de l’importateur de payer la banque étrangère du fournisseur. Néanmoins, la Banque centrale décide d’interdire le paiement différé de plus de 60 jours. Or, cette décision est inapplicable selon des experts bancaires qui estiment qu’aucune analyse pertinente n’est avancée sur les raisons exactes de la hausse de la dette à court terme. Voire, les concepteurs de cette mesure ont manqué, selon ces experts, de méthodologie et de flexibilité, mais aussi d’esprit de concertation et d’implication de tous les acteurs concernés. Ils n’ont pas laissé le temps aux banques de s’adapter et n’ont pas pris en considération les besoins urgents en intrants ou en produits pharmaceutiques, justifiant des différés longs de paiement. De l’avis de ces experts, il aurait été davantage judicieux de permettre aux banques algériennes de prendre en charge directement les besoins de financement et les différés de paiement, et faciliter les délais d’application.
Les avances sur trésorerie à capitaliser
Par ailleurs, une correspondance similaire de la Banque centrale oblige les sociétés étrangères de droit algérien à intégrer les avances sur trésorerie, consenties par leurs maisons mères, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de finances complémentaire pour 2009, à leur capital social au plus tard le 31 décembre 2010. Après leur intégration, ces avances qui entrent dans le fonds de roulement (working capital) des sociétés bénéficieront des garanties de transfert et de rapatriement des revenus en découlant. En d’autres termes, tout prêt à une filiale ou une succursale ne sera plus accepté dès le 2 janvier 2011, même à titre rétroactif. Au motif, selon la correspondance de la Direction générale des changes, de «la nécessité d’une mise en conformité au regard du dispositif légal en vigueur».
Les paradoxes de la Banque d’Algérie
Cela même si la Banque d’Algérie a continué, dès l’entrée en vigueur de la LFC 2009, à enregistrer les dossiers d’avances sur trésorerie déclarés à la direction de la dette extérieure, en communiquant aux banques déclarantes les numéros d’enregistrement desdits dossiers. Paradoxalement, la correspondance laisse comprendre que la Banque d’Algérie, d’une part, n’a jamais autorisé la mobilisation de ces avances, en acceptant les déclarations des banques primaires après juillet 2009, et d’autre part, n’a pas fait le distinguo entre les anciennes et les nouvelles créations, avant et après juillet 2009, et entre un financement d’investissement et un financement de cash-flow. Voire, les prescriptions de ladite correspondance peuvent avoir comme conséquence, dans certains cas, la mise en application des dispositions relatives aux règles de répartition de la majorité du capital social des sociétés de droit algérien au profit des résidents algériens (51/49%).
Une mesure inapplicable, car…
En effet, si la société mère ne détiendrait pas 100% du capital social de sa filiale de droit algérien, l’incorporation des avances sur trésorerie aurait pour effet de modifier la répartition du capital de celle-ci, dans la mesure où elle participerait seule à cette augmentation. Or, cette augmentation entraînant une modification de la répartition ne figurant pas parmi les exclusions à la mise en conformité à la règle 51/49%, les services du Centre national du registre du commerce seraient appelés à exiger l’application de ladite règle, préalablement à l’augmentation de capital. De même que cette mesure risque d’être inapplicable du point de vue notarial. Outre le fait qu’elle est difficile à appliquer concernant les sociétés de revente en l’état.
Quid de la notation du risque pays Algérie ?
Cela étant, cette mesure impacte sur l’image à l’international de l’Algérie, sur la notation du risque pays Algérie, puisqu’elle n’autorise plus les sociétés étrangères de rembourser des fonds mobilisés dans le cadre de procédures légales et réglementaires, auprès de leurs maisons mères. En d’autres termes, le pays risque de pâtir d’une image de mauvais pays, en dépit de son aisance financière et de sa stabilité politique. Et d’autant que l’Algérie souffre d’un mauvais classement en raison de sa volatilité juridique et réglementaire. Selon les mêmes experts, il aurait été davantage judicieux d’interdire tout prêt nouveau et son remboursement, dès 2011, même si les avances constituent, quelque part, une ressource financière mobilisable. Voire, à travers cette décision, la Banque centrale contredit ses propres procédures, révélant selon des experts un déficit d’ingénierie financière et de concertation préalable, même si l’objectif de réduire l’endettement et la facture d’importation reste assez louable.
C. B.

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