Corruptions : DÉCLARATION DE PATRIMOINE
Des députés pas pressés


Décidément, faut-il désespérer des députés quel que soit le pays où ils ont été élus ? La transparence concernant leur patrimoine n’est pas leur point fort. Mais faut-il pour autant qu’ils bénéficient d’une totale impunité et d’une immunité illimitée ?
Nombre de lecteurs doivent se souvenir de l’incroyable culot des députés algériens de deux partis de la majorité présidentielle – FLN et Hamas – qui ont osé rejeter en janvier 2006 l’ex-article 7 du projet de loi de prévention et de lutte contre la corruption qui pénalisait toute violation de leur déclaration de patrimoine ? Il y a quelques jours, leurs homologues français se sont distingués de la même manière. Le patron des députés français UMP de la majorité présidentielle a tenté de faire supprimer l'incrimination pénale pour les députés qui omettraient sciemment de déclarer une partie de leur patrimoine. Il n'a pas obtenu gain de cause mais est tout de même parvenu à ce que la prison ne soit plus encourue. Le député qui omettra sciemment de déclarer son patrimoine ou mentira sur ses revenus encourra 30 000 euros d'amende mais pas la prison, a décidé l'Assemblée nationale française. L’UMP a dû retirer un amendement de suppression pure et simple de la mesure qu’il avait déposée sur le projet de loi sur l'élection des députés. Cet amendement, approuvé par la commission des lois, a provoqué un tollé à gauche et jusque dans les rangs de la majorité et mis dans l'embarras le gouvernement.
Rejet d’une nouvelle incrimination pénale
Le consensus avait pourtant prévalu au sein de la commission qui avait décidé que les députés omettant «sciemment» de déclarer une partie de leur patrimoine ou fournissant «une évaluation mensongère» seraient passibles de deux ans de prison, de 30 000 euros d'amende et d'une peine d'inéligibilité. Les déclarations des députés sur leur patrimoine et leurs revenus doivent être adressées à la Commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP). Pas question d'accepter cette nouvelle incrimination pénale, ont réagi les responsables de l’UMP, jugeant «inutile que la Commission devienne une sorte d'autorité judiciaire préalable ou une juridiction de fait, dotée de pouvoirs d'investigation». En séance publique, le gouvernement, par la voix de son secrétaire d’Etat aux Collectivités, visiblement gêné aux entournures, n'a «pas donné une approbation» à l'amendement tout en s'en remettant, prudemment, à «la sagesse» de l'Assemblée.
«Mentez, trichez, vous n'irez pas en prison !»

Les députés de l’opposition ont refusé catégoriquement d'accepter la disparition de toute peine de prison. «Franchement, quel signal allons-nous donner à nos compatriotes !» a déploré l’un d’entre eux. «Quand on vole une mobylette, c'est trois ans d'emprisonnement. Et quand un homme qui a été cherché le mandat auprès des citoyens ment sciemment, vous n'acceptez pas qu'il encoure une peine d'emprisonnement. C'est inacceptable», a lancé un autre député de l’opposition. Cet amendement revient à dire aux élus : «Mentez, trichez, vous n'irez pas en prison !» a renchéri un troisième député de l’opposition. Le vote sur l'ensemble du texte aura lieu le 12 janvier 2011.
D. H.

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